Depuis deux mois, les banques en ligne, qui proposaient historiquement des taux de crédit immobilier plus bas que les banques traditionnelles, semblent avoir du mal à tenir cette ligne. Au point, pour certaines, de ne plus afficher de taux sur leur site. Les banques en ligne ont-elles abandonné ce produit ?

Si vous suivez l'actualité du crédit immobilier, cela ne vous a pas échappé : l'inflation entraîne avec elle les titres de dette française, l'un des indicateurs de référence pour les taux des prêts immo. Fin mars, le taux d'intérêt des emprunts de l'État français (OAT) à 10 ans a dépassé la barre des 1%, une première depuis 4 ans. Face à cette situation amenée à durer, les banques sont obligées de remonter leurs taux. Terminés donc les prêts à 1%.

Les chiffres d'avril viennent confirmer une tendance déjà esquissée en mars : ce crescendo des taux touche en particulier les banques en ligne. Alors que ces établissements n'hésitaient pas jusqu'ici à proposer des taux extrêmement compétitifs, les dernières semaines montrent un essoufflement dans cette course au crédit immobilier. Prenons un exemple. Un couple de 30 ans, gagnant 4 500 euros par mois à eux deux, souhaite acheter un bien immobilier à 250 000 euros. Ils disposent d'un apport de 50 000 euros et doivent donc emprunter 200 000 euros, sur 20 ans. Au 7 avril 2022, ces deux emprunteurs obtiennent, en taux nominal, du 1,83% chez Fortuneo et du 1,75% chez Boursorama. À titre de comparaison, pour un prêt sur 20 ans en ce début de mois d'avril, les courtiers Meilleurtaux et Empruntis présentent des taux moyens respectivement à 1,35% et 1,34%.

Les banques en ligne obligées d'augmenter plus vite

Normalement, les banques en ligne se rattrapent sur le terrain du TAEG, ce taux « tout compris » avec assurance, garantie et frais de dossier. Les banques traditionnelles proposent souvent des TAEG plus importants, notamment à cause de frais de dossier pas forcément appliqués par les banques en ligne, plus compétitives donc à l'arrivée. Mais là aussi, ça coince. Pour la même simulation sur le site de BforBank, celui-ci indique que « le TAEG du prêt (2,50%) dépasse le taux d'usure » (fixé à 2,40% jusqu'au 1er juillet pour les crédits de 20 ans et plus). Ce qui signifique que dans cette configuration, le dossier de ce couple ne passe plus auprès de la banque.

Comment expliquer alors ces difficultés à rester compétitif ? Les réponses varient en fonction des interlocuteurs. Une chose est certaine : cette hausse des taux est généralisée et touche tous les établissements bancaires : « Les taux d'intérêt directeurs remontent, c'est une évidence pour tout le monde, défend Xavier Prin, directeur marketing et communication de Boursorama. Nous sommes donc obligés de répercuter cette hausse sur notre grille de tarifs. » Un point de vue défendu par Grégory Guermonprez, directeur France de Fortuneo : « Depuis un mois, tout le monde remonte ses taux. Certains le font progressivement, d'autres plus rapidement. Ce qui est sûr, c'est que ceux qui ne l'ont pas encore fait, ou pas de manière significative, vont continuer à les relever dans les prochaines semaines. »

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Guillaume Réveillard, directeur associé Conseil Banque de Détail au sein du cabinet Ailancy, livre une autre clé de lecture : « Les banques en ligne ont été hyper agressives sur ces taux pour capter des clients. Face à la tendance haussière actuelle des taux, elles sont obligées de remonter les leurs plus vite. » Une obligation qui tiendrait aussi à la capacité des établissements d'absorber les risques : « Les banques en ligne sont peut-être plus sensibles au taux de refinancement (le principal taux directeur des banques centrales, qui influe sur le taux d'intérêt d'un emprunt immobilier NDLR) parce qu'elles ont moins de dépôts clients et peuvent moins prêter sur leur cash détenu, contrairement aux banques traditionnelles qui ont un matelas leur permettant d'acheter du temps. »

Hervé Phaure, Associé Risk Advisory chez Deloitte, confirme cette idée d'une senbilité accrue aux taux de refinancement et va plus loin : « La banque calcule également son taux de risques, c'est-à-dire quel est le risque que l'emprunteur ne puisse pas