Une poignée seulement d’enseignes bancaires françaises pratiquent encore la rémunération des sommes déposées sur les comptes courants de leurs clients. Qui sont-elles ? Et pourquoi cette pratique est-elle en voie de disparition ?

Elles étaient encore huit en janvier 2017, elles ne seront bientôt plus que trois : trois enseignes qui continuent à rémunérer les dépôts sur les comptes courants de leurs clients. Autant dire que, sur un marché qui compte environ 130 banques de détail, ce service est en voie de disparition.

Autrefois disponible dans toutes les fédérations de l’Ecureuil, la rémunération du compte courant n’est plus présente que dans deux d’entre elles : la Caisse d’Epargne Loire-Centre et la Caisse d’Epargne Normandie. Dans la première, le service est facturé 1,70 euros par trimestre. Il est toutefois proposé « sous condition d’acceptation », et le taux de rémunération n’est pas affiché. En clair, l’obtention de cet avantage passe par une négociation, en agence, avec son conseiller bancaire. Seule précision sur la brochure tarifaire de la banque : « Le coût du service ne saurait excéder la rémunération issue de ce dernier ». Le « coup par coup » est également la politique mise en œuvre à la Caisse d’Epargne Normandie, qui facture le service 0,30 euro par trimestre.

Hors Caisse d’Epargne, trois « assurbanquiers » (filiales de banque de détail d’assureurs) proposaient le service il y a encore 2 ans. Seule la Macif persiste. La rémunération du compte fait toujours partie des services inclus dans son forfait de compte, baptisé Bleu Anis, ou proposés en option à 7 euros par an. Mais les dépôts ne sont rémunérés que jusqu’à 5 000 euros. Et le taux de rendement - autrefois de 0,50% - est désormais intégré aux conditions particulières proposées à chaque client.

A consulter : notre page consacrée à la rémunération du compte courant

Une conjoncture très défavorable

Comment expliquer la quasi-disparition de ce service ? Il faut d’abord rappeler que, si elle est relativement courante à l’étranger, la rémunération du compte courant n’a jamais été la norme en France. Plutôt que de partager avec leurs clients les gains engrangés en plaçant leurs dépôts, les banques tricolores ont longtemps fait le choix de ne pas faire payer la tenue de compte. Cet « arrangement », toutefois, pourrait être considéré comme caduc : dans un vaste mouvement de place engagé dès 2015, les banques françaises ont quasiment généralisé la facturation des frais de tenue de compte. Seuls les clients des enseignes 100% en ligne, du Crédit Coopératif et d’une poignée de Crédits Agricoles y échappent encore.

Ce choix, fait aux dépens des usagers bancaires, s’explique pourtant. La conjoncture, depuis 2014, est en effet particulièrement défavorable à l’activité de banque de détail. Il y a d’abord la politique de taux de la Banque centrale européenne (BCE) : son taux de rémunération des dépôts est en territoire négatif depuis 2016, ce qui signifie qu’une banque doit payer pour y déposer de l’argent à court-terme. Dans ce contexte, rémunérer les liquidités des clients devient périlleux financièrement. Cela explique également la chute historique de la rémunération des livrets bancaires, qui ne rapportent plus actuellement que 0,13% brut en moyenne.

Il y a ensuite la pression réglementaire croissante, notamment sur la tarification. Dernier exemple en date : le gel des hausses tarifaires en 2019, obtenu par des pouvoirs publics mis sous pression par la révolte des Gilets jaunes, et qui a fait suite à un certain nombre de plafonnements réglementaires de frais d’incident. Contraintes de se serrer la ceinture, les banques doivent dans le même temps investir dans leur transformation numérique, pour s’adapter aux nouveaux usages des clients, sur le web et le mobile, et éviter leur fuite vers de nouveaux acteurs plus innovants.

Toutes les occasions sont bonnes

Logiquement, les enseignes saisissent toutes les occasions pour mettre un terme à la pratique de la rémunération du compte courant. Une fusion par exemple : en mai 2017, la Caisse d’Epargne Nord France Europe s’est rapprochée de sa voisine, Picardie, pour devenir la Caisse d’Epargne Hauts de France. Et a profité de la refonte tarifaire qui s’en est suivie pour stopper ce service. Autre enseigne du groupe BPCE, le Crédit Maritime Bretagne-Normandie a fait la même chose au moment de son absorption par la Banque Populaire Grand Ouest. Même cas de figure ou presque pour Barclays Bank, devenue Milleis Banque en mai 2018, et Groupama Banque, qui a muté pour devenir Orange Bank. Dans les deux cas, la rémunération du compte courant n’a pas survécu au changement d’enseigne.

Et la liste n’est pas close. Lundi prochain, 3 juin 2019, Axa Banque va débuter la commercialisation de son nouveau forfait de services. Baptisée Ogoon, il succède à Oligo, lancé en 2006. Parmi les différences notables entre les deux packages, la disparition de la rémunération du compte courant ! Un choix qui a été fait après consultation des clients et du réseau de distribution de l'assureur. « 49% des clients ne connaissaient pas cet avantage, [qui] était le moins bien noté (...) », souligne ainsi la communication d'AXA qui, après échange avec ses assurbanquiers « a eu la confirmation que la rémunération du compte n’était pas un facteur décisif dans la souscription du compte ».

Les dépôts rémunérés chez Bunq

Les banques mobiles vont-elles reprendre le flambeau des enseignes traditionnelles ? Bunq, une des dernières arrivées sur le marché français, rémunère en tout cas les dépôts de ses clients Business (une formule facturée 9,99 euros par mois) et Premium (7,99 euros par mois), à hauteur de 0,27% brut sur les 10 000 premiers euros déposés.

Plus d'infos sur le compte bancaire Bunq

Mise à jour (3 juin 2019, 15 :55) - Ajout des explications d'Axa sur l'abandon de la rémunération du compte.