Stabilisation ou baisse ? Telle est la question qui agite les professionnels du crédit immobilier. Une chose semble sûre : le ciel se dégage pour les emprunteurs, alors que les banques reviennent à la conquête de nouvelles parts de marché.

Après la pluie, le beau temps... Ou du moins des éclaircies. Il faut dire que l'année 2023 a été particulièrement compliquée pour les banques comme pour les emprunteurs, avec des taux de crédit immobilier passés en moyenne sur 20 ans de 2,3% à 4,3% entre janvier et décembre 2023. Résultat : le nombre de prêts est en recul de 40,3% en niveau annuel glissant à fin novembre 2023, selon l'Observatoire Crédit Logement CSA publié début décembre.

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Mais en 2024, place à l'optimisme. En cette fin d'année déjà, « 50% des barèmes envoyés par nos partenaires bancaires sont à la baisse », assure Pierre-Étienne directeur général et fondateur du courtier IN&FI Crédits, pour qui la tendance devrait se poursuivre sur les premiers mois de 2024. « Sur le début d'année à venir, certaines banques vont tenter d'engranger un maximum de dossiers et vont donc se montrer très dynamiques pour capter des nouveaux clients. »

Une baisse généralisée des taux en 2024 ?

La baisse peut-elle se généraliser dès janvier 2024 ? « Il va y avoir une vraie stabilisation au premier semestre, mais il faudra attendre un peu pour les baisses, tempère Cécile Roquelaure, porte-parole du courtier Empruntis. Il n'y aura pas de baisses de taux généralisées avant la fin du premier semestre, voire sur le dernier trimestre 2024. Ça me semble trop optimiste de dire aux gens que la baisse va être rapide et généralisée. »

Un point de vue en partie partagé par Maël Bernier, directrice de la communication et porte-parole du courtier Meilleurtaux : « On observe une stabilisation des taux, et même une baisse dans certains établissements. Vu le niveau des OAT 10 ans (les obligations assimilables du Trésor dites OAT sont des titres d'emprunt de l'Etat français et servent de référence aux banques pour fixer les taux d'intérêts qu'elles accordent NDLR), il n'y a aucune raison que les taux repartent à la hausse. Aujourd'hui, les OAT sont en baisse, entre 2,70% et 2,80%. Si elles restent à ce niveau-là, on aura certainement des baisses de taux dans les mois à venir, car même à 3,80% les banques reconstituent leurs marges. »

Mais tous les établissements bancaires ne mettent pas en place la même stratégie. « Des banques annoncent augmenter un peu plus leurs taux de crédit par rapport au coût de l'argent, parce qu'elles ont conscience que tôt ou tard les taux rebaisseront et qu'il y aura des rachats et des renégociations, développe Cécile Roquelaure. Elles préfèrent donc faire un peu plus de marge aujourd'hui, pour ne pas se retrouver prises à la gorge au moment de la renégociation. »

« Certaines banques préfèrent faire un peu plus de marge aujourd'hui, pour ne pas se retrouver prises à la gorge au moment de la renégociation. »

D'autant plus que si le crédit immobilier reste historiquement un produit d'appel qui permet de gagner de nouveaux clients, les banques doivent aujourd'hui faire face à un phénomène nouveau, qui rogne leurs marges sur les produits annexes (comptes bancaires, assurance emprunteur, assurance habitation...) : la volatilité des clients.

« Si le client ne prend pas l'assurance emprunteur ou qu'il change de banque au bout d'un ou deux ans, vous perdez en rentabilité, explique Cécile Roquelaure. Il y a 20 ans, un client avait une banque dans sa vie. Aujourd'hui, la diversification bancaire est plus forte, il y a moins de fidélité, et le législateur a tout fait pour faciliter la mobilité des clients notamment sur l'assurance emprunteur. Les banques font donc moins d'efforts à la captation, le crédit immobilier doit être rentable de lui-même. »

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Des banques décident tout de même de baisser aujourd'hui leurs taux, en particulier celles absentes pendant une bonne partie de l'année 2023 et qui ont aujourd'hui besoin de reconquérir des parts de marché.

Des ristournes supplémentaires possibles

« Au-delà des barèmes qu'elles affichent, certaines banques nous disent que des ristournes supplémentaires sont possibles pour les dossiers qu'elles jugent intéressants », dévoile Maël Bernier. Et cette petite guerre à distance que se livrent les banques pourrait profiter aux emprunteurs : « Si une grande banque nationale annonce qu'elle va baisser ses taux, ça remet un peu en cause la politique des autres. Si l'une se met à prêter à 3,80%, l'autre va difficilement pouvoir prêter à 4,60% », détaille la directrice de la communication du courtier Meilleurtaux.

« Les banques ont déjà reconstitué une part de leurs marges sur 2023, abonde Pierre-Étienne Beuvelet. Elles vont désormais être en équilibre entre conquête et reconstitution des marges. Le but pour elles serait alors de capter des clients rapidement début 2024 pour être sereines sur la fin d'année, en s'adaptant aux futures décisions de la Banque centrale européenne. »

À quoi peut-on alors s'attendre en termes de taux ? « Ce qu'on anticipe, c'est un taux moyen aux alentours de 3,7% ou 3,8% d'ici la fin de l'année, avec une décrue sur 2025 », pose le directeur de IN&FI Crédits.