Modération tarifaire de 2019 et taux d’intérêt au plus bas vont inciter les banques à augmenter les frais bancaires en 2020. Et cela s’observe déjà dans les premières brochures tarifaires parues.

Que les clients des banques ne s’y trompent pas. L’accalmie tarifaire qu’ils ont connue en 2019 était temporaire. Une parenthèse enchantée offerte conformément à l’engagement pris par les établissements bancaires de ne pas augmenter leurs prix. Cette année a aussi été marquée par l’entrée en vigueur de nouveaux plafonds visant à limiter le coût du découvert bancaire pour les clients fragiles : 20 euros par mois pour les détenteurs de l’offre clientèle fragile, 25 euros pour les autres.

D’après les banques, ces engagements n’ont pas été sans conséquence sur leurs performances financières. En tout cas, c’est le message qu’elles ont diffusé ces dernières semaines. Cela a commencé au moment de la publication de leurs résultats semestriels. BNP Paribas, la Société Générale, La Banque Postale ou encore le Crédit Mutuel… autant d’enseignes ayant directement incriminé le plafonnement des frais d’incident pour expliquer la baisse des commissions perçues. « Nous sommes […] très sensibles ce semestre au plafonnement des frais d'incident bancaires qui ont coûté 39 millions d'euros sur la période », exposait ainsi Rémy Weber, président du directoire de La Banque Postale, en juillet dernier.

Un environnement toujours plus hostile aux banques

Un modèle économique sous pression depuis 2015

C’est toutefois la Société Générale qui s’est récemment muée en « lanceur d’alerte » du secteur bancaire. A quelques jours d’intervalle, Marie-Christine Ducholet, directrice de sa banque de détail en France, et Frédéric Oudéa, son directeur général et actuel président de la Fédération bancaire française, ont tâté le terrain et commencé à prévenir les clients de la remontée nécessaire des frais bancaires en 2020. « En France, les établissements bancaires ont fait le choix de garder un maillage du territoire très important, avec une vraie proximité avec nos clients, et une expertise croissante des conseillers en agences. Cela a un coût pour les banques, et donc un prix pour les clients », expliquait ainsi le 3 octobre Frédéric Oudéa dans les Echos.

Dans les prochaines semaines, la hausse des tarifs bancaires semble donc inéluctable. D’autant plus que l’environnement dans lequel les banques gravitent s’avère de plus en plus hostile à leur modèle économique. Avec la persistance des taux bas, leurs revenus tirés du crédit s’en trouvent mis à mal. Il est également plus difficile de vendre des produits d’épargne compte tenu de la faiblesse des rendements des best-sellers (PEL, fonds euros…).

Pour rappel, depuis 2015 et la première politique d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne (c’est-à-dire le rachat d’actifs pour injecter de l’argent frais dans l’économie) pour relancer l’activité en zone euro, les taux interbancaires – véritables boussoles des taux d’intérêt des crédits et de l’épargne sans risque – déclinent mois après mois, à l’image de l’Eonia, négatif depuis mars 2015. Or, en 2020, ce contexte monétaire ne va a priori pas évoluer. Au contraire. Le 12 septembre, Mario Draghi, le président de la BCE, a annoncé la reprise de l’assouplissement monétaire à partir de novembre. Ce qui risque de maintenir les taux d’intérêt au plus bas.

Baisse des taux d’intérêt et hausse des frais bancaires : du déjà vu

Le cas d'école des frais de tenue de compte

Or, les clients des banques ont déjà vécu les conséquences tarifaires du premier choc monétaire de 2015. Au niveau de la banque au quotidien, ce choc s’est en effet traduit par l’envolée des frais de tenue de compte, censés rémunérer la gestion quotidienne du compte bancaire. Selon le Comité consultatif du secteur financier, qui chapote un observatoire annuel des tarifs bancaires, ils étaient facturés 9 euros par an fin 2014. Ils ont bondi à 15 euros fin 2016, pour atteindre 19 euros en 2019. Soit une hausse de 110% en 5 ans !

Peut-être même plus que leur augmentation, c’est leur généralisation rapide qui a surpris. Alors qu’en 2014, seules 68% des banques facturaient des frais de tenue de compte, leur proportion est passée à 73% en 2015 et à 83% en 2016, d’après le relevé effectué par MoneyVox. En 2014, ni BNP Paribas, ni la Société Générale, ni le Crédit du Nord, ni même un grand nombre de caisses régionales du Crédit Agricole et du Crédit Mutuel ne mentionnaient cette ligne tarifaire dans leur brochure. Deux ans plus tard, la Société Générale prélevait à ce titre 24 euros par an, BNP les facturait 30 euros.

