Le confinement généralisé, en réponse à l’épidémie de coronavirus, implique une chute de revenus pour de nombreux indépendants mais aussi pour certains salariés contraints au chômage partiel. Vous avez peur de ne pas pouvoir payer vos échéances de crédit ? Ce qu’il faut savoir avant de contacter votre banquier.

La crise sanitaire plonge évidemment de nombreux emprunteurs dans l’inquiétude d’un remboursement de crédit non honoré début avril, puis peut-être début mai… Et ce malgré les annonces gouvernementales concernant le chômage partiel (indemnisé à 84% du salaire net et jusqu’à 4,5 Smic) ou les reports de charges pour les travailleurs indépendants et libéraux.

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Deux options : modulation ou report d’échéances

Malgré les dispositifs mis en place, vous ne disposez pas de largesses financières suffisantes ? Deux options sont potentiellement disponibles dans votre contrat de prêt immobilier : la modularité (ou modulation) des mensualités, et la clause de report (ou de suspension) des échéances.

La modularité est une option qui permet de baisser (ou d’augmenter) vos échéances de prêt de 10% à 30% par mois, selon les cas. Tout dépend de ce qui est inscrit dans l’offre de prêt que vous avez signée. La baisse des échéances envisageable est inscrite dans le contrat : cette baisse de mensualité est toutefois conditionnée à ce qu'elle ne rallonge pas trop longuement le remboursement (pas plus de 2 ans supplémentaires par exemple). Autre condition à connaître : la baisse se fait toujours sur plusieurs mois (un an minimum en général), pas seulement pour 2 ou 3 mois difficiles.

Le report ou la suspension d’échéances est une solution plus radicale : il s’agit de suspendre le remboursement pendant quelques mois (1 à 12 mois selon les banques). Là encore, les possibilités de report changent d’une banque à une autre : commencez donc par éplucher votre contrat à la recherche de cette clause. Dans tous les cas, malgré cette suspension, vous continuez à payer l’assurance emprunteur, et le plus souvent les intérêts d’emprunt.

Des options absentes pour les montages complexes

« Il n’est pas possible de suspendre le remboursement d’un Prêt à taux zéro », confirme Sandrine Allonier, responsable des partenariats bancaires de VousFinancer. La modulation est elle aussi absente des montages avec PTZ, ainsi que sur tous les montages de prêt sur 2 lignes ou incluant un lissage. Des montages qui vous permettent de limiter les intérêts sur la durée, mais au détriment de la souplesse en cas de coup dur.

Mot d’ordre en temps de crise : priorité aux urgences

« Je n’encourage pas à faire une demande de suspension », insiste Sandrine Allonier, de VousFinancer, du moins pas si cette démarche n’est pas impérative : « Ces démarches inutiles dans le contexte actuel vont venir allonger les délais de traitement et ralentir la machine du crédit ce qui n’est pas souhaitable. »

En pleine crise sanitaire, Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux, estime elle que les salariés peuvent attendre avant de se pencher sur cette question, mais elle reconnaît que la question peut se poser « pour les auto-entrepreneurs, les indépendants, etc. ». Face au confinement, le principe est donc le même que pour la plupart des activités : pas d'opération de « confort », priorité aux situations urgentes. Mais un banquier confirme toutefois une forte hausse de demandes de report ou de modulation ces derniers jours.

Réelle urgence ? Contactez votre banquier dès maintenant !

Les banques diffusent des messages de souplesse et de bonne volonté à l’égard de leurs clients affectés par la crise du Covid-19. Privilégiez le contact par téléphone ou par email, comme le conseillent désormais tous les grands réseaux bancaires. « Pour ses clients particuliers confrontés à des situations difficiles telles que du chômage partiel, la banque fera preuve de flexibilité notamment en leur permettant d’échelonner sans frais leurs échéances de crédit à la consommation et de prêts immobiliers », promet la Société Générale. « S’agissant des prêts immobiliers, les reports et modulations sont déjà prévus sans frais dans nos contrats », répond le Crédit Agricole. « Quoiqu’il en soit, nous accompagnerons nos clients pour traverser cette période difficile comme nous l’avons toujours fait. »

La Banque Postale se dit elle très « attentive aux situations de fragilité financière occasionnée par la crise sanitaire actuelle », les « clients particuliers affectés par une baisse de revenus ou par un surcroît de dépenses » étant considérés comme une « priorité » : « Pour les emprunteurs affectés financièrement par la crise (travailleurs indépendants, artisans, salariés au chômage partiel notamment) », la filiale de la Poste propose d’ores et déjà la « mise en place d'un report de 3 mois de l’échéance ».

