Dans le cadre de nos Trophées de la Banque dédiés aux tarifs des professionnels, nous avons décortiqué les plaquettes de plus d'une centaine de banques. Et ça n'a pas vraiment été une partie de plaisir... Manque de transparence, multiplicité des prestations, tarifs élevés : les pros paient le prix fort et ne sont pas bien armés pour comparer les offres.

Si comparer des tarifs bancaires peut déjà s'avérer fastidieux pour les particuliers, entre les prestations à la carte, les offres groupées de services et les nombreuses pages des plaquettes, la tâche est encore plus ardue pour les professionnels. En effet, ces derniers ne sont pas concernés par les différentes réglementations visant à plus de transparence sur le sujet (extrait standard des tarifs et document d'information tarifaire, par exemple). En résulte des plaquettes aux lignes non uniformisées, avec des intitulés qui diffèrent selon les établissements et des prestations à rallonge.

C'est dans le but de faciliter ce travail de comparaison que nous publions pour la 2e année consécutive nos “Trophées de la banque – Tarifs pros”. L'an passé, nous avions analysé les brochures tarifaires de 20 banques (6 nationales et 14 banques en ligne/fintechs). Cette année, nous avons poussé l'exercice plus loin en ajoutant toutes les caisses régionales Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Caisse d'Epargne et Banques Populaires. Notre étude s'intéresse à 6 profils de professionnels, aux besoins différents (voir la méthodologie et les résultats des Trophées de la Banque). Un travail fastidieux (nous avons souvent passé 10 fois plus de temps sur la plaquette « pro » d'une banque que sur la plaquette « particuliers » que nous traitons d'habitude) d'où émergent plusieurs constats concernant les tarifs applicables à la clientèle professionnelle.

Un défaut de transparence

Premier enseignement : les tarifs pour les professionnels souffrent d'un gros manque de transparence au sein des banques traditionnelles, sur des lignes pourtant clés dans le cadre d'une comparaison. Ainsi, il n'est pas possible de connaître précisément le montant des frais de tenue de compte chez BNP Paribas (qui donne une fourchette allant de 57,50 à 210 euros par trimestre), ou au Crédit Agricole Ile de France (“de 67 à 105 euros par trimestre”). De plus, aucune indication n'est donnée sur ce qui fait varier à la hausse ou à la baisse ces frais de gestion. LCL, qui indique aussi une fourchette de prix, précise toutefois que le tarif dépend de la complexité de l'arrêté de compte. Au CIC, seul un minimum de 34 euros par mois est mentionné. En cas d'une tarification à la carte, connaître ces frais de gestion est pourtant indispensable, au même titre que la cotisation de la carte bancaire par exemple.

Mais si une grossière estimation est toujours possible avec des fourchettes ou des minimums, les banques sont encore plus taiseuses sur leurs offres groupées de services, leurs solutions d'encaissement et leurs solutions de financements. Des éléments pourtant importants dans la vie d'une entreprise. En face de ces lignes, on retrouve bien souvent les mentions « contactez votre chargé d'affaires », « sur devis » ou « sur étude personnalisée ». Une tarification « à la tête du client », qui dépendra alors de son chiffre d'affaires, du type d'entreprise, et sûrement de la négociation. Des pratiques qui, de fait, rendent difficile la comparaison pour le professionnel qui souhaiterait changer d'établissement.

Changer de banque : un casse-tête pour les professionnels ?

A titre d'exemple, le CIC ou certains Crédit Mutuel donnent un tarif « à partir de » pour leurs packages, sans préciser le mode de calcul ou les critères pris en compte. Le Crédit Agricole Alpes Provence indique une fourchette avec un minimum et un maximum... Certaines enseignes décident tout de même de jouer le jeu de la transparence s'agissant de leurs offres groupées de services, à l'image de la Société Générale, HSBC, ou encore de La Banque Postale, dont le prix et le contenu des formules sont bien détaillés dans leurs plaquettes.

Peu de bons élèves aussi chez les banques physiques concernant leurs solutions d'encaissement, et plus particulièrement la fourniture d'un terminal de paiement pour recevoir des règlements par carte. Souvent, les établissements indiquent bien proposer des solutions adaptées à leurs clients, mais sans donner de tarif. On est systématiquement invité à contacter un conseiller. A l'inverse, les banques en ligne, quand elles proposent un TPE, communiquent son prix d'achat et la commission appliquée sur les transactions. Les clients Hello bank pro peuvent ainsi acheter un appareil pour 39 euros hors taxes, et se voient prélever 1,60% à chaque paiement. Chez Shine, grâce à un accord avec SumUp, le TPE coûte 29 euros HT et la commission est de 1,49%.

Une multiplicité de lignes tarifaires

Force est de constater que les professionnels se voient souvent facturer davantage de services que les particuliers, sans que cela soit parfois expliqué. Citons par exemple la commission d'actualisation du fichier client, dont la dénomination varie selon chaque établissement. « Frais de suivi de dossier administratif et juridique » à LBP, « actualisation du dossier administratif et juridique » au CIC, « commission d'ouverture et d'actualisation de dossier administratif » chez SG : cette ligne servirait à couvrir les frais que la banque engage pour mettre à jour le dossier administratif d'un client chaque année. Facturée 60 euros à La Banque Postale, 90 euros à la BNP Paribas, de 150 à 250 euros chez SG, 300 euros au Crédit Agricole Corse ou encore jusqu'à 500 euros pour les grosses entreprises à la Banque Populaire Val de France, cette commission peut peser lourd dans le budget d'un entrepreneur, sans, en plus, être justifiée si la situation du client ne nécessite qu'une petite modification informatique.

