Pour Michel Mouillart, en charge de l'Observatoire du financement des marchés résidentiels Crédit Logement/CSA et professeur d’économie à l'Université Paris Ouest, les prix devraient baisser de 1 à 2% en 2012. Mais pas à Paris qui reste un marché atypique.

Michel Mouillart, vous avez toujours nié l’existence d’une bulle immobilière. Est-ce toujours le cas ?

Michel Mouillart : « Toujours ! Qu’est-ce qu’une bulle immobilière ? C’est lorsque l’évolution des valeurs est déconnectée des fondamentaux du marché. Ou bien lorsque la spéculation provoque une déconnection entre valeurs et capacité des acheteurs. Or sur l’immobilier à usage d’habitation, je ne relève aucun phénomène de cet ordre. Durant les 30 dernières années, prix, revenus et conditions de crédit ont même joué en faveur des acquéreurs. Actuellement, le taux d’effort des acheteurs, environ 22% du revenu disponible net, stagne depuis le milieu des années 90, d’après l’INSEE. On ne peut donc pas parler de bulle, comme récemment l’INSEE l’a aussi constaté. La bulle immobilière, c’est une histoire qui a fait pschitt. »

Quel enseignement tirez-vous de l’évolution des prix en 2011 ?

« Les Cassandre qui annoncent un effondrement des prix de 40% depuis 2005 en sont toujours pour leurs frais ! Par exemple, ce que l’on a constaté, c’est une hausse de l’activité de 30% et une progression des prix supérieure à 22% à Paris en 2010. Sur les neuf premiers mois de 2011, la hausse des prix n’est plus que de 19% en rythme annuel, bien sûr. Mais il faudrait que les uns et les autres réfléchissent sur la réalité du marché. En province, les prix sont aussi en hausse de 4.6% si l’on compare les neuf premiers mois de 2011 avec la même période 2010. Avec une hausse de 2,5 % sur le seul 3e trimestre ! Quant à l’activité, en 2010, elle a connu un boom de + 25 à + 28%, selon les régions. »

Comment voyez-vous les prix évoluer durant le dernier trimestre 2011 ?

« Il faut distinguer deux choses : l’indice des notaires va continuer à progresser car il est en retard de 6 mois sur le marché. Mais, en moyenne nationale, les prix ont tendance à reculer. Ils ont déjà cédé près de 3% durant les six derniers mois si on se réfère aux compromis de vente. A Paris, je ne pense pas que les prix fléchissent même si la hausse ralentit d’ici à la fin de l’année. »

Quel est votre pronostic pour 2012 ?

« En moyenne nationale, les prix vont stagner ou bien se replier de -1 à -2%, tandis que l’activité baissera d’environ 10%. A Paris, qui est un cas à part du fait du déséquilibre entre l’offre et la demande, les prix au m2 ne progresseront plus que mollement. Ne me demandez pas de combien, c’est impossible à dire pour le moment. Globalement, le repli sera accentué par le retrait du marché des biens les plus chers et les mieux situés, certains propriétaires préférant remettre une vente à plus tard, plutôt que de sacrifier leurs prix. Attention : la baisse de l’activité n’annonce pas pour autant un effondrement des prix : entre 2007 et 2009, elle a, par exemple, régressé de 35% alors que les prix ne cédaient que 6 à 7%. »

L’alourdissement des plus-values immobilières sur les résidences secondaires et l’extinction de la loi Scellier fin 2012 pèseront-elles sur le marché ?

« Elles auront certainement un impact négatif mais l’essentiel n’est pas là. Plus important encore, c’est le taux des crédits immobiliers auxquels 90% des acheteurs recourent lors de l’acquisition d’un bien à usage d’habitation. Or ces taux qui sont en moyenne à 3,86% actuellement, ont tendance à augmenter. D’ici au printemps 2012, ils pourraient aller jusqu’à 4,10 ou 4,20%. Mais ce qui est le plus préoccupant, c’est la baisse de l’offre de crédits : les orientations des autorités monétaires qui ont suscité cela ne sont guère compréhensibles, dans le contexte de pré récession que l’on découvre maintenant. »

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut investir actuellement ?

« De ne pas se laisser allécher par des promesses mirobolantes, comme c’est parfois le cas avec les crédits à taux variables dont on parle beaucoup mais qui ne représentent qu’environ 5% de la production. Ils sont à éviter car, avec la crise, nous sommes en situation d’incertitude montante, ce qui joue défavorablement sur les taux de référence. Plus que jamais, opter pour un taux fixe est donc une garantie de sécurité et de sérénité. »