Alors que la Loi Lemoine, mise en place à l'été 2022, a supprimé le questionnaire de santé pour certains emprunteurs à la recherche d'un crédit immobilier, les premières conclusions un an après sont très contrastées. Et les bénéfices pour les consommateurs à relativiser.

La loi Lemoine, une aubaine pour les emprunteurs ? C'est ce que semble dévoilé un rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) publié le lundi 15 janvier. Pour rappel, la « loi n° 2022-270 du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur », portée par la députée Patricia Lemoine, permet depuis septembre 2022 de résilier son assurance de prêt immobilier à tout moment pour en choisir une autre, et supprime également le questionnaire de santé sous réserve que la part assurée sur l'encours cumulé des contrats de crédit n'excède pas 200 000 euros par assuré.

Seulement 23% de prêts réalisés sans questionnaires de santé

Une bonne nouvelle, à priori, pour de très nombreux emprunteurs, et notamment pour les personnes avec un risque aggravé de santé qui se voyaient imposer une sur-tarification de l'assurance de prêt. . « À l'octroi, 58,5% des souscripteurs de crédit présentaient un montant assuré sur leur opération de crédit inférieur à 200 000 euros », note le CCSF dans son rapport. Sauf que la Loi Lemoine a instauré un autre paramètre : l'obligation du remboursement du crédit avant le 60e anniversaire de l'emprunteur. Une obligation qui change fortement la donne : « Le plafond de 60 ans, au terme du prêt, réduit de manière significative le périmètre d'application de l'abandon de la sélection médicale », explique le CCSF. Ainsi sur les 58,5%, seulement 23% des contrats étaient éligibles à l'absence de sélection médicale. »

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Pour Émilie Ruben, responsable marketing et communication chez Sécurimut, cette faible proportion de contrat sans questionnaire de santé n'est pas une surprise : « L'objectif de la loi était de simplifier la souscription de l'assurance emprunteur afin de faciliter l'accès au crédit et que la proportion d'emprunteur non soumis au questionnaire médical correspond aux estimations initiales de ce dispositif », rappelle-t-elle en préambule.

Les banques jouent-elles le jeu du sans questionnaire de santé ?

Reste que cette moyenne cache des disparités. Si 23% des contrats d'assurance édités par les groupes bancaires ont été souscrits sans sélection médicale, cette part monte jusqu'à 27% chez les assureurs alternatifs. Un chiffre qui étonne, alors que les banques disposent encore aujourd'hui de la majorité du marché. Selon le rapport du CCSF, « les parts de marché de la concurrence sont passées de 15,3% fin 2021 à 16,1% en 2023 », laissant ainsi 83,9% du marché aux bancassureurs.

Pourtant, « il n'y a pas de raison à ce que les banques touchent moins les emprunteurs exonérés de questionnaire de santé », note encore Émilie Ruben. Les banques jouent-elles vraiment le jeu du sans questionnaire de santé ? « Chez Sécurimut, nous sommes régulièrement confrontés à des emprunteurs relatant que leur banque conditionne leur crédit à l'apport d'une assurance externe exonérée de sélection médicale, dévoile l'assureur alternatif dans un communiqué paru le 16 janvier. Les banques disposent évidemment d'éléments sur la santé de leurs clients grâce aux informations traitées pour l'étude du crédit, et n'hésitent pas à diriger les profils à risque vers l'assurance externe, ce qui renforce encore l'antisélection et la distorsion de concurrence. »

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Difficile donc, aujourd'hui encore, de profiter pleinement de la fin du questionnaire de santé pour les crédits immobiliers. « L'étude (du CCSF NDLR) souligne (...) des pratiques de discrimination tarifaires entre les contrats avec et les contrats sans sélection médicale, au détriment de ces derniers », indique le Crédit Mutuel Alliance fédérale, qui craint d'ailleurs un « marché à deux vitesses ».

Selon une étude de MoneyVox, réalisée début 2023 à partir des données de 51 contrats d'acteurs bancaires et alternatifs, les tarifs des « contrats Lemoine », c'est-à-dire sans questionnaire de santé, les tarifs avaient alors augmenté entre 18 et 20% en moyenne.

Mais la Loi Lemoine n'en reste pas moins un formidable outil pour faire baisser le coût de son crédit immobilier. En effet, elle permet de changer d'assurance emprunteur à tout moment auprès d'un acteur alternatif souvent moins cher.

Si le CCSF estime que « pour les deux tiers des clients, l'écart tarifaire est soit favorable au contrat groupe (dans 32% des cas), soit inférieur à 2 000 euros sur toute la durée du crédit (pour 36% des souscripteurs de crédit), ce qui représente une économie mensuelle de seulement 8,50 euros pour un crédit moyen de 20 ans », les chiffres fournis par les alternatifs sont bien différents.

Ainsi, Magnolia.fr fait état d'un gain moyen de 10 000 euros. De son côté, le courtier Meilleurtaux assure qu'en moyenne sur les dossiers qu'il a pris en charge en 2023, l'économie réalisée s'affichait à 24 500 euros en moyenne en changeant d'assurance de prêt.