Depuis fin 2019, les banques se montrent plus sélectives dans le tri de leurs dossiers de prêt immobilier. Ensuite, la crise sanitaire n’a évidemment pas amélioré la situation des emprunteurs les plus modestes. Obtenir un crédit est aujourd’hui bien plus délicat qu’il y a un an. La preuve, en 3 chiffres.

Mi-décembre 2019, le « conseil des Sages de la finance », le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), présidé par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, a demandé aux banques de resserrer le robinet du crédit immobilier. En cause : des conditions d’accès trop souples et généreuses qui pourraient mettre les banques en danger en cas de grave crise financière.

Depuis, les banques doivent respecter plus scrupuleusement la règle des 33% de taux d’endettement (la mensualité ne représente pas plus du tiers de vos revenus mensuels), et les prêts « longue durée » (plus de 25 ans) doivent constituer une exception. Les banques peuvent s’écarter de ces deux règles, mais chaque établissement doit veiller à limiter à 15% maximum le nombre de dossiers d’emprunt où ces seuils sont dépassés. Conséquence, en cette rentrée 2020 : « Nos partenaires bancaires conservent des taux de crédit immobilier stables mais se montrent toujours très sélectifs », confirme Frank Roullier, président d’Empruntis.

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1 – Des refus multipliés par 2

Le courtier Cafpi note ainsi une « hausse des refus de crédits » dans sa « météo des taux » de septembre. Des refus « dus au respect des mesures » du HCSF. Or, la tendance à l’exigence s’est même « accentuée depuis la crise sanitaire », relève le réseau Artémis Courtage : « Des refus peuvent être appliqués si le taux d'endettement de l'emprunteur est supérieur à 33% ou si le secteur d’activité dans lequel il exerce est fortement touché par la crise. » La porte-parole du courtier Vousfinancer, Sandrine Allonier, affirme même que le nombre de dossiers refusés par les banques a doublé entre 2019 et la fin août 2020.

Le courtier Meilleurtaux a dressé son état des lieux du marché immobilier en cette rentrée 2020. Une statistique illustre un changement de tendance : « 16,9% des demandes [de crédits auprès de l’enseigne] dépassent les 33% d’endettement, là où le HCSF enjoint de ne pas dépasser 15%. » Certains dossiers de financement peuvent être adaptés, si les ressources des emprunteurs le permettent, mais il n’est désormais plus possible de s’endetter « au plafond » en cherchant à préserver son épargne, par exemple.

2 – L’apport de 10% redevient systématique

Emprunter sans apport personnel, cette épargne qui vous permet de financer les frais d’acquisition voire une partie du logement ? De plus en plus difficile depuis que les banques suivent les recommandations du HCSF. « Les banques restent attentistes et sont plus regardantes dans la distribution de crédit à l’habitat, notamment sur l’apport constitué avant le projet immobilier et l’épargne disponible après acquisition », explique Alban Lacondemine, président fondateur d’Emprunt Direct. « Toutes les banques ciblent les emprunteurs correspondant aux critères du HCSF, avec un endettement limité, de hauts revenus et plus de 10% d’apport personnel », confirme Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer.

L’observatoire Crédit Logement-CSA égraine les conséquences du retour de l’apport en condition quasi sine qua none pour obtenir un prêt immobilier, dans son étude mensuelle portant sur le mois d’août. Tout d’abord, « la part des emprunteurs les moins dotés en apport personnel », les plus modestes, qui acceptent les taux plus élevés, a reculé. Le niveau d’apport personnel a augmenté de 9,5% en août sur un an selon l’observatoire Crédit Logement-CSA. Le taux d’apport moyen va donc remonter fortement en 2020, après être descendu au plus bas en 2019 : l’apport représentait en fin d'année dernière environ 11% du montant moyen nécessaire pour une acquisition immobilière, selon la Banque de France, contre plus de 20% en 2012.

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3 – Les nouveaux propriétaires, en recul de 5%

L’observatoire constate un recul de ceux qui achètent pour la première fois (primo-accédants) dans la population des emprunteurs ces derniers mois, sans le quantifier. Le réseau de courtage La Centrale de financement livre son estimation : « Sur l’ensemble des prêts contractés au cours du semestre 2020, la part des primo-accédants a diminué de 5%. »

Vousfinancer ajoute que, parmi les candidats à l’emprunt ayant essuyé un refus, « 37% sont des primo-accédants, avec un apport moyen de 6%, ce qui est insuffisant pour la plupart des banques », l’autre population faisant les frais des nouvelles restrictions de prêt étant les investisseurs locatifs.

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