Souvent annoncée - mais encore loin d’être une réalité - la disparition du cash nécessite de trouver des alternatives, aussi pratiques et accessibles, que les pièces et les billets au quotidien. Voici quelques pistes pour un monde sans cash.

Pas assez sûr, difficile à tracer, trop cher à gérer : l’argent liquide a de moins en moins la cote. Notamment auprès des pouvoirs publics. Depuis le 1er septembre 2015, les paiements par cash sont interdits au-delà de 1 000 euros. La même année, le ministère de l’Economie a déployé une stratégie nationale sur les moyens de paiement dont l’un des objectifs est clair : promouvoir l’usage de la carte bancaire aux dépens des espèces et du chèque.

Il n’en fallait pas plus pour que certains l’annoncent : la fin des pièces et des billets est pour demain. « Je pense et espère qu’il sera possible d’ici 10 ans de se passer complètement de cash en France », écrivait par exemple en avril 2018 Vlad Yatsenko, co-fondateur de la néobanque Revolut. Comme souvent, il convoquait l’exemple de la Suède, considérée comme une des nations les plus avancées sur le sujet : « (…) 36% de sa population déclarant ne jamais utiliser d’argent liquide (…). L’argent liquide n’y est utilisé que dans 20% des transactions en magasins, et le total d’argent en circulation est à son plus bas niveau depuis 1990. » Mais il aurait aussi pu évoquer les cas du Canada ou de la Corée du Sud…

Imaginons que la France prenne la même voie… A quoi ressemblerait un quotidien sans cash ? Quelles sont les alternatives qui existent déjà ? Et celles qui pourraient arriver bientôt ?

Cash : un déclin à relativiser

La Banque de France le confirme, dans son dernier bulletin (1) : « L’usage transactionnel de la monnaie fiduciaire est en recul (…) ». En clair, vous utilisez de moins en moins le liquide pour régler vos achats du quotidien. L’institution en veut pour preuve la baisse de la valeur des billets retirés aux distributeurs automatiques : -2,2% en 2018 par rapport à 2017. Il faut toutefois relativiser le déclin du cash : la Banque centrale européenne estime entre 19 et 24 milliards la valeur des euros actuellement en circulation et utilisés pour payer au quotidien. Il y a donc encore de la marge...

Dans les commerces : sans contact à tous les étages

Comment acheter une baguette, un café, un journal ou un ticket de bus sans utiliser des billets et de pièces ? La réponse tient en 2 mots : sans contact. Débuté il y a une dizaine d’années, le déploiement, parfois à marche forcée, des cartes bancaires sans contact a d’abord suscité la méfiance des consommateurs, craignant la fraude, avant de remporter l’adhésion : 80% des Français l’utilisent désormais. Depuis 2014, le paiement sans contact se fait aussi grâce au mobile, avec Orange Cash (aujourd’hui disparu) puis Apple Pay, Google Pay ou Samsung Pay. Le paiement sans contact, dont la limite d'usage a déjà été repoussée de 20 à 30 euros, semble donc tout désigné pour prendre la place du cash.

C’est ce qui se passe dans les pays les plus avancés sur cette voie, comme au Canada. Exemple récent : l’enseigne française Décathlon, qui s’installe cet automne dans l'une des principales galeries marchandes de Montréal, a annoncé que son nouveau point de vente n’accepterait pas les espèces, imposant de fait le recours au paiement sans contact par carte ou mobile. Justification : éliminer les files d’attente. La grande surface sportive ne pourrait pas faire la même chose en France : il est en effet interdit de refuser un règlement en espèces. Ce qui ne l’empêche pas de multiplier les caisses en libre-service, où l’on scanne soi-même ses achats et où l’on paie exclusivement… par carte bancaire.

L’étape suivante est déjà en préparation : le « paiement sans coutures ». En janvier 2018, Amazon, le géant du e-commerce, a ainsi lancé à Seattle (Etats-Unis) une supérette baptisée « Amazon Go ». Sa particularité : l’absence de caisses. En entrant, le consommateur signale sa présence en scannant une application mobile. Pendant ses courses, des caméras le suivent et observent les articles qu’ils placent dans son panier. A la sortie, pas de paiement : la facture est directement débitée sur sa carte bancaire. Le principe a été repris en France à la Fnac, qui teste actuellement dans une dizaine de magasins « Pay & go », un service qui permet de scanner et payer ses achats dans une application mobile, sans passer par la caisse.

