Le Conseil constitutionnel a censuré ce jeudi l’article de la loi Asap qui devait favoriser la concurrence sur le marché de l’assurance de prêt immobilier. Un article dont la portée avait pourtant déjà été fortement réduite lors de la navette parlementaire.

Assurance emprunteur : saison 8, épisode 15 ! Depuis 2010 et l’entrée en vigueur de la loi Lagarde, la liberté de choix et de changer d’assurance de prêt revient à intervalles réguliers au Parlement. Après la loi Lagarde, la loi Hamon en 2014, la loi Sapin 2 en 2016 et l’amendement Bourquin, en 2017, ont porté des mesures visant à favoriser la concurrence. Mais rien n’y fait : le marché de l’assurance emprunteur reste très largement dominé par les groupes bancaires, qui accaparent toujours 85% du marché.

A ce jour, quand vous signez un crédit immobilier, vous n’êtes en rien obligé d’accepter l’assurance proposée par votre banque (un « contrat groupe », à tarif forfaitaire et collectif le plus souvent). Vous avez le droit d’opter pour une assurance alternative : dans de nombreux cas, le fait de passer par un concurrent et de choisir une « assurance déléguée » (avec un tarif individuel, dégressif au fil des années de remboursement) revient moins cher sur l’ensemble de la durée du crédit. Mais, dans les faits, les banques font pression sur les emprunteurs pour éviter qu’ils prennent une assurance déléguée. Puis, en cours de prêt, les emprunteurs peuvent réclamer de changer d’assurance chaque année, mais les banques se montrent peu coopératives et excessivement procédurières dans cette démarche.

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La bataille de la « résiliation à tout moment »

Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap) a fait l’objet d’un nouveau combat législatif sur ce sujet. Cet automne, les députés Agir Patricia Lemoine et Laure de La Raudière ont dans un premier temps réussi – contre l’avis du gouvernement - à y intégrer un amendement permettant de résilier à tout moment votre assurance emprunteur, et non plus une fois par an uniquement. Mais, finalement, l’article polémique a été retoqué en commission mixte paritaire, censée permettre de trouver un compromis entre députés et sénateurs.

Le texte final du projet de loi Asap prévoyait tout de même une mesure favorisant la concurrence pour l’assurance emprunteur : l’article 115 du texte obligeait les banques à informer chaque année les emprunteurs de la marche à suivre pour résilier (et donc changer) leur contrat d’assurance de prêt.

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« Cavalier législatif », comme en 2016

Mais cet article 115 de la loi Asap a donc été censuré par les Sages. Motif du Conseil constitutionnel ? « Cavalier législatif », comme pour 25 autres articles insérés dans le texte. Traduction : cette mesure n’avait rien à faire (d’un point de vue législatif) dans ce projet de loi, les Sages estimant qu’il n’avait aucun lien avec l’objectif initial de la loi Asap.

Ce n’est pas la première fois que les Sages retoquent une mesure touchant à l’assurance emprunteur pour cavalier législatif. En décembre 2016, le Conseil constitutionnel avait censuré l’article de la loi Sapin 2 censé instaurer la résiliation annuelle pour ce même motif. La mesure avait finalement été intégrée à un projet de loi d’ordre technique, par le biais de l’amendement Bourquin.

La résiliation à tout moment et l’information annuelle sur le changement d’assurance emprunteur connaîtront-elles le même sort, en ressurgissant dans un autre texte législatif ? C’est la volonté de la députée Patricia Lemoine, qui déclarait fin octobre à MoneyVox : « Je n’ai pas du tout l’intention de baisser les bras. Vous pouvez compter sur ma pugnacité pour essayer de faire adopter prochainement cette résiliation à tout moment. Il faut trouver le bon véhicule législatif pour que ce dispositif soit remis en discussion. »