Annoncée en grande pompe par l'exécutif comme marqueur de ses ambitions écologiques, l'ouverture de MaPrimRenov' à tous les ménages français s'annonçait comme une révolution. Mais, en y regardant de plus près, de sérieuses limites apparaissent.

MaPrimRenov’ pour tous : le message a été martelé par le gouvernement dans la foulée de la présentation du plan de relance de l’économie française post-confinement. Le dispositif venait d’être crédité de 2 milliards d’euros pour les années 2021 et 2022 et la révolution verte était en marche. Mais pour obtenir des aides censées couvrir 40 à 90% du coût total des travaux d'amélioration des performances énergétiques des particuliers, ce n’est pas si simple et l'ambition de valider 200 000 dossiers d'ici 2022 paraît incertaine.

MaPrimRenov’, C2E, bonus… un système à tiroir

Première limite, les aides au financement sont éparpillées. D'abord, le dispositif MaPrimRenov’ classe les demandeurs en quatre catégories en fonction de leurs revenus : bleu pour les ménages très précaires, jaune pour les ménages précaires, violet pour les ménages aux revenus intermédiaires et rose pour les ménages aisés avec des plafonds moins élevés en province (voir ci-dessous) qu’en Ile-de-France. Les deux premières catégories sont elles éligibles à ce dispositif depuis janvier 2020 et 25 000 dossiers avaient déjà été traités cet été.

En fonction de votre couleur (donc de vos revenus), vous bénéficiez à partir du 1er janvier 2021 d'une prime plus ou moins élevée et d’un champ de travaux pris en charge plus ou moins large, sur la base d’un devis daté au minimum du 1er octobre 2020 et réalisé par un artisan RGE (garant de l’environnement). Problème pour les propriétaires tentés d’engager des travaux de rénovation énergétique, pour atteindre les 20 000 euros annoncés dans certains cas (rénovation globale ou l'isolation des murs extérieurs), la prime versée par l’Anah, l'agence adminisrative qui gère le dispositif MaPrimRenov', ne suffit pas.

Pour y arriver, le montant de MaPrimRenov' doit alors est complétée sur présentation d’un C2E ou CEE, un certificat d’économie d’énergie qui atteste du gain lié aux travaux. Ce sont ces documents notamment qui apportent la majorité des aides aux ménages les plus aisés. Ils sont délivrés par l’Etat mais la prime est versée par les fournisseurs d’énergie (sous peine de pénalités) mais aussi des associations de consommateur comme la CLCV pour ses adhérents. L'Etat a aussi annoncé en renforcer le contrôle en raison de nombreuses fraudes.

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Et ce n'est pas tout : un système de bonus est aussi mis en place. En cas de gain énergétique de plus de 55% on peut profiter d'une prime exceptionnelle pouvant monter à 3 500 euros pour un ménage aisé et 7 000 euros pour un ménage aux revenus intermédiaires. Par contre, l'ensemble des ménages peut profiter du bonus BBC s'ils atteignent grâce aux travaux l'étiquette énergétique A ou B sur le diagnostic énergétique de leur appartement ou maison. Idem pour ceux qui grâce aux travaux sortent des catégories F et G, associées aux passoires thermiques. Le montant de la prime varie alors de 1 500 à 500 euros en fonction des revenus.

Pour évaluer précisément le montant de l'aide que vous pouvez espérer percevoir, le réseau public Faire propose sur son portail internet un simulateur officiel et personnalisé baptisé Simul'Aid€s.

Le dispositif MaPrimRenov' est cumulable avec le PTZ, la TVA à 5,5% ou certaines aides locales

Une offre pas toujours adaptée aux clients et ni aux artisans

Côté entreprise, l'enthousiasme est lui aussi très relatif. « Pour les ménages aux revenus les plus élevés (profil rose), l’ouverture de MaPrimeRénov’ se limite à une aide assez modeste à l’isolation des murs et toitures, ainsi qu’à une subvention de 10 000 à 15 000 euros (certificats d’économies d’énergie compris) pour des opérations de rénovation globale, dont le montant dépasse régulièrement 50 000 euros, voire s’approche de 70 000 euros. De plus, l’aide à l’installation de chaudières gaz à haute performance ne concerne que les ménages modestes et celle au remplacement des fenêtres à simple vitrage est insuffisante pour véritablement déclencher des travaux », regrette Olivier Salleron, le président de la Fédération française du Bâtiment.

« Il faut bien comprendre que lorsqu'un artisan montre à son client le tableau des aides financières MaPrimeRénov + certificats d'économie d'énergie (CEE), ce dernier, le plus souvent, n'y comprend pas grand-chose. Beaucoup de freins sont mis à l'utilisation simple et efficace de ces aides », souligne Jean-Christophe Repon le président de la Capeb dans une interview accordée à Batiactu vers laquelle nous a renvoyé le syndicat patronal de l’artisanat.

La Capeb ( Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) prône aussi une modification de l’attribution du statut RGE auquel est restreint le marché de MaPrimRenov'. « L'artisan est ainsi fait que si un marché lui semble trop complexe, et qu'il ne lui permet pas de gagner sa vie, il n'y va pas. (...) C'est ce qu'il se passe actuellement avec les travaux de rénovation énergétique et le RGE. Il y a quelques temps, 65 000 artisans étaient labellisés RGE ; aujourd'hui, ils ne sont plus que 45.000. Pourquoi ? L'artisan préfère faire une ristourne à son client plutôt que de perdre trop de temps dans de l'administratif pur », explique le syndicat.

Des délais trop longs

Autre critique contre le dispositif, les délais pour obtenir une réponse. Ils « sont de 15 jours » après le dépôt du dossier affirme l’Anah aux Echos mais le versement de la prime prend plusieurs mois, selon le fondateur du site PrimesEnergie.fr, qui édite des CEE. Une estimation confirmée par le site spécialisé Batirama. Or, MaPrimRenov' promettait un versement plus rapide que le crédit d'impôt (CITE) pour inciter les Français à engager des travaux de rénovation énergétique.

MaPrimRenov' imposable pour le dispositif Denormandie

MaPrimRenov’ est désormais disponible pour les bailleurs locatifs et cumulable avec le dispositif Denormandie : une aide fiscale accordée aux investisseurs dans l'immobilier ancien pour développer l'offre de logements rénovés à loyer abordable dans les villes moyennes. Mais la prime touchée doit être déclarée comme un revenu, diminuant les effets de la défiscalisation.