Le taux d'usure, c'est-à-dire le taux maximum auquel on peut emprunter, est plus élevé depuis le 1er octobre. Une hausse qui aurait dû faciliter les projets des emprunteurs jusqu'ici bloqués dans leur achat immobilier. Pourtant, ils sont nombreux à faire état de sérieuses difficultés.

« Une hausse bien proportionnée et plus marquée qu'en juin dernier », avec « un relèvement de 0,48% pour les crédits immobiliers de plus de 20 ans, et de 0,43% pour ceux de moins de 20 ans, portant les nouveaux plafonds à respectivement 3,05 et 3,03%. » Le 28 septembre, après des semaines de tractations avec les banques et les courtiers, la Banque de France dévoilait le nouveau taux d'usure, le seuil maximum autorisé au-dessus duquel une banque ne peut pas prêter et qui intègre le taux du crédit, l'assurance emprunteur et différents frais. Et selon la Banque de France, malgré l'absence de coup de pouce exceptionnel, la hausse du taux d'usure appliquée à partir du 1er octobre devait permettre à une majorité d'emprunteurs de mener à bien leurs projets jusqu'ici bloqués. Pourtant, des difficultés semblent persister.

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Un durcissement des conditions d'octroi

Pour Carine, cette impossibilité d'emprunter est une première. « Nous sommes propriétaires de notre résidence principale et nous n'avons pas de dette. Nous n'avions jamais eu de problème pour nos précédents projets immobiliers et on pensait que ça passerait facilement », s'étonne cette femme de 45 ans qui est actuellement en CDD. Avec son mari, âgé aussi de 45 ans et qui est en CDI, le couple pensait facilement trouver un crédit de 140 000 euros pour financer un appartement neuf en VEFA pour faire de l'investissement locatif. Et pourtant : « Notre conseiller LCL, alors que c'est notre banque depuis 20 ans, n'a même pas monté de dossier. On a été refusé à cause de mon statut. N'étant pas en CDI et ayant eu une courte période de chômage pendant le Covid, on nous a dit que ça ne passerait pas. » Une situation qui étonne Carine : « Je n'ai pas de CDI mais je ne pense pas être un profil à risques. D'autant que notre banque nous connait depuis 20 ans, ils savent que je n'ai jamais été à découvert. »

Direction d'autres banques : « Au téléphone, le Crédit Mutuel nous a proposé un taux de 2,87% sans même nous demander nos revenus. Et au CIC, le taux proposé était de 3,17%, soit un dossier impossible à financer à cause du taux d'usure », détaille Carine. Finalement, avant de baisser les bras, le couple contacte le Crédit Agricole Anjou-Maine. « On est en discussion avec eux, on nous a proposé un taux un peu en dessous de 2%, capé 1. » En clair, la banque leur propose un taux de crédit susceptible d'augmenter, selon la conjoncture, d'un point, soit presque jusqu'à 3% dans le cas de Carine.

Une solution avec un prêt à taux variable qui fait un retour timide dans certains établissements bancaires, et qui pourrait donc être la parade pour certains emprunteurs : « On n'était pas familier avec les taux capés mais vu la vitesse à laquelle les taux fixes remontent, on voit bien que le taux que l'on nous propose aujourd'hui, même capé 1, est intéressant. Si ça passe, on sera contents », espère Carine. « C'est un dossier un peu particulier, ce n'est pas un dossier classique pour une résidence principale, concède le couple, qui avoue cependant ne pas s'être attendu à autant de problèmes. Les deux dernières fois, on avait l'embarras du choix. »

La délégation d'assurance, une solution difficile à pousser

Pour Diane, fonctionnaire de catégorie A, ce qui devait être un beau projet se transforme peu à peu en cauchemar. Elle et son mari, qui est en CDI depuis longtemps, ont pour projet l'achat d'un T4 vers Marseille, d'une valeur d'environ 200 000 euros. Pour le financer, elle souhaite notamment revendre son appartement actuel pour lequel elle a déjà remboursé l'emprunt. « En tout, une fois l'apport déduit, on demandait un crédit de 70 000 euros », calcule Diane, qui a démarché elle-même ses banques : « Je suis partie du principe que ne pas passer par un courtier permettait d'économiser des frais. Je suis donc allée voir le Crédit Agricole et Boursorama. La première me dit qu'ils ont des taux au-delà des 3,05%, même avec des remises commerciales, et la deuxième m'a juste dit que mon dossier n'était pas finançable. » Pour elle, pas de doute, « c'est principalement l'assurance emprunteur qui bloque. J'ai 45 ans, mon mari a 51 ans, il faut croire que l'on est trop vieux pour acheter. » Malgré sa proposition d'obtenir une assurance moins chère en optant pour une délégation d'assurance, le dossier reste sans suite.

