Impliquée dans l'affaire Swoon comme fournisseur de services, la SFPMEI, ancien acteur de premier plan du secteur des paiements électroniques, a reçu un blâme et une amende de 100 000 euros de la part de l'ACPR. L'enquête du « gendarme » du secteur financier a mis en évidence des « manquements très sérieux » et potentiellement très préjudiciables pour les victimes de Swoon.

Retour à la fin des années 1990. Les principales banques de détail françaises forment une alliance pour créer un porte-monnaie électronique. Objectif : proposer une alternative aux espèces pour les petits paiements du quotidien. Un geste relativement précurseur qui, pourtant, échoue : Moneo (c'est le nom du service) ne trouve pas son public et disparaît définitivement en 2015, ringardisé par l'émergence du paiement sans contact par carte bancaire.

L'entreprise créée pour gérer Moneo, elle, survit. La SFPMEI (Société financière du porte-monnaie électronique interbancaire) a été vendue à un fonds d'investissement, Blackfin. Elle s'est aussi reconvertie dans une nouvelle activité, la fourniture de services de paiement en marque blanche. S'appuyant sur son agrément d'établissement de monnaie électronique, elle permet à des tiers, des jeunes pousses notamment, de distribuer des comptes et moyen de paiement. Parmi ses clients figure notamment, à l'époque (1), l'application de paiement Lydia. Et, à partir de janvier 2020, une jeune pousse lilloise se présentant comme une « néobanque », Swoon.

Lancée en 2018, Swoon s'est d'abord positionnée sur le marché de l'épargne en ligne, avec un placement présenté, de manière très ambigüe, comme un livret, mais qui est en fait un produit de crowdfunding, destiné à recueillir l'argent auprès de particuliers pour financer des PME. En 2020, elle a choisi d'élargir son activité en proposant des comptes de paiement équipés d'une carte. Des comptes détenus et gérés par la SFPMEI. Avant de mettre brutalement la clé sous la porte, privant des dizaines de clients de la possibilité d'accéder à leur argent.

Swoon : le combat des clients pour récupérer leur argent

Une longue liste de manquements

L'affaire Swoon a eu un mérite : celui de mettre en évidence les failles de la régulation des jeunes pousses du secteur financier - les fameuses fintechs - et, donc, les risques qu'il y a à leur confier de l'argent. Elle devrait aboutir, dans les mois et années à venir, à une série de sanctions.

La première est tombée. La SFPMEI vient de recevoir un blâme de la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), ainsi qu'une sanction pécuniaire de 100 000 euros, pour des manquements constatés dans le cadre de son partenariat commercial avec Swoon. Le « gendarme » du secteur financier a retenu une série de griefs particulièrement sérieux contre la société, ce qui justifie également que sa décision soit rendue public.

Voici un aperçu des manquements sanctionnés. La SFPMEI a commencé à fournir ces services à Swoon alors même que la société n'avait pas encore été enregistrée en tant qu'agent par l'ACPR, comme l'impose le code monétaire et financier. Elle a aussi manqué à son obligation de contrôle des activités de son client. Elle a, en particulier, échoué à bloquer plusieurs centaines de comptes, ouverts de l'étranger et utilisés par des cybermalfaiteurs pour faire transiter de l'argent issu de fraudes.

Mais il y a plus grave. Au moment où les manquements de Swoon ont été rendus public, la SFPMEI a procédé à la fermeture de comptes sans prévenir leurs titulaires et a transféré les fonds vers des comptes dont elle n'a pas vérifié qu'ils leur appartenaient bien. Ce faisant, elle les a privés de « deux garanties essentielles », comment l'ACPR : « que tous les mouvements sur leurs comptes soient conformes à leurs ordres et que tous leurs fonds leur soient, en fin de contrat, restitués dans des conditions auxquelles ils auraient consenti. »

L'activité vendue au Crédit Agricole

L'amende de 100 000 euros va venir dégrader encore la situation d'une société déjà en grandes difficultés. Qui, aujourd'hui, n'exerce plus d'activités dans le domaine. La SFPMEI n'a, en effet, « conservé, depuis le début de l'année 2022, que la gestion extinctive de l'activité liée à un porte-monnaie électronique », explique l'ACPR dans un communiqué.

Qu'est devenue l'activité de fournitures de service de paiement en marque blanche, dont les manquements viennent d'être sanctionnés ? Début 2022, elle a été logée dans une filiale vendue au Crédit Agricole, qui en a changé le nom : elle se nomme désormais Okali.

(1) Lydia a depuis pris son autonomie, grâce à l'obtention d'un agrément d'établissement de monnaie électronique. Lire sur le sujet : Lydia prend son indépendance et change son offre