Mais 2015 n’est pas 2020. Ou, plus précisément, le paysage bancaire n’est plus tout à fait le même. Il a été chamboulé par la diffusion des banques en ligne – Boursorama a, avec 2 millions d’utilisateurs, plus de clients particuliers que le groupe Crédit du Nord – et l’arrivée des néobanques (N26, Revolut, Bunq…). Ces nouveaux acteurs, avec leur offre gratuite (ou presque) de compte courant et carte bancaire, ont d’une part suscité un intérêt grandissant. Mais, ils ont surtout diffusé lentement l’idée qu’il était possible d’avoir un compte bancaire sans payer de lourds frais. Un message que les comparateurs en ligne de tarifs bancaires – le comparateur public a d’ailleurs vu le jour dans ce contexte, en 2016 – ont contribué à diffuser.

Consulter notre comparateur de frais bancaires

Les tarifs concurrentiels plutôt à l’abri des hausses

Résultat, alors qu’il était envisageable pour une banque traditionnelle d’augmenter en 2015 une ligne tarifaire aussi visible et concurrentielle que les frais de tenue de compte, cela semble désormais plus compliqué. Une intuition qui se confirme à la lecture des premières brochures 2020 des banques. Pour l’heure, ces dernières n’osent ainsi que peu toucher aux tarifs mentionnés dans l’extrait standard, à l’exception des virements en agence. 6 enseignes sur 10 ayant déjà levé le voile sur leur prochaine politique tarifaire vont augmenter leur coût. La hausse moyenne estimée atteint 2,6% pour les virements occasionnels et 2,1% pour les virements permanents.

Plus ponctuellement, certains établissements prévoient de faire payer quelques centimes de plus l’abonnement annuel aux alertes pars sms sur la situation du compte. Concernant les cartes bancaires, quelques hausses se dessinent également : +1,5% pour les cartes classiques (Visa et Mastercard) à débit immédiat, +1,7% pour les cartes haut de gamme (Premier ou Gold) à débit immédiat.

Les clients sur le départ visés par l’inflation tarifaire

Vers une nette inflation des lignes tarifaires peu visibles

En revanche, là, où les banques comptent vraisemblablement se rattraper, c’est au niveau des frais facturés aux clients infidèles. Pour preuve, la moitié des enseignes changeant de tarifs vont augmenter les frais de transfert des Plans d’épargne logement et Compte épargne logement, pour une hausse moyenne de près de 5%. Concrètement, quitter la Société Générale en emportant son PEL sera facturé 75 euros à partir du 1er janvier, soit 10 euros de plus que précédemment. La Caisse d’Epargne Bretagne Pays de Loire a elle aussi la main lourde en faisant passer de 89 à 128 euros les frais de transfert de l’épargne logement.

Pour le Plan d’épargne en actions (PEA) et le compte-titres, l’évolution est comparable. Pour l’heure, une banque sur 3 va augmenter les frais de transfert du PEA et près d’un établissement sur 2 ceux des comptes-titres. Par exemple, transférer un compte-titres sera facturé 12 euros par ligne à la Société Générale, contre 9 euros précédemment. Au Crédit Agricole Centre France, son transfert, revenant actuellement à 135 euros, va bondir à 150 euros.

Opérations exceptionnelles, frais de dossier et de découvert en hausse

Vigilance accrue sur les frais de dossier des crédits immobiliers

Pour dégager des revenus supplémentaires, les banques s’accordent aussi pour sanctionner les clients négligents avec leur carte bancaire. Plus d’un établissement sur 2 ayant sorti sa brochure 2020 prévoit en effet de facturer plus cher la réédition du code secret (pour un surcoût moyen de 1,4%, à plus de 9 euros le service). De la même manière, plus d’une enseigne sur 3 s’apprête à revaloriser le tarif de la refabrication de la carte (+3,9%, à 13 euros l’opération en moyenne).

Le découvert bancaire ponctuel – celui qui n’est pas couvert par le plafonnement mis en place en 2019 – risque aussi d’être plus onéreux au regard des premières plaquettes. Pour ce faire, les enseignes ont choisi de jouer sur le prix des lettres d’information - ces courriers censés prévenir leur client d’un incident de paiement - dont le coût n’est pas régulé.

Enfin, pour combler un peu le manque à gagner induit par la baisse des taux, les banques vont a priori être nombreuses à augmenter les frais de dossier des prêts immobiliers. Dans le détail, les enseignes prélèvent à ce titre généralement 1% du montant du crédit, avec un minimum et un maximum. Ce sont ces bornes qui vont subir une inflation l’an prochain. D’après nos calculs, basés sur l’échantillon de banques ayant dévoilé leur politique tarifaire 2020, le montant minimum facturé pourrait bondir de près de 6%, passant par exemple de 345 euros à 500 euros chez Caisse d’Epargne Loire-Centre (+45%) ou encore de 350 à 400 euros au Crédit Agricole Centre-Ouest (+14%).