Hausse des taux, inflation, inertie des taux d'usure : plusieurs facteurs concourent à gripper le marché des prêts personnels. Dans ce contexte, certains profils d'emprunteurs s'en sortent mieux que d'autres. Les blocages, toutefois, ne devraient pas durer.

Des crédits à la consommation de plus en plus rares et chers : on vous l'annonçait le mois dernier, les derniers chiffres le confirment. Fin 2022, les banques spécialisées ont distribué moins de nouveaux crédits qu'un an auparavant (-2,6%), selon les chiffres de l'ASF (1). La chute est encore plus spectaculaire si l'on zoome sur les seuls prêts personnels : -23,5% sur un an !

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Il faut dire que financer un projet à crédit coûte de plus en plus cher. En février, selon les relevés effectués par le comparateur Checkmoncredit.fr, les taux pratiqués par les établissements spécialisés ont continué d'augmenter, comme ils le font désormais depuis près d'un an. Ajoutez à cela l'anxiété budgétaire causée par l'inflation : on comprend que les Français soient peu enclins, actuellement, à s'endetter pour leur consommation.

Chaque mois, MoneyVox vous propose, en partenariat avec le comparateur de crédits à la consommation CheckmonCredit.fr, un baromètre des taux des prêts personnels. Il présente les taux moyens et excellents, chez une trentaine de banques, assurances et organismes de crédits, selon le type de projet, le montant du financement et la durée de remboursement souhaitée.

Le baromètre des taux - Février 2023
Automobile
(neuf et occasion)
Sur 12 moisJusqu'à 36 moisJusqu'à 60 moisJusqu'à 84 mois
Jusqu'à 5 000 euros
Taux excellent2,91%4,43%4,64%5,44%
Taux moyen7,97%8,19%7,30%7,19%
Jusqu'à 15 000 euros
Taux excellent1,58%3,65%3,86%4,47%
Taux moyen3,98%4,92%5,12%5,43%
Jusqu'à 40 000 euros
Taux excellent1,70%3,58%3,95%4,42%
Taux moyen3,80%4,78%4,98%5,27%
TravauxSur 12 moisJusqu'à 36 moisJusqu'à 60 moisJusqu'à 84 mois
Jusqu'à 5 000 euros
Taux excellent3,93%4,69%4,75%5,02%
Taux moyen8,32%8,43%7,61%7,08%
Jusqu'à 15 000 euros
Taux excellent1,59%3,71%3,71%3,95%
Taux moyen4,01%4,95%5,12%5,37%
Jusqu'à 40 000 euros
Taux excellent1,70%3,56%3,75%3,95%
Taux moyen3,72%4,74%4,94%5,17%
Autres prêts
personnels
Sur 12 moisJusqu'à 36 moisJusqu'à 60 moisJusqu'à 84 mois
Jusqu'à 5 000 euros
Taux excellent3,75%5,00%5,27%5,67%
Taux moyen8,56%8,76%7,93%7,68%
Jusqu'à 15 000 euros
Taux excellent1,63%3,86%4,04%4,75%
Taux moyen4,15%5,12%5,32%5,59%
Jusqu'à 40 000 euros
Taux excellent1,70%3,93%4,13%4,57%
Taux moyen3,86%4,91%5,13%5,43%

Taux relevés au cours de la semaine du 6 février 2023. Données fournies par le comparateur de crédits à la consommation CheckmonCredit.fr

Des banques plus sélectives

La baisse de la demande, toutefois, n'explique pas à elle seule la chute de la production. Car dans le même temps, les banques se montrent aussi de plus en plus sélectives sur le profil des emprunteurs. Tout indique, en effet, que les taux de refus, c'est-à-dire la part des demandes de crédits auxquels les établissements ne donnent pas suite, augmente également, dans des proportions importantes. C'est le cas, en particulier, pour les prêts personnels de plus de 6 000 euros, ceux qui font l'essentiel du marché. Pourquoi ? En raison du taux d'usure, particulièrement bas pour cette catégorie de prêts (6,15% à compter du 1er mars).

