Une carte, une appli, un conseiller en ligne et le paiement mobile pour 2 euros par mois. C’est en ces termes que la Caisse d’Epargne résume sa nouvelle offre de compte courant. Et à l’usage, qu’est-ce que cela donne ? Pour répondre à cette question, nous avons ouvert et testé pendant presque 2 mois le compte Enjoy. Retours d’expérience.

Lancée mi-septembre par la Caisse d’Epargne, l’offre Enjoy se destine aux clients qui ont des besoins simples : une carte bancaire reliée à un compte qu’ils gèrent seuls et à distance, sans conseiller personnel et sans découvert autorisé. Ce compte bancaire, qui se rapproche sur le papier des offres entrée de gamme des banques en ligne et des néobanques, la rédaction de cBanque a entrepris de le tester. Pour ce faire, nous avons cet automne, et non sans encombre, ouvert un compte Enjoy. Depuis début décembre, nous l’expérimentons, avec quelques points positifs, mais aussi des insatisfactions provenant notamment des outils de banque à distance de la Caisse d’Epargne.

Ce qu'il faut retenir du compte Enjoy

Ses points forts :

  • Facturé 2 euros par mois, Enjoy est peu onéreux pour un compte bancaire d’un établissement traditionnel.
  • Il répond aux besoins essentiels d’une clientèle souhaitant un compte, une carte, un chéquier et une agence pour encaisser chèques et espèces.
  • L'accès au paiement mobile retiendra probablement l’attention des clients un peu geeks.
  • Les clients Enjoy peuvent utiliser le virement instantané, à condition de payer 1 euro par opération.

Ses points faibles :

  • L'application n'offre pas toutes les fonctionnalités que l'on peut attendre d'une banque mobile, tel le pilotage de la carte bancaire ou le solde réel.
  • De quoi potentiellement décevoir certains clients qui s’attendent à bénéficier d’une expérience utilisateur se rapprochant de celle offerte par les néobanques.
  • L'application ne tient pas compte des spécificités de l'offre Enjoy. Certaines fonctionnalités peuvent sembler accessibles aux clients, alors qu'elles ne le sont pas.

Retrouvez le premier volet de ce test sur l'ouverture du compte Enjoy

Une carte de paiement utilisable en sans contact

Du côté des bonnes surprises, la carte bancaire en est une ! Son design diffère des cartes classiques bleues distribuées par la Caisse d’Epargne. La carte Enjoy est striée sous fond violet foncé. Les randonneurs habitués des chemins de Saint-Jacques y reconnaîtront peut-être le fameux symbole en forme de coquille. Quant à ses caractéristiques – ce qui nous intéresse ici – la carte Enjoy est une Visa Classic à contrôle de solde et non une Visa Electron, la carte à autorisation systématique habituelle du réseau bancaire. Ce qui est a priori une bonne nouvelle, les détenteurs d’une Visa Electron pouvant parfois se plaindre que leur carte n’est pas acceptée sur certains sites d’e-commerce. A l’inverse, notre carte Enjoy nous a permis de commander en ligne sans problème.

Par contre, carte à contrôle de solde oblige, elle ne peut pas être utilisée aux péages autoroutiers ou dans certains parkings, selon les confidences d'un conseiller. En cause des terminaux de paiement offline qui ne permettent pas à la banque d’interroger l’état du compte. Hormis cela, la carte Enjoy fonctionne comme n’importe quelle carte bancaire. Elle est équipée du paiement sans contact. Elle est aussi compatible avec les solutions de paiement mobile supportées par la Caisse d’Epargne, à savoir Apple Pay, Paylib et Samsung Pay. Nous avons testé cette dernière.

Pour activer Samsung Pay, c’est simple et rapide… L’application étant déjà installée sur notre smartphone. Après avoir accepté les conditions générales du service, apposé notre empreinte sur le lecteur afin d’utiliser ce mode d’authentification lors des paiements, ajouté notre carte Enjoy et entré un code de vérification, nous voilà prêt à dégainer notre smartphone à la caisse. Et le paiement s’avère aussi rapide qu’avec le sans contact de la carte bancaire !

Un espace client commun avec l’ensemble de la clientèle Caisse d’Epargne

La carte bancaire n'est pas paramétrable.

