Le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) se réunit ce mardi 13 juin et devrait discuter d'un assouplissement des règles d'accès au crédit immobilier, notamment pour les primo-accédants et les investisseurs locatifs.

Après la déception des annonces du CNR Logement, lundi 5 juin, les professionnels du crédit immobilier retrouveront-ils le sourire mardi prochain, le 13 juin, suite à la réunion du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), autorité sous l'égide de Bercy ? Rien n'est moins sûr. « Les banques ne semblent rien attendre de ces annonces. Or, si les critères ne bougent pas, alors les banques qui se sont aujourd'hui mises à l'écart du marché ne vont pas revenir, expliquait Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux, à MoneyVox la semaine dernière. Certaines banques nationales qui étaient en retrait depuis plusieurs mois et qu'on attendait début juin ont acté ces derniers jours qu'elles ne reviendraient pas avant la rentrée. »

Une évolution des règles pour les primo-accédants et les investisseurs ?

Commençons par une bonne nouvelle pour le secteur : la mensualisation du taux d'usure (le taux maximum autorisé au-dessus duquel une banque ne peut pas prêter), qui devait s'arrêter début juillet, est maintenue jusqu'à la fin de l'année. D'autres pistes sont envisagées et des lignes pourraient donc bouger ce 13 juin. Depuis un mois, Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, explique discuter avec le gouverneur de la Banque de France dans le but « d'assouplir les règles d'accès au crédit immobilier ».

25 ans maximum, 35%, taux d'usure... Les banques prêtes à assouplir les règles freinant le crédit immobilier

Pour rappel, le HCSF a fixé depuis 2021 une règle portant le taux d'endettement maximum à 35%. Les banques ont néanmoins la possibilité, pour 20% des dossiers qu'elles traitent, d'aller au-delà. Au sein de ces 20%, 50% doivent être des dossiers pour financer une résidence principale (hors primo-accédants), 30% doivent concerner des primo-accédants et 20% pour financer des dossiers d'investissement locatif ou de résidence secondaire. C'est donc sur cette marge de manœuvre que le ministre de l'Économie voudrait revenir. Le problème, c'est que cette extension de 20% est encore loin d'être utilisées par toutes les banques.

Crédit immobilier : ces règles contraignantes pour les banques

  • Durée maximale de remboursement : 25 ans (sauf projet de construction ou d'achat sur plan, avec un prêt pouvant aller sur 27 ans pour couvrir la période de travaux).
  • Taux d'endettement maximum des emprunteurs : 35% de leurs revenus mensuels consacrés au remboursement de crédit.
  • Les banques peuvent déroger à ces règles, mais uniquement pour 20% des dossiers acceptés.

« Les banques n'utilisent actuellement même pas totalement leur marge de flexibilité – seulement pour 14,6% au lieu de 20% - et se fixent elles-mêmes leurs propres critères d'octroi de prêt en limitant le risque au maximum, compte tenu de la faible rentabilité de l'activité de crédit actuellement », explique Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer. Une donnée confirmée par le gouverneur de la Banque de France lui-même. Interrogé fin avril, François Villeroy de Galhau révélait que les banques ne s'affranchissent des règles du HCSF que dans 12% des dossiers.

Faut-il alors complètement changer le calcul du taux d'endettement pour fluidifier le marché du crédit immobilier ? Le gouverneur de la Banque de France s'y refuse pour le moment. « Il y a une chose certaine c'est que nous n'allons pas pousser au surendettement des Français, parce que la vraie crise sociale elle serait là », a plusieurs fois rappelé François Villeroy de Galhau.

Crédit immobilier : malgré la flambée des taux, les emprunteurs français ont de la chance

Il existe néanmoins une catégorie pour laquelle la règle du taux d'endettement pourrait changer : les investisseurs locatifs. De nombreux professionnels du crédit appellent à un retour à la méthode de calcul par compensation pour les investissements locatifs. C'est le cas par exemple d'Olivier Lendrevie, président du courtier Cafpi : « Pour les investisseurs, les revenus locatifs doivent pouvoir être considérés comme affectés au remboursement du crédit (calcul différentiel) plutôt qu'intégrés aux revenus comme exigé par le Haut Conseil. »

Depuis début 2022, les investisseurs immobiliers sont soumis aux mêmes règles qu'un emprunteur qui achèterait sa résidence principale. Pourtant, par le passé, la règle était celle de l'endettement en différentiel. Cela permettait de prendre en compte les loyers en déduction de la mensualité de crédit, et non pas comme des revenus comme c'est désormais le cas. Une modification du calcul qui désavantage nettement les investisseurs.

Exemple (1) de calcul avec la méthode de l'endettement différentiel

Un emprunteur dispose d'un salaire de 3 500 euros ainsi que de loyers perçus (revenus locatifs) de 1 600 euros par mois. Côté charges, celui-ci paie un loyer de 1 100 euros auquel il faut ajouter 1 050 de charges locatives pour son investissement locatif (remboursement d'emprunt + charges diverses).

Avec l'endettement différentiel, le taux d'effort est le suivant : (Charges fixes mensuelles de 1 100 €) / (Revenus fixes mensuels de 3 500 € + (Revenus locatifs pondérés de 1 600 € x 0,7) - Charges locatives mensuelles de 1 050 €) x 100 soit (1 100 / (3 500 + (1 120 - 1 050)) x 100 = (1 100 / (3 500 + 70)) x 100 = 30,8%

Avec le calcul du taux d'endettement classique :

Dans ce cas, les revenus locatifs ne sont plus soustraits à la charge d'emprunt, mais ajoutés aux revenus comme le salaire. Le calcul est alors : (Charges fixes mensuelles de 1 100 € + Charges locatives mensuelles de 1 050 €) / (Revenus fixes mensuels de 3 500 € + Revenu locatifs mensuels de 1 600 € x 0,7) x 100 soit (2 150 / (3 500 + 1 120) x 100 = 46,5%

(1) Source : Empruntis

On voit bien, dans le deuxième cas, que le taux d'endettement est largement dépassé. Les professionnels du crédit militent donc pour un retour de la première méthode de calcul pour les investisseurs. « Cette mesure est nécessaire pour que les Français puissent, de nouveau, s'appuyer sur l'investissement locatif comme support de préparation de leur retraite », assure Olivier Lendrevie. Seront-ils entendus ? Réponse mardi prochain.