Près de 70 clients de Swoon viennent de se constituer en collectif, sous l'égide de l'association France Conso Banque. Objectif : engager des poursuites contre la fintech lilloise, qui a mis la clé sous la porte cet été sans restituer l'intégralité de l'argent qui lui a été confié par ces épargnants. L'éclairage de Michel Guillaud, ancien directeur financier bancaire et président de France Conso Banque.

Swoon met la clé sous la porte, des clients inquiets

Michel Guillaud, pourquoi avoir impulsé la création d'un collectif rassemblant des clients de Swoon lésés ?

Michel Guillaud : « Cela fait plusieurs années que nous suivons de près le secteur des néobanques, avec la crainte qu'il y ait un jour ou l'autre une catastrophe. Le cas de Swoon a confirmé cette crainte. Nous nous sommes emparés du dossier dès le mois de juillet, puis nous avons décidé de créer un collectif de défense des déposants de Swoon ne parvenant pas à récupérer leurs fonds. »

Combien de clients ont aujourd'hui rejoint ce collectif ?

Michel Guillaud : « Nous en avons aujourd'hui fédéré près de 70. Mais nous n'avons pas la prétention d'avoir touché tout le monde : nous estimons qu'il y en a entre 150 et 200 au total [Quentin Haddouche, président de Swoon, avance dans Le Parisien le chiffre de 140, NDLR]. Concernant le montant total du préjudice, celui subi par les clients que nous avons fédérés atteint déjà le million d'euros. »

Pensez-vous que Swoon était conçu dès le départ comme une escroquerie ?

Michel Guillaud : « Non, j'aurais tendance à lui accorder le bénéfice du doute. En revanche, l'entreprise était d'emblée vouée à l'échec. Pour rentabiliser les fonds qui lui étaient confiés, et qu'elle rémunérait à 3%, elle a fait le pari d'en prêter la majeure partie, 85% d'après ce que l'on sait. Or on ne peut pas prêter autant et assurer la liquidité de l'investissement promise aux clients. M. Haddouche, le président de Swoon, a sans doute espéré que l'argent apporté par les nouveaux entrants lui permettrait d'abonder le système, mais c'était perdu d'avance. »

Pensez-vous qu'une partie de l'argent non remboursé est d'ores et déjà perdue ?

Michel Guillaud : « Oui, c'est notre sentiment. M. Haddouche se veut optimiste et demande du temps. Mais Swoon a tout simplement pris trop de risques, des risques que même un établissement de crédit solide n'aurait pas pris. Il essaie maintenant de minimiser sa responsabilité. Il appartiendra aux tribunaux de trancher. »

Face au vent de panique, le patron de Swoon s'explique

L'ACPR (1), le régulateur du secteur, a confirmé récemment que Swoon avait « exercé de façon illégale ». Aurait-elle dû, selon vous, s'intéresser plus tôt aux activités de Swoon ?

Michel Guillaud : « Oui, je le pense. Ce n'est pas le rôle du consommateur final de faire le tri entre les acteurs, c'est un travail collectif qui doit être pris en charge par les organes de contrôle. »

Swoon, pas une néobanque

Même si elle se présentait comme telle, Swoon n'a jamais été une néobanque au sens strict du terme. Elle n'a en effet jamais obtenu - ni sollicité à notre connaissance - d'agrément bancaire d'établissement de crédit, à la différence d'acteurs comme N26 ou Orange Bank, ni même d'établissement de paiement ou de monnaie électronique. Son activité se situait donc hors du champ de contrôle de l'ACPR. En avril 2021, le gendarme du secteur financier a tapé du poing sur la table, rappelant que « le terme néobanque doit nécessairement qualifier un établissement de crédit », sous peine de poursuites.

Néobanque : le régulateur siffle la fin de la récré

Quelles sont les prochaines échéances pour le collectif de clients ?

Michel Guillaud : « Nous sommes en train d'achever la constitution du dossier, sur la base des informations fournies par l'ACPR et par nos adhérents. Les premières actions judiciaires devraient intervenir dans le courant du mois de novembre. »

Vous annoncez une procédure très longue...

Michel Guillaud : « Oui. Il y aura certainement une procédure pénale et cela prend du temps. D'autant plus que l'affaire est complexe et met potentiellement en cause de multiples intervenants : les dirigeants de Swoon bien sûr, mais aussi les partenaires bancaires, le mandataire judiciaire chargé de la liquidation de la société Swoon SAS, voire l'ACPR à qui l'on peut reprocher des manquements de contrôle. »

(1) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution