L’opérateur télécom Orange a concrétisé un peu plus, cette semaine, l’arrivée prochaine d’Orange Bank sur le marché français. Ce nouvel entrant à la force de frappe inédite inquiète-t-il les acteurs en place et futurs concurrents ? Nous avons posé la question à Benoît Grisoni, patron de la banque de détail chez Boursorama, et à Hugues Le Bret, co-fondateur du Compte Nickel.

Le compte à rebours est lancé. Mardi, après avoir obtenu le feu vert des autorités prudentielles française et européenne, Orange a officialisé sa prise de participation majoritaire dans Groupama Banque, appelée à devenir Orange Bank dès janvier 2017. Plus rien ne s’oppose donc à la diversification du géant français des télécoms (plus de 40 millions de clients mobile et fixe en France, 250 millions dans le monde) dans la banque en ligne en France.

Logiquement, concernant un acteur aussi puissant, tout le monde pressent une arrivée en fanfare, avec un gros effort de communication à la clé. Orange Bank débarquera de plus dans un contexte particulièrement favorable : en février 2017 entrera en effet en vigueur le nouveau dispositif de mobilité bancaire issu de la loi Macron, qui facilitera le changement de banque. Une coïncidence que l’opérateur télécom ne manquera évidemment pas de souligner.

Orange Bank, une « néo-banque » ?

Sur le papier au moins, l’arrivée d’Orange Bank paraît donc de nature à faire bouger les lignes dans le paysage bancaire national. Les acteurs en place le craignent-ils ? Officiellement non. Les éléments de langage sont bien rodés : la concurrence est toujours une bonne chose, l’arrivée d’Orange Bank va élargir le marché de la banque numérique, ce qui profitera à tous. C’est aussi le point de vue de Hugues Le Bret, l’ancien patron de Boursorama devenu évangéliste de la « néo-banque ». « L’arrivée d’Orange Bank est très positive, elle va aider à faire passer l’idée qu’une autre banque est possible », explique le co-inventeur du Compte Nickel, ce service de paiement distribué avec succès (bientôt 400.000 clients) dans les bureaux de tabac.

Plus généralement, Hugues Le Bret observe avec un enthousiasme certain l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché de la banque de détail, tous déterminés à détrôner les banques traditionnelles à coup de parcours clients « sexy » et de services innovants. Il en est sûr : malgré son pedigree bancaire, Orange Bank se situera, dans la relation client, du côté de ces nouveaux entrants.

Un pont à construire entre télécom et banque

« Je ne dis pas qu’on est très contents. » L’arrivée d’Orange Bank, Benoît Grisoni ne la décrit pas spontanément comme une bonne nouvelle, assumant ainsi de briser un certain unanimisme. Toutefois, comme ses confrères, il n’affiche pas d’inquiétude particulière. « Il y a un précédent », rappelle le patron de Boursorama Banque, « c’est l’arrivée de Hello bank » : « Et ça avait été une très bonne nouvelle pour nos résultats ». En 2013 en effet, un autre acteur très puissant, BNP Paribas, avait investi le marché de la banque en ligne à grand renfort de communication, avec une promesse étonnamment proche de celle d’Orange : celle d’une offre bancaire complète, mais distribuée sur le mobile. Résultat : ce nouvel acteur a trouvé sa place (237.000 clients fin 2015) sans freiner visiblement la conquête de Boursorama et consorts.

Le cas Orange Bank est toutefois différent, dans la mesure où il s’agit d’une initiative extra-bancaire. C’est d’ailleurs cette dimension qui intéresse particulièrement Benoît Grisoni. « Ce qui sera passionnant à observer, c’est comment Orange va réussir à créer une passerelle entre les télécoms et la banque, à faire le lien entre ses 27 millions de clients mobiles, un vivier colossal, et cette nouvelle offre bancaire. Quelles seront les synergies ? De ce point de vue, Orange Bank a un côté très expérimental. »

En filigrane, une question : Orange peut-il réussir son coup ? Difficile à dire pour Benoît Grisoni : « On ne connait pas encore la largeur de l’offre, comment elle sera vendue et surtout, à quel prix. On peut compter sur Orange, qui s’entoure de gens compétents, pour réussir son lancement. Ensuite ? Orange aussi eu quelques fours. »

Ce que l’on sait sur Orange Bank

Il faudra attendre janvier 2017, au plus tôt, pour découvrir les contours précis de l’offre d’Orange Bank. Au fil des semaines toutefois, les projets bancaires d’Orange se dévoilent petit à petit. Le point sur ce qu’on sait :

  • Orange Bank sera une nouvelle enseigne, mais ne partira pas de zéro : Orange s'appuie en effet sur Groupama Banque, dont il a pris la majorité du capital.
  • Son directeur général sera André Coisne, ancien patron d’ING Direct et de BforBank.
  • L’offre pourra être souscrite via une application mobile ou sur le site web de l’enseigne, mais aussi dans 140 boutiques Orange et, au 2e semestre 2017, dans le réseau d’agence de Groupama et de Gan.
  • Elle couvrira dès son lancement le compte courant, l’épargne, le crédit et le paiement.
  • Orange annonce des « prix offensifs » sans plus de détails dans l’immédiat.
  • L’objectif d’Orange Bank à terme : 2 millions de clients.