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Ces refus commencent à peser sur le moral de Diane : « Je suis vraiment dépitée, cette situation est usante. On se dit qu'on a un profil correct, et quand, à 45 ans, on entend que l'on est trop vieux pour passer sous le taux d'usure, c'est assez déprimant. J'avoue que je suis un peu perdue, je ne sais pas trop ce qu'on va faire. » D'autant que comme beaucoup d'emprunteurs aujourd'hui bloqués, elle et son mari n'ont aucune visibilité : « J'ai demandé à ma banque si en janvier ça irait mieux, et on m'a répondu que ce serait la même chose, car les taux d'emprunt vont aussi augmenter. »

Une hausse des taux qui passe mal

Une hausse des taux que subit Paul*. Ce Lyonnais de 46 ans, fonctionnaire dans l'Education nationale, a pour projet de s'établir dans le Gard. Sa compagne ayant une maison là-bas, il souhaite souscrire un prêt pour effectuer les travaux et racheter des parts de la maison. Montant espéré : 150 000 euros à rembourser sur 22 ans, et 30 000 euros d'apport. Pour mener à bien son projet, Paul contacte une bonne demi-douzaine de banques. C'est la douche froide. « En 4 ou 5 mois, j'ai eu très peu de retours. Fortuneo m'a dit que de toute façon mon dossier dépasserait le taux d'usure. Après un rendez-vous téléphonique au Crédit Agricole je n'ai jamais eu de nouvelles malgré des relances. Le Crédit Lyonnais, le CIC ou encore la Banque Postale ne m'ont même pas répondu. »

Sociétaire à la Casden, la banque coopérative de la fonction publique, le fonctionnaire s'adresse à l'établissement dans lequel il a une partie de son épargne. « Au printemps, j'ai dû prendre un crédit à la consommation pour changer de voiture, et j'avais demandé à la Casden si ça posait problème pour le taux d'endettement, on m'a dit que non », rembobine Paul, qui prend finalement ce crédit conso à la Société Générale, où il a également un compte.

Sauf que quelques semaines plus tard, au moment de demander l'édition des offres pour le prêt immobilier, on lui annonce que le prêt auto joue sur son taux d'endettement et que son projet dépasse le taux d'usure. « Je n'ai même pas eu le temps de proposer une délégation d'assurance emprunteur qui m'aurait permis de passer sous le taux d'usure. J'ai reçu dans la foulée un courrier de refus d'octroi de prêt. »

Retour à la case départ, Paul se tourne vers la Société Générale, son autre banque. « Dans la simulation, en septembre, on m'a proposé un taux nominal de 2,03% », détaille ce dernier. Là-encore, au moment d'éditer l'offre et malgré plusieurs relances, silence radio. « Et après deux semaines sans nouvelles, le samedi 1er octobre, ma conseillère Société Générale m'appelle pour m'annoncer que le taux nominal passait à 2,53% et que le TAEG serait de 3,05% », soit la limite du nouveau taux d'usure pour les prêts de 20 ans et plus.

Une hausse de taux proposée par la Société Générale de 0,5 point en 15 jours qui scandalise Paul : « C'est insupportable, car j'avais évoqué le sujet avec ma conseillère trois semaines avant ». Pour lui, c'est une certitude : « Les emprunteurs sont pris en otage. Il y a quelques semaines, le gouverneur de la Banque de France expliquait que ces discussions sur le taux d'usure était un chantage des courtiers et des banquiers. Quand on voit que certains n'ont pas attendu 24h pour remonter leurs taux de crédit à la limite du nouveau taux d'usure, on peut dire que cela se vérifie ».

Preuve qu'un relèvement beaucoup plus important du taux d'usure, comme le réclament notamment les banques, ne serait pas forcément une bonne nouvelle pour les emprunteurs. Paul, quant à lui, espère enfin signer une offre de prêt avec un autre établissement récemment contacté, qui lui propose un taux désormais plus intéressant que celui de la Société Générale.

(*Le prénom a été modifié)

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