Réaliser des milliers d’euros d’économies sur son prêt immobilier, c’est possible en changeant d’assurance emprunteur. Un chemin jusqu’ici pavé d’embûches mais qui va être un peu facilité. La députée Patricia Lemoine veut aller encore plus loin. Elle explique sa démarche à MoneyVox.

Contre l'avis du gouvernement, la députée Patricia Lemoine, avec sa collègue Laure de La Raudière, ont réussi à faire adopter un amendement à l'Assemblée nationale afin de permettre aux emprunteurs de changer d'assureur pour leur crédit immobilier « à tout moment », et ce sans attendre la date anniversaire de leur contrat.

Patricia Lemoine

Patricia Lemoine est députée Agir de Seine-et-Marne, membre de la commission des finances

Ce texte qui a été adopté début octobre dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'accélération et la simplification de l’action publique (ASAP) a finalement été retoqué la semaine dernière en commission mixte paritaire (CMP). Députés et sénateurs se sont mis autour d'une table pour trouver un texte de compromis sur le projet de loi qui propose une série de simplifications administratives. Il doit être adopté mercredi par l'Assemblée nationale après une dernière lecture. Patricia Lemoine explique les conséquences du rejet de son amendement.

Est-ce que vous vous attendiez à ce que votre proposition soit rejetée par la CMP ?

Patricia Lemoine : « Oui je m’attendais à ce rejet, mais je suis bien sûr déçue. J’avais défendu ardemment cet amendement. Je dois dire que j’étais heureuse qu’il passe le cap de la commission. D’ailleurs, contre toute attente, nous avons réussi à le faire adopter en séance publique, contre l’avis du gouvernement. J’étais convaincue à 95% qu’il ne passerait pas le cap de la commission mixte paritaire où députés et sénateurs ont trouvé un compromis mercredi sur ce projet de loi. Le Sénat a fait de cet amendement - qui allait bien au-delà de ce qu’il avait voté initialement - une question principe. Et comme le gouvernement y était également opposé et qu’il souhaitait que la CMP soit conclusive, il a été retiré du texte final. Je le regrette car il permettait d’avoir un dispositif unifié sur l’ensemble des assurances, c’est-à-dire la possibilité de pouvoir résilier à tout moment comme c’est le cas déjà pour l’assurance automobile ou l’assurance habitation. Cette proposition était à mes yeux pourtant cohérente avec le projet de loi ASAP qui proposait une série de simplifications administratives. De plus, dans le contexte si particulier qui est le nôtre actuellement, elle permettait de renforcer le pouvoir d’achat des Français grâce à des économies substantielles sur l’assurance emprunteur. »

Une mauvaise nouvelle pour les consommateurs donc ?

P.L. : « Oui, bien sûr. Selon l’UFC-Que Choisir, pour un crédit de 250 000 euros sur 20 ans, les économies réalisées en changeant d’assurance peuvent aller de 6 000 à 15 000 euros selon le profil de l’emprunteur. Ce n’est pas neutre. Or, on sait aujourd’hui, que la concurrence sur ce marché est très limitée malgré toutes les mesures adoptées depuis 10 ans. Elle s’explique parfois par les mauvaises pratiques des banques qui ne répondent pas, ou que très tardivement, à des demandes de changement de contrat d’assurance emprunteur. Ainsi, l’emprunteur est forcé de conserver une assurance souvent plus chère qui lui a été fournie par sa banque avec le crédit immobilier. »

C’est donc le lobby bancaire qui a eu la peau de votre amendement ?

P.L. : « Je pense qu’il y a effectivement des enjeux financiers. Le secteur mutualiste était très favorable à cet amendement car cela lui aurait permis de prendre place sur ce marché qui est tenu à 90% par les banques. Ces dernières ont très certainement cherché à défendre leurs intérêts à l’occasion de l’examen de ce texte, et c’est normal. Je n’entends pas tirer à boulets rouges sur ce secteur dans lequel j’ai travaillé. Je sais qu’il y a des interrogations sur les conséquences financières à moyen-long terme d’un tel dispositif. Mais je constate que depuis la loi Hamon de 2015 qui permet de changer d’assurance automobile ou habitation à tout moment au bout d’un an, je n’ai pas entendu parler d’un assureur ou d’une banque qui aurait mis la clef sous la porte pour cette raison. »

La résiliation de l’assurance de prêt à tout moment ne verra donc jamais le jour ?

P.L. : « Le vote de cet amendement en séance publique à l’Assemblée nous a permis de franchir une étape psychologique peut-être importante. Il y a eu un front commun dans l’hémicycle, une solidarité au-delà des clivages politiques. C’est donc un premier signal fort. Je n’ai pas du tout l’intention de baisser les bras. Vous pouvez compter sur ma pugnacité pour essayer de faire adopter prochainement cette résiliation à tout moment. Il faut trouver le bon véhicule législatif pour que ce dispositif soit remis en discussion. D’ici là, je souhaite mener une concertation notamment avec le secteur bancaire car il ne s’agit pas de le fragiliser, mais de faire en sorte qu’il y ait une libre concurrence qui profite à tous. »

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