Ça marche à tous les coups ou presque : un passage du solde de votre compte dans le rouge et on vous facture des frais, que le découvert soit autorisé ou non. « Cette pratique est-elle légitime ? », s’interroge un de nos lecteurs, qui estime que les banques pourraient s’en abstenir. Le point sur la question.

Pourquoi les banques font-elles payer les découverts ?

La réponse à cette question est assez simple : autoriser un client à dépenser un peu plus que ce qu’il détient sur son compte revient à lui prêter de l’argent. Le découvert est donc une forme de crédit accordé par la banque, qui, en échange, est libre de facturer des intérêts - les fameux agios - et assez souvent des frais (fixes ou proportionnels au montant) d’accès au service. Seule limite : le taux de l’usure, c’est-à-dire le taux maximum légal fixé par la Banque de France, qui varie selon le montant du dépassement, considéré ici comme un prêt personnel : 21,08% par exemple, au 3e trimestre 2019, pour un découvert d’un montant inférieur ou égal à 3 000 euros.

Il faut également le rappeler : cette facilité n’est ni un droit, ni une obligation, mais un service fourni. Votre banque a tout à fait le droit de vous en refuser l’accès, tout comme vous pouvez parfaitement renoncer à en bénéficier. A vos risques et périls toutefois : sans autorisation de découvert, vous vous exposez en effet à de très lourds frais d’incidents de paiement en cas de fins de mois difficiles. Nous y reviendrons.

Les banques font-elles toujours payer le découvert ?

A notre connaissance, la facturation d’agios est généralisée à l’ensemble des banques françaises. Certaines enseignes, toutefois, prévoient des cas de franchises pour des petits découverts de courte durée. Elles peuvent être obtenues après négociation avec sa banque, être incluses dans certains packages (notamment ceux destinés aux jeunes) ou encore faire l’objet d’un forfait particulier. La Société Générale, par exemple, a en catalogue un « forfait d’exonération d’agios », qui supprime la facturation dans la limite de 1 000 euros de découvert sur 7 jours. Mais ce n’est pas gratuit : 2,50 euros par mois.

Pour aller plus loin : la pratique des établissements face au découvert bancaire

Les découverts coûtent-ils vraiment si cher ?

Jusqu’à 21% pour un découvert autorisé : sur le papier, les taux débiteurs affichés par les banques paraissent élevés. Ils sont très proches, de fait, de ceux des petits crédits renouvelables. Il faut toutefois les relativiser : les autorisations de découvert portent en effet généralement sur des montants limités (394 euros en moyenne en 2017) et sur des durées courtes : souvent 30 jours consécutifs maximum, parfois moins. Ainsi, un découvert autorisé de 400 euros sur 8 jours au taux assez fréquent de 14% représente un coût relativement limité : 1,20 euro environ.

Lire sur le sujet : Découvert autorisé : ce qu'il vous coûte réellement

La donne change radicalement en cas de découvert non autorisé. Dans ce cas de figure, la banque peut vous facturer, en plus des agios, une série de frais d’incidents : commission d’intervention (8 euros en général), lettre d’information (jusqu’à 45 euros), frais de rejets de chèque (jusqu’à 50 euros) ou de prélèvement (jusqu’à 20 euros), etc. La facture peut très rapidement grimper à plusieurs centaines d’euros. Arrivé à ce stade, les agios à proprement parler ne représentent ainsi plus qu’une infime fraction du coût total du découvert.

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Est-il juste que les banques fassent payer le découvert ?

C’est une question de point de vue. L’argent n’est pas gratuit - même s’il est actuellement très peu cher - et le refinancement de vos découverts représente un coût pour les banques, ce qui peut justifier de facturer des agios. Certains, toutefois, pointent ce qui leur apparaît comme une injustice. Car si elles facturent les positions débitrices des comptes, les banques ne rétribuent pas pour autant les positions créditrices. En résumé, contrairement aux pratiques en vigueur dans d’autres pays, elles ne rémunèrent pas - sauf rares exceptions - les dépôts de leurs clients.

Un choix historique, compensé notamment par la gratuité du chèque et de la tenue de compte. Ce compromis, toutefois, a été remis en cause ces dernières années, à mesure que les grandes enseignes ont commencé à faire payer la tenue de compte, tout en maintenant leurs autres facturations. Dans ce contexte, les banques devraient-elles revoir les frais de découvert à la baisse ? Le débat est lancé, mais cela ne semble pas d’actualité.

Est-il juste que les banques fassent payer le découvert aussi cher ?

On l’a vu, un petit découvert de fin de mois, dans la limite de son autorisation, ne coûte au final pas très cher. Tout juste peut-on s’interroger sur l’écart, du simple au triple, des taux débiteurs selon les enseignes : de 7% chez Boursorama, Fortuneo ou BforBank au taux de l’usure pour certaines enseignes traditionnelles.

En revanche, on peut légitimement avoir des réserves sur les pratiques des banques en matière de découvert non autorisé, où l’avalanche des frais facturés enfonce encore un peu plus des clients déjà en difficultés. Pour se justifier, certaines banques font la promotion du caractère dissuasif de ces choix tarifaires.

L'argument est rejeté par certaines associations de consommateurs, qui estiment de leur côté que les pratiques bancaires en la matière sont à la limite de la légalité. En facturant des minimums forfaitaires d'agios (1,50 euro, par exemple, à la Banque Postale, dès le premier centime de découvert) ou en n'incluant pas les frais d'accès au service dans le calcul du taux débiteur, certaines enseignes ne respecteraient pas la législation sur l'usure, dont le taux à ne pas dépasser doit être « tout compris ».

Plus généralement, les banques auraient tendance à utiliser le découvert pour maximiser leurs profits. Dans une étude commune publiée en octobre 2017, 60 millions de consommateurs et l’Union nationale des associations familiales (Unaf) ont ainsi estimé que les frais d’incidents avaient généré 6,5 milliards d’euros de revenus en 2016, pour 4,9 milliards d’euros de bénéfice. Soit 16% environ du bénéfice total des banques cette année-là. Un chiffre qui a contribué à justifier l’intervention des pouvoirs publics : sous la pression du gouvernement, les banques ont mis en place en février dernier un plafonnement des frais d’incident à 25 euros par mois pour les clients fragiles financièrement.