Les découverts sont particulièrement touchés par ce phénomène de surfacturation dans les banques traditionnelles. Rappelons tout d'abord qu'un professionnel paie une commission de mouvement sur ses opérations au débit, peu importe que son solde soit négatif ou non. Comme les particuliers, s'il est à découvert (autorisé ou non), il paiera des intérêts débiteurs, à un taux qui n'est jamais communiqué par les banques physiques. Mais celles-ci ne s'arrêtent pas là, et prélèvent toutes en plus une « commission sur le plus fort découvert », autour de 0,08% par mois. D'autres ajoutent parfois d'autres frais : HSBC facture en plus une commission d'immobilisation (2,50% minimum), une commission de dépassement (0,70% minimum), et impose un minimum forfaitaire d'utilisation (5 euros par mois ou 10 euros par trimestre). La Banque Postale prélève, elle, une commission de non-utilisation, sans communiquer sur son montant. LCL applique aussi une commission de confirmation ou d'engagement. Des lignes souvent sans explication sur les plaquettes, dont il est difficile de comprendre le travail qu'elles sont censées rémunérer. Dès lors, au titre d'un découvert, un professionnel peut se voir facturer, en plus de ses intérêts, jusqu'à quatre commissions différentes. Ceci sans prendre en compte les éventuels frais annuels de renouvellement du découvert, par exemple recensés chez LCL.

Compte pro en ligne : quelles offres ? Notre comparatif

Des tarifs élevés et pas toujours justifiés

Malgré l'opacité et l'absence de lisibilité de certaines plaquettes, une réalité s'impose : chez les banques traditionnelles, les tarifs sont en général bien plus chers que pour les particuliers, et ce pour les mêmes services. Par exemple, quand les frais de tenue de compte ne pèsent pas plus de 35 euros par an pour un particulier, la note grimpe pour un professionnel : 184 euros par an à La Banque Postale, 228 à la Caisse d'Epargne Grand Est Europe, 312 chez SG (minimum) ou à la Caisse d'Epargne Languedoc-Roussillon, au minimum 408 euros par an au CIC, entre 260 et 856 chez LCL... Une addition salée pour un entrepreneur individuel ou une petite entreprise avec un faible chiffre d'affaires. De plus, d'autres frais liés à la gestion du compte viennent s'ajouter, comme la commission de mouvement, un pourcentage prélevé sur les opérations au débit, et ce quel que soit le solde du compte ! A chaque paiement de charge (loyer, salaire, assurance, facture...), une commission variant de 0,05% à 0,30% par mois est ponctionnée, selon notre panel de banques physiques. Certaines appliquent même un forfait minimum, par mois ou par trimestre ! A titre d'exemple, 5 euros par mois à La Banque Postale, 20 euros par trimestre à la Caisse d'Epargne Hauts de France, 13 euros mensuels à la BRED Banque Populaire ou bien 15 euros par mois au LCL.

La clientèle professionnelle paie également l'abonnement aux services de banque à distance, c'est-à-dire les accès en ligne ou sur application pour gérer leur compte, ce qui n'est pas le cas des particuliers. Pour une gestion courante (virements, commande de chéquiers, relevés, édition de RIB...), il faut payer 5,90 euros par mois à LBP ou encore 17,10 euros au Crédit Agricole Centre France ou 18 euros à la Banque Chalus. BNP Paribas et HSBC font varier le tarif mensuel selon le chiffre d'affaires : respectivement 13,90 et 13 euros en-dessous de 750 000 euros par an, et 24 euros et 26 euros au-delà. A noter qu'HSBC offre ce service aux entrepreneurs individuels. Par ailleurs, la facture peut encore grimper selon les options choisies par le pro : s'il souhaite pouvoir effectuer des ordres de bourse chez LCL par exemple, il devra débourser 2 euros supplémentaires par mois.

Les banques en ligne et fintechs spécialisées dans les comptes professionnels sont mieux-disantes que leurs concurrentes sur ces points. En effet, elles commercialisent des packages avec un tarif mensuel fixe qui comprend la gestion du compte à distance, les frais de tenue de compte, au moins une carte de paiement, et les opérations courantes. La grande majorité ne facturent d'ailleurs pas de commission de mouvement. En revanche, elles ne donnent souvent pas accès à tous les services d'une banque traditionnelle (dépôt de chèques et/ou d'espèces, découvert...), et si elles le font, les tarifs peuvent être prohibitifs. Qonto facture par exemple 2 euros l'encaissement d'un chèque (selon l'offre choisie, jusqu'à 15 dépôts gratuits sont inclus chaque mois). manager.one prélève 20 euros à partir du sixième chèque encaissé dans l'année ; Monabanq 1,50 euro à partir du 19ème par trimestre. Il faut donc bien identifier ses besoins avant d'opter pour un compte pro dans une banque en ligne, qui peut se révéler coûteux pour une entreprise qui déposerait beaucoup de chèques et d'espèces. A noter également que la plupart ne permettent pas de disposer d'un découvert.