Carte bancaire : ceux qui freinent

Rendre la monnaie, faire sa caisse, préparer les rouleaux de pièces et les liasses de billets : accepter les espèces représente du temps (et donc de l'argent) pour les commerçants de détail. Paradoxalement, ils sont aussi un des freins à l’hégémonie de la carte bancaire sans contact. Dans certains points de vente (surtout des bureaux de tabac), il reste en effet compliqué d’utiliser sa CB pour régler des sommes inférieures à 10, 15 voire 20 euros, malgré les recommandations des pouvoirs publics qui encouragent l’acceptation dès le premier euro. Pourquoi ? Parce qu’accepter la carte bancaire représente également un coût pour le commerçant, sous la forme de commissions payées à sa banque. Mais aussi pour des raisons plus discutables : encourager, notamment, les porteurs de carte à alourdir la facture pour atteindre le seuil, en achetant par exemple deux paquets de cigarettes plutôt qu’un.

Lire sur le sujet : Pourquoi certains buralistes refusent-ils encore la carte bancaires sous 10 euros ?

Les réfractaires se comptent aussi parmi les consommateurs. A la différence d'un retrait de cash, un paiement par carte fournit à votre banque quantité d'informations sur vos habitudes de consommation. Même si l'usage qu'elle peut en faire est encadré, cette intrusion potentielle dans la vie privée n'est pas du goût de tous.

En famille, entre amis : des micro-paiements instantanés sur mobile

Il est un autre domaine où le cash reste très présent : celui des paiements entre proches. Sans pièces et billets, comment donner de l’argent de poche à ses enfants ou rembourser le collègue qui a avancé l’argent du déjeuner ? Certes, on peut utiliser le virement. Mais cela signifie récupérer un RIB, le fournir à sa banque et attendre de 24 à 72 heures pour que le paiement soit effectif. Pas très pratique…

La véritable alternative au cash dans ce cas de figure commence toutefois à pointer le bout de son nez : il s’agit des paiements instantanés initiés par mobile. Le principe est simple. Depuis votre mobile, vous renseignez le numéro de mobile du destinataire et le montant de la somme à rembourser. Dans la seconde ou presque, l’argent change de compte.

Là aussi, la Suède a été en pointe : dès 2012, les six principales banques du pays ont lancé Swish, à destination des particuliers. Depuis 2014, Swish permet également de payer une entreprise (un artisan par exemple) ou une association. Et depuis 2016, de régler des achats en ligne. Le succès a été tel que son nom est devenu un verbe : swisha. Et les usages vont loin : à Stockholm, des chanteurs de rue, par exemple, affichent leur numéro de mobile pour permettre au passants de leur faire un swish.

Un Swish français ?

Qu’en est-il en France ? Les applications de paiements instantanés entre particuliers sont légion : PayPal, Lydia, Pumpkin, etc. C’est d’ailleurs le problème : l’éparpillement des services et l’absence d’interopérabilité entre eux compliquent leur usage

Le Swish français existe pourtant. Son nom : Paylib entre amis. Problème : il est très en retard sur son cousin suédois. La première banque française à se lancer a été BNP Paribas… en mai 2018. L’application commence toutefois à faire sa place. Déjà disponible au Crédit Mutuel de Bretagne, au Crédit Agricole, à la Caisse d’Epargne, à la Banque Populaire ou chez BNP Paribas, le paiement instantané via Paylib le sera prochainement au CIC, au Crédit Mutuel Alliance Fédérale, à la Banque Postale et à la Société Générale. De quoi couvrir l’immense majorité des usagers.

(1) « La circulation de la monnaie fiduciaire en euros en 2018 : une dynamique portée par l’international et la thésaurisation », Bulletin de la Banque de France 225-2, septembre-octobre 2019.