Aller dans sa banque pour faire un crédit ou ouvrir un compte, quoi de plus normal ! En revanche, se rendre en agence bancaire pour commander sa prochaine voiture, souscrire un forfait mobile ou parler télésurveillance paraît plus surprenant. Et pourtant, c’est possible ! Mais est-ce une bonne idée ?

Quel est le point commun entre une carte bancaire, un forfait mobile et une alarme ? Réponse : vous pouvez souscrire ces trois produits au même endroit, dans le bureau de votre conseiller bancaire ! La panoplie des produits et services vendus par les banques s’est en effet largement étoffée. Mais cette évolution ne date pas d’hier. Elle a commencé dans les années 80 avec l’émergence du modèle dit de « bancassurance ». Les groupes bancaires se sont mis à commercialiser dans leur réseau l'assurance auto, habitation ou encore les contrats de prévoyance de leur filiale spécialisée. Un pari réussi pour les banques. A fin 2018, plus d’un quart des assurances multirisques habitation sont détenus par les banques, d’après le cabinet d’études Facts & Figures.

Télésurveillance : les banques mettent en avant leur expertise

Cette formule gagnante, les banques tentent de la reproduire sur de nouveaux services qui, cette fois-ci, apparaissent beaucoup plus éloignés de l’univers bancaire : la télésurveillance, la téléphonie mobile et internet ou encore la vente de voitures. « Après la bancassurance, les banques cherchent depuis une dizaine d’années à diversifier leurs revenus, récupérer des commissions par le développement d’activités qui ne sont pas bancaires par nature », remarque aussi, en ce sens, Aurélien Soustre, membre CGT au Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Une stratégie simplifée par la position centrale du conseiller bancaire dans de nombreux moments de vie. « Au moment d’accorder un prêt immobilier, il est facile pour un conseiller bancaire de mettre sur la table l’assurance habitation de la banque mais aussi son éventuelle offre de télésurveillance », souligne ainsi Aurélien Soustre.

L'assurance habitation ou la télésurveillance mises « sur la table » avant « d’accorder un prêt immobilier »

A ce jeu des vases communicants, le Crédit Mutuel Alliance Fédérale, qui comprend le CIC, paraît maître en la matière. A la fin 2019, il se revendique leader de la télésurveillance du domicile. Via sa filiale EPS qui exploite la marque Homiris, le groupe bancaire affirme gérer un stock de 500 000 contrats, dont 31 000 nouvelles souscriptions l’an passé. Premier argument : le prix. Ses deux formules sont proposées à moins de 30 euros par mois (hors option), quand le coût moyen d’un abonnement de télésurveillance est estimé à 41 euros par mois d’après l’UFC-Que Choisir (1). D’autres banques proposent aussi des formules tout compris (alarmes, caméra, appel des forces de l’ordre), à l’image du Crédit Agricole qui commercialise l’offre de sa filiale de télésurveillance Nexecur, accessible dès 30 euros mensuels.

Que les banques proposent de la télésurveillance n’étonne en rien le responsable syndical : « Les établissements bancaires se doivent d’être à la pointe concernant la sécurité des locaux, des espèces et du personnel. Il était donc aisé pour eux d’adapter la technologie, développée au départ pour l’interne, aux habitations et aux locaux professionnels de leurs clients », explique Aurélien Soustre.

Forfaits mobiles : des offres couplées avec le compte bancaire

Avec la télésurveillance, la téléphonie mobile fait également une percée grandissante dans les catalogues des banques, avec toutefois quelques loupées, comme celui de BNP Paribas Mobile. Faute de clients suffisants, cette offre lancée en 2011 par la banque éponyme a été retirée de la commercialisation en 2015. En revanche, pour La Banque Postale, qui propose le catalogue de La Poste Mobile, ainsi que pour le Crédit Mutuel et le CIC, via Euro-Information Télécom (EI Télécom), les forfaits de téléphone ont atteint leur cible.

Créé en 2005 sous la marque NRJ Mobile, la filiale de téléphonie du Crédit Mutuel commercialise désormais une large gamme d’abonnements mobiles, avec ou sans engagement, qui peuvent être couplés avec des services bancaires. Ainsi, pour 17 euros par mois, les 15-24 ans peuvent souscrire à la formule Avantoo, composée du package Eurocompte de la banque et d’un forfait appels et SMS illimités de son opérateur maison. Invité à commenter cette stratégie de diversification, le Crédit Mutuel n’a pas donné suite à nos sollicitations. Néanmoins, son dernier rapport financier laisse transparaître une certaine satisfaction. A la fin 2019, le groupe mutualiste revendique 2,1 millions de clients en téléphonie, en hausse de 200 000 sur un an. Bien loin toutefois des 13 millions d’abonnés Free ou des 12 millions de clients mobile de Bouygues Telecom.

