Le ministre des Finances Michel Sapin a dévoilé jeudi dernier sa stratégie nationale sur les moyens de paiement, une feuille de route destinée à moderniser, sécuriser et développer l’écosystème français des paiements. Côté consommateurs, elle fait la part belle à la carte bancaire, appelée à se substituer aux espèces pour les petits montants. Côté entreprises, le gouvernement veut réduire l’usage du chèque, au profit du virement.

Une « révolution ». C’est le mot lâché par Michel Sapin jeudi dernier à propos des bouleversements à l’œuvre actuellement dans le secteur des moyens de paiement. Face à un parterre de représentants de la grande distribution, le ministre des Finances était venu faire la promotion de sa « stratégie nationale pour les moyens de paiement », feuille de route de la modernisation du secteur en France pour les 5 années à venir. Fruit d’une concertation entre les pouvoirs publics, les banques, les commerçants et les consommateurs, elle doit atteindre un triple objectif : accompagner les nouvelles attentes des usagers, renforcer la sécurité des moyens de paiements électroniques (en ligne notamment) et développer la compétitivité et l’innovation de la filière française.

L’essentiel des mesures envisagées pour y parvenir étaient déjà connues depuis la tenue, en juin dernier à Bercy, d’assises du paiement. Côté consommateurs, le gouvernement a fait le choix de s’appuyer sur le moyen de paiement le plus populaire, qui représente un paiement sur deux en France : la carte bancaire. Afin d’encourager les points de vente à l’accepter pour les achats de petit montant, les banques françaises se sont déjà engagées à abaisser les commissions payées par les commerçants, à être plus transparentes dans la facturation de ces frais et à moderniser le parc de terminaux de paiement. Des engagements qui doivent se concrétiser, pour la plupart, d’ici 2016.

Lire aussi : Comment Bercy compte imposer la carte pour les petits paiements

Ce choix de placer la carte bancaire au cœur de l’écosystème français des paiements soulève quelques critiques. Dans une tribune, Jérôme Traisnel, patron de Slimpay et promoteur du paiement direct sur compte bancaire, a regretté que « les moyens de paiements alternatifs ne soient pas plus présents au cœur de cette stratégie nationale », estimant que « l’écosystème européen des moyens de paiement alternatifs avance à vitesse grand V (…), bien plus vite que les innovations en matière de paiement par carte, qui est un moyen de paiement mature et bientôt dépassé. (…) Les paiements alternatifs ont besoin de construire un écosystème de confiance, qui ne se résume pas uniquement à la carte bancaire. »

Un « Comité national des paiements » d’ici la fin de l’année

C’est en effet un autre axe majeur du projet gouvernemental : la sécurité. Les nouveaux modes de paiements (notamment en ligne) souffrent d’un lourd déficit de confiance auprès des usagers, qui l’associent souvent à un risque (réel) de fraude. La stratégie gouvernementale veut y remédier en appuyant notamment la généralisation de dispositifs d’authentification renforcée, du type 3D Secure, à l’ensemble des moyens de paiement. Pour accompagner cette évolution, le champ de compétence de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement - qui réunit sous l'égide de la Banque de France, des représentants des pouvoirs publics, des émetteurs de carte et des utilisateurs (commerçants et consommateurs) - va être élargi à l’ensemble des moyens de paiements. Le gouvernement prévoit enfin, d’ici la fin de l’année, de créer un Comité national des paiements, chargé de réguler l’évolution du secteur.

Enfin, les pouvoirs publics vont une fois encore tenter de limiter le recours au chèque, dont l’usage, à rebours des autres pays de l’Union européenne, reste massif en France (13% des paiements en 2014). Pour y parvenir, Bercy compte légiférer courant 2016, afin de réduire à six mois (contre douze aujourd’hui) sa durée de validité, et contraindre les professionnels et entreprises adhérant à un organisme de gestion agréé à accepter, en complément, la carte bancaire. Dans le même temps, le gouvernement va chercher à faciliter l’usage du virement par les entreprises, en soutenant le développement d’offres de virement référencé et en temps réel.