Près d'un emprunteur sur quatre s'endette encore en s'engageant sur des mensualités dépassant la fameuse règle des 33% de taux d'endettement, récemment transformée en règle des 35%. Qui sont ces ménages à qui les banques permettent ainsi certaines largesses ?

Oubliée, l'ancienne sacro-sainte règle des 33% de taux d'endettement à respecter pour décrocher un crédit immobilier. Depuis janvier 2021, la règle des 33% s'est mue en règle des 35% suite à l'assouplissement des consignes données aux banques par les pouvoirs publics à ce sujet. Mais les banques peuvent déroger (jusqu'à 20% des nouveaux crédits chaque trimestre) aux différentes règles ainsi édictées par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF). Qui profite de ces dérogations ? Le dernier rapport du gendarme bancaire (1) livre de nombreuses informations.

Plus d'infos sur les règles en vigueur : Les nouvelles règles pour obtenir un crédit immobilier

Les banques plus souples à Paris ou avec les investisseurs locatifs

23,5% des ménages emprunteurs affichent un « taux d'effort » (plus communément appelé taux d'endettement) supérieur à 35% selon l'ACPR. Autrement dit, les mensualités de leur nouveau prêt immobilier vont accaparer plus de 35% de leurs revenus mensuels. 23,5%, cela paraît beaucoup, mais cela reste bien inférieur à ce que le gendarme bancaire avait constaté un an plus tôt (plus de 30% des dossiers au-delà de cette limite).

Les pouvoirs publics acceptent que les banques dérogent à ces règles, mais à condition qu'elles fassent profiter en priorité de leurs largesses ceux qui achètent leur résidence principale et encore plus spécifiquement les ménages qui achètent pour la première fois (les « primo-accédants »).

Dans les faits, qui sont ces emprunteurs profitant des largesses bancaires sur le taux d'endettement ? Seuls 15% des « primo-accédants » obtiennent un crédit immobilier tout en dépassant les 35% de taux d'endettement. Alors que plus de 30% des investisseurs locatifs sont en dehors des clous. Ces statistiques s'expliquent certes par un plus imposant nombre de dossiers de « primo-accédants ». Mais les ménages déjà propriétaires empruntant pour acheter une nouvelle résidence principale sont eux aussi plus facilement hors des clous : plus d'un quart de ces « acquéreurs déjà propriétaires » dépassent les 35% de « taux d'effort ».

Au niveau géographique, sans surprise, c'est à Paris et en Ile-de-France que les banques dérogent le plus à la règle des 35% de taux d'endettement. Cela s'explique par des prix très élevés, et par des revenus là aussi plus élevés que sur le reste du territoire.

30% de taux d'endettement en moyenne

Le taux d'endettement moyen, tous crédits confondus, est de 30,1% en février 2021 selon l'ACPR, en baisse de près d'un point (30,9% un an plus tôt). Ce sont les « acquérieurs déjà propriétaires », ceux qui achètent et empruntent tout en vendant leur logement actuel, qui peuvent s'endetter le plus lourdement : leur taux d'endettement moyen avoisine les 31% alors que celui des emprunteurs achetant pour la première fois affichent un taux d'endettement moyen de 29,5%. Dans les deux cas, cette moyenne est toutefois en baisse en 2021.

Prêts de plus de 25 ans : priorité aux nouveaux propriétaires

Le non dépassement de la durée maximale (25 ans) est plus largement respecté que le non dépassement des 35% de taux d'endettement. Ainsi, seuls 8,3% des prêts immobiliers dépassent les 25 ans de remboursement prévus à la signature.

Et ce sont les dossiers d'emprunteurs « primo-accédants » qui profitent le plus des largesses des banques sur ce point là : environ 16% des emprunteurs achetant pour la première fois s'endettent encore aujourd'hui sur plus de 25 ans malgré les nouvelles restrictions du HCSF. Dans toutes les autres catégories de prêt, la part de dossiers dépassant les 25 ans est très nettement inférieure à 10%.

Prêt immobilier : un taux moyen de 0,99% sur 20 ans, du jamais-vu !

Les banques respectent-elles les règles de Bercy ?

Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a prévenu : les nouvelles règles (principalement le respect du 35% de taux d'endettement et d'une durée maximale de 25 ans) vont bientôt être inscrites dans le marbre, et ce dès l'été 2021.

La menace semble être efficace : le rapport de l'ACPR montre que la part de crédits catégorisés comme « non conformes » au regard des règles du HCSF atteignait tout de même 26% des nouveaux prêts fin 2020 ! Et ce sans prendre en compte la « marge » acceptée (15% des dossiers à l'époque) : avec cette « marge », plus de 41% des nouveaux crédits étaient hors des clous !

En avril 2021, sans prendre en compte la « marge » de 20% de dossiers acceptés en dehors des clous, seuls 5,6% des dossiers restaient non conformes.

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(1) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), Le financement de l’habitat en 2020.