Bémol en revanche concernant les paiements, les transactions ne sont pas déduites immédiatement du solde disponible. En moyenne, les opérations apparaissent deux jours après les avoir réalisées sur le compte. Dommage pour une offre conçue notamment comme une réponse aux nouveaux entrants. Chez les néobanques, comme N26 et Revolut, le solde en temps réel est un standard. Cette fonctionnalité est aussi disponible dans quelques banques en ligne comme Orange Bank et ING Direct.

Plus généralement, les outils pour gérer en mobilité son compte sont le principal point faible de la Caisse d’Epargne. Que le client choisisse la formule Enjoy, un compte à la carte ou un Bouquet Liberté, il dispose de la même application et du même espace client. Aucun traitement de faveur donc pour les clients Enjoy, comme l’ensemble de la clientèle de l’enseigne, ils ne peuvent pour l’heure ni bloquer temporairement leur carte bancaire, ni gérer leurs plafonds de paiements et retraits, et encore moins changer le code de leur carte. Des fonctionnalités qui sont fréquentes chez les néobanques et se diffusent dans les banques en ligne.

Des fonctionnalités présentées dans l’appli...mais inaccessibles

De plus, en n’ayant pas adapté ses espaces utilisateurs au compte Enjoy, la Caisse d’Epargne tient difficilement compte des spécificités de cette offre, ce qui donne lieu à quelques incohérences.

« Votre conseiller n’a pas de disponibilités » !

Exemple avec le menu « contact » de l’application. En sélectionnant « Mon conseiller », les clients « classiques » peuvent ainsi visualiser les coordonnées de leur chargé de clientèle et de leur agence. Or en tant que client Enjoy, nous ne disposons pas d’un conseiller personnel, l’outil ne devrait donc pas être accessible ou, a minima, la Caisse d’Epargne devrait signaler son indisponibilité. Il n’en est rien. A la place, l’application génère un message d’erreur qui peut faire croire à un bug temporaire : « A la suite d’un incident technique, votre requête n’a pu aboutir. Veuillez renouveler l’opération ultérieurement ».

De même, un client Enjoy a, dans l’appli, accès à l’outil de prise de rendez-vous, alors qu’en pratique il ne peut s’adresser qu’à la plateforme téléphonique qui lui est dédiée. Mais ce n’est qu’après avoir rempli le formulaire pour expliquer les raisons de sa prise de contact que la Caisse d’Epargne signale qu’il faut contacter un conseiller Enjoy. Et, là encore, le message n’est pas adapté au client Enjoy puisque l’enseigne se contente d’un « Votre conseiller n’a pas de disponibilités durant les trois prochaines semaines ». Une incohérence est aussi à signaler concernant le virement instantané, aussi appelé paiement instantané.

Secur’Pass comme outil d’authentification forte

Depuis avril 2018, la Caisse d’Epargne déploie un outil qui permet de créer un code permanent afin de sécuriser des opérations sensibles. Secur’Pass – c’est son nom – s’active en quelques minutes dans la rubrique « paramètres » de l’application mobile. Une fois activé, il faut attendre 72 heures avant que Secur’Pass soit opérationnel. Cette fonctionnalité est très commode. Au quotidien, elle permet de se passer du code SMS pour payer en ligne ou initier un virement instantané. L’outil permet également de s’affranchir du délai d’attente de 72 heures avant de pouvoir faire un premier virement vers un nouveau compte.

Les clients Enjoy peuvent initier des virements instantanés

Le paiement instantané déjà opérationnel, quand on trouve le bon menu.

Pour rappel, alors qu’un virement SEPA nécessite plus de 24 heures avant d’apparaître sur le compte de son destinataire, un virement instantané est crédité en quelques secondes et fonctionne 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. La bonne nouvelle pour les détenteurs d’une formule Enjoy, c’est qu’ils peuvent émettre des paiements instantanés (uniquement via l’appli mobile). La Caisse d’Epargne a d’ailleurs été, avec la Banque Populaire, la première enseigne à lancer le virement en temps réel en France.

Curieusement, pour s’en servir, il ne faut pas cliquer sur l’onglet « virement instantané » dans les paramètres, mais aller directement dans l’espace dédié aux virements classiques. Car, en sélectionnant « virement instantané », le message d’erreur « Aucun compte éligible au virement instantané » apparaît, et ce, alors même que nous avions ajouté au préalable des comptes bancaires compatibles avec le virement en temps réel.