Secteur très concurrentiel oblige, les forfaits du Crédit Mutuel se rapprochent, côté prix et services, de ceux des opérateurs historiques. Illustration avec la gamme 4G Efficio, avec mobile et engagement sur 1 ou 2 ans. En 50 Go, avec appels illimités en France métropolitaine, la formule est facturée 35 euros par mois avec un engagement sur 24 mois. Chez Bouygues, le forfait équivalent est au prix de 40 euros. Il grimpe à 45 euros mensuels chez SFR mais avec 60 Go d’internet. Côté qualité du réseau, le Crédit Mutuel a parfois été critiqué par ses abonnés, comme en octobre dernier. La banque avait alors reconnu des « anomalies » résolues « dans les plus brefs délais ».

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La Poste Mobile : un positionnement plus low cost que le Crédit Mutuel

La Poste Mobile - dont l’offre est commercialisée aux guichets postaux, en ligne mais aussi via les conseillers bancaires de La Banque Postale - semble tout autant satisfaite de son succès commercial. « Près de dix ans après sa création, La Poste Mobile compte près de 2 millions de clients dont 80% ayant un abonnement de téléphonie mobile », souligne ainsi son président Julien Tétu. D’après ce dernier, ce résultat s’explique par la combinaison de deux facteurs : la « présence universelle » de l’opérateur sur le territoire et l’« accessibilité tarifaire » de son offre. Ainsi, « au lancement de La Poste Mobile en 2011, nous étions les premiers à proposer des forfaits sans engagement à des tarifs égaux ou inférieurs aux offres avec engagement sur 12 à 24 mois », se souvient Julien Tétu. « La Poste Mobile est une marque populaire, et notre positionnement tarifaire le reflète », poursuit-il.

« La Poste Mobile compte près de 2 millions de clients »

En effet, si par son positionnement tarifaire, le Crédit Mutuel semble cibler la clientèle des opérateurs classiques (Orange, Bouygues…), la filiale de La Poste concurrence davantage les offres low-cost (Sosh, Free…). Ainsi, à La Poste Mobile, la formule illimitée, sans abonnement, avec 30 Go d’internet en 4G revient à moins de 15 euros par mois et à 19 euros pour 60 Go. A titre de comparaison, l’abonnement appels et SMS illimités avec seulement 20 Go d’internet est déjà facturé 20 euros par mois chez Sosh. 20 euros, c’est aussi le prix de l’abonnement mobile de Free, mais il comprend 100 Go !

Comme le Crédit Mutuel, La Poste Mobile compte aussi sur les synergies pour accroître les souscriptions et les revenus du groupe. « Nous proposons déjà des offres couplées avec La Banque Postale. Notamment, les clients souscrivant simultanément un compte et une offre de téléphonie reçoivent une prime de 50 euros. Je pense également aux assurances des mobiles que nous vendons, qui sont opérées par La Banque Postale », explique le président de La Poste Mobile, tout en poursuivant : « Les synergies sont tout autant pertinentes pour La Banque Postale pour qui, dans un contexte de taux bas, toutes sources de revenus nouvelles peuvent être intéressantes ».

Voiture neuve : des remises à prendre avec des pincettes !

Autre service surprenant proposé notamment par le Crédit Mutuel : la commande et l'achat de votre prochaine voiture, avec un argument commercial indéniable : des « tarifs négociés auprès d’un réseau de concessionnaires ». Les ristournes mises en avant ce 26 février sur le site internet de l’enseigne varient, en fonction des modèles, de 1 000 à 3 000 euros par rapport au prix catalogue. Mais ne vous arrêtez pas à cette information. Cet achat allant de pair avec la souscription d’une offre de financement, l’appréciation du prix total de l’opération nécessite que vous preniez en compte le coût du crédit ou de la location avec ou sans option d’achat. Or, il se peut que le taux d’intérêt, l’assurance emprunteur ou - dans le cas d’une LOA ou d’une LLD - les loyers et les frais d’entretien appliqués par la banque rendent l’opération plus onéreuse qu’en passant par un autre établissement de crédit ou par le constructeur et sa filiale bancaire.

Achat d’une voiture, abonnement télécom ou offre de télésurveillance, même combat ! Les comparer avec la concurrence reste le meilleur moyen de sélectionner la formule au rapport qualité-prix le plus convenable.

(1) Enquête sur la télésurveillance de l’UFC-Que Choisir sortie en avril 2019.