Rappel en effet : en France, comme dans d'autres pays, la réglementation plafonne les taux (plus précisément les taux effectifs annuels globaux, ou TAEG) que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer. C'est ce que l'on appelle les seuils (ou taux) de l'usure.

Qu'est-ce qui cloche ? A peu près la même chose que pour les crédits immobiliers : la remontée des taux d'usure est plus lente que celle du taux du refinancement de la Banque centrale européenne, c'est-à-dire du prix payé par les banques pour accéder à l'argent qu'elles prêtent ensuite à leurs clients. Ce prix a augmenté de 3 points depuis le mois de juillet, passant de 0 à 3%. Le seuil de l'usure pour les prêts personnels de plus de 6 000 euros, lui, n'a progressé que de 1,22 point sur la même période, passant de 4,93% à 6,15%.

Résultat : la marge se resserre et avec elle, la capacité à répercuter certains coûts, notamment celui du risque qu'elles prennent en prêtant. « Dans ce cas de figure, les établissements de crédits ont trois possibilités », détaille Charles Egly, co-fondateur de Younited Credit. « Faire du crédit à perte ; réduire la voilure en ne prêtant qu'aux profils les moins risqués ; ou arrêter tout simplement la production. »

Qui échappe au tour de vis ?

Dans l'immédiat, les établissements semblent plutôt opter pour la 2e solution, en limitant l'octroi à certains profils d'emprunteurs. Lesquels ? Pas seulement ceux qui disposent de bonnes rentrées d'argent. « Le revenu n'est qu'une composante du choix d'octroyer, ou non, un crédit », poursuit Charles Egly. « Ce qui compte surtout, c'est la stabilité. Etre marié, avoir des enfants, être propriétaire, avoir un emploi stable, être client de sa banque depuis longtemps : tout cela aide à convaincre la banque de vous prêter de l'argent. »

Autre solution pour maximiser ses chances de décrocher un crédit : accepter de partager son historique bancaire, grâce aux technologies dites de « banque ouverte » (ou open banking). Certains établissements, en effet, proposent désormais ce 2e type de parcours de souscription, qui s'appuie sur l'analyse des données des comptes bancaires. « Le recours à l'open banking permet d'évaluer le risque de manière plus efficace, et donc de minimiser le risque de refus », confirme Charles Egly.

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Revoir le calcul du taux d'usure ?

Dans ce contexte, une question commence à se poser : faut-il, pour éviter les blocages, revoir le mode de calcul des seuils de l'usure ? En temps normal, ils sont actualisés chaque trimestre et indexés sur les taux effectivement pratiqués au cours du trimestre précédent. Sans référence directe, donc, à l'évolution des taux directeurs. Résultat : lorsque ces derniers remontent rapidement, comme c'est actuellement le cas, l'inertie inhérente au système français peut créer des blocages. Nous sommes précisément dans ce cas de figure. « Si la BCE augmente ces taux, c'est pour ralentir le crédit, et donc la surchauffe de l'économie, c'est l'effet recherché. Mais l'usure à la française rajoute un frein supplémentaire », note Charles Egly.

Cette situation, toutefois, est transitoire. Au fil du temps, la hausse des seuils de l'usure va rattraper celle des taux directeurs, qui ne va pas durer éternellement. C'est d'ailleurs pour accélérer ce rattrapage, et réduire les frictions actuelles, que la Banque de France a modifié le rythme d'actualisation des taux de l'usure, devenu mensuel depuis le 1er février. La mesure est prévue pour durer jusqu'au 1er juillet. La question se posera alors de la pérenniser, ou non.

Crédit conso : le comparatif des offres en ligne

(1) Association française des sociétés financières, qui regroupe l'ensemble des établissements spécialisés. En matière de crédit à la consommation (crédits renouvelables, crédits affectés, prêts personnels, location avec option d'achat) les adhérents de l'ASF représentent près de 50% de l'encours de tous les établissements de crédit (et la majorité des opérations de crédits renouvelables).