A savoir : si votre contrat ne prévoit pas de possibilité de suspension temporaire de remboursement, vous pouvez tout de même interroger votre banquier à ce sujet. Tous les interlocuteurs interrogés s’accordent sur un point : la banque n’a aucun intérêt à vous laisser face à une situation d’impayé dans la situation actuelle, elle privilégiera donc une adaptation de vos charges financières. Selon nos informations, face à la crise du Covid-19, les banques se montent exceptionnellement plus souples qu’en temps normal. Le fait de solliciter un report s’il n’est pas présent dans votre contrat implique toutefois des « frais d’avenant » supplémentaires.

Un délai serré pour l’échéance d’avril

« En temps normal, il faut anticiper d’un ou deux mois les demandes de report ou de modulation », souligne Sandrine Allonier, de VousFinancer. En théorie, il est donc déjà trop tard pour agir sur l’échéance de début avril. En cas de réelle difficulté financière, Maël Bernier, de Meilleurtaux, estime toutefois qu’une demande faite (par téléphone ou par email) ce mercredi ou demain pourrait aboutir, à condition que le banquier la considère effectivement comme urgente : « Le remboursement mensuel est prélevé le 5, 6 ou 7 avril dans la plupart des cas. Pour une modulation d’échéance à la baisse, c’est peut-être encore possible. »

Suspendre vos échéances : pour quel coût ?

Reporter vos échéances de remboursement n’a rien d’une bonne affaire ! Du moins sur le long terme. Car vous allez continuer à payer l’assurance de prêt pendant les mois de suspension, et éventuellement les intérêts d’emprunt. Bref : un surcoût non prévu dans votre montage initial.

Avec un prêt de 200 000 euros à 1,50% sur 20 ans souscrit en avril 2018, reporter la mensualité - 965 euros (hors assurance) - de 3 mois allonge in fine le remboursement total du prêt de 4 mois, et crée un surcoût de 900 euros. Un montant auquel il faut ajouter les cotisations supplémentaires d’assurance emprunteur, ce qui peut porter le surcoût global à plus de 1 000 euros.

Plus de détails sur le surcoût d’un report de mensualités de crédit immo

Exemple fourni par VousFinancer

La modularité des remboursements, une option plus simple

A choisir entre la suspension ou la modulation des échéances, les courtiers en crédit immobilier conseillent en chœur de privilégier la modulation. « Cette option est présente dans un bien plus grand nombre de contrats », souligne Maël Bernier, de Meilleurtaux. Alors que, « pour le report, il faut souvent négocier, et payer des frais d’avenant », confirme Sandrine Allonier, de VousFinancier.

Mais attention : la baisse des mensualités engendre, elle aussi, un surcoût. Plus la baisse de mensualités sera limitée dans le temps, plus le surcoût sera limité. « Les contrats prévoient généralement une modulation sur 12 mois minimum », explique Sandrine Allonier. « Négociez éventuellement une modulation sur 6 mois seulement. »

Avec le même prêt de 200 000 euros (1,50% sur 20 ans, signé en 2018), si vous abaissez la mensualité de 965 euros à 700 euros pendant 12 mois, jusqu’en avril 2021, le surcoût est de 965 euros (hors assurance), pour un rallongement de 5 mois de la durée de prêt. Bref, en ajoutant les cotations d’assurance, le surcoût est similaire au report d’échéance. Mais cette option sera moins pénalisante financièrement si la modulation peut être limitée à quelques mois.

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