Concrètement, l’initiation d’un virement instantané démarre comme un virement SEPA, c’est-à-dire en entrant le montant et en sélectionnant les comptes à débiter et à créditer. Il faut ensuite choisir le mode de débit immédiat, pour ensuite se voir proposer à l’écran suivant le virement instantané (bouton « choisir la rapidité »). Celui-ci apparaît uniquement si la banque du destinataire a rejoint le système d’échange interbancaire dédié (STET). A deux reprises, nous avons envoyé un virement instantané vers deux comptes de banques différentes (Boursorama et Crédit Agricole). Les deux opérations ont fonctionné parfaitement.

Du côté de l’émetteur, la Caisse d’Epargne vérifie son identité en demandant de rentrer son code Secur’Pass (voir encadré plus haut) et quelques secondes après avoir validé l’opération, il reçoit un SMS indiquant le montant débité, ainsi que le nom et prénom du destinataire. Ce dernier reçoit lui aussi un texto le prévenant que son compte a été crédité. A noter toutefois : ce service coûte 1 euro par opération, alors qu’un virement SEPA réalisé en ligne est gratuit.

Les agences Caisse d’Epargne : un atout pour les chèques et les espèces

Si les clients Enjoy doivent gérer leur compte à distance, ils peuvent toutefois pousser la porte des agences Caisse d’Epargne pour réaliser certaines opérations du quotidien : faire des retraits gratuits mais aussi déposer des chèques et encaisser des espèces. Un vrai atout par rapport aux néobanques, mais aussi par rapport aux banques en ligne. Chez ces dernières, à l’exception de Monabanq et Hello Bank, les clients doivent envoyer par la Poste leur chèque, ce qui représente un coût, et peut être une source d’inquiétude… En tant que client d’Enjoy, nous avons déposé un chèque en agence. Le lendemain, notre compte était crédité.

Par contre, l’obtention d’un chéquier s’est révélée plus fastidieuse. Pour commander un carnet de chèques, nous n’avons eu d’autres choix que de contacter le service client. Celui-ci nous a confirmé qu’il était impossible de passer commande depuis l’espace client. Cette opération nécessite par ailleurs de réaliser un avenant à notre convention de compte qui doit être signé électroniquement. La procédure s’est avérée complexe. Tout d’abord, nous recevons un email contenant un lien. En cliquant dessus, cela permet, entre autres, de générer une notification sur notre smartphone, nous invitant à ouvrir l’application Caisse d’Epargne pour entrer notre code Secur’Pass. Problème, une fois dans l’application, nous n’avons pas pu avoir accès au contrat. Après deux tentatives, un nouveau coup de fil à la hotline qui nous a envoyé un second email, un nouvel essai infructueux, nous avons capitulé. A la place, le conseiller nous a envoyé par email l’avenant à la convention de compte afin de pouvoir le signer.

Un service client réactif

A chaque fois que nous avons contacté le service client, le temps d’attente était très acceptable, en général moins de 5 minutes. De plus, les conseillers se sont montrés réactifs. Par exemple, il n’y avait plus de bordereaux de remise de chèques dans l’agence à proximité de chez nous. Le téléconseiller nous a donc directement proposé de nous en envoyer quelques-uns. Bordereaux que nous avons reçus dès le lendemain dans notre boîte aux lettres. Efficace !

Pas d’autorisation de découvert, mais des rejets d’opérations facturés

Un client Enjoy aussi exposé aux commissions d'intervention.

Pour terminer ce test, nous avons cherché à comprendre comment la Caisse d’Epargne traitait les irrégularités de paiement avec Enjoy. En effet, bien que l’enseigne explique que le découvert n’est pas autorisé, en pratique, il est possible de réaliser des virements, d’émettre des prélèvements ou de signer des chèques qui mettent théoriquement le compte dans le rouge. Dans ces conditions comment l’enseigne réagit-elle ? Pour répondre à cette interrogation, nous avons volontairement initié un virement avec un compte insuffisamment provisionné.

Que s’est-il passé ? L’opération a été mise en attente durant une journée, puis un conseiller nous a contactés. Après nous avoir demandé de créditer notre compte rapidement, il nous a expliqué les conséquences de ce petit trou d’une trentaine d’euros. Si la Caisse d’Epargne rejette le virement, des frais d’un montant de 20 euros nous seront prélevés, ce qu’il ne s’est pas passé car nous avons approvisionné le compte. En revanche, « une commission d’intervention [de 8 euros, ndlr] est à prévoir, car il y a eu un forçage d’opération », prévient le conseiller, tout en ajoutant que « comme c’est la première fois, vous nous enverrez un email et on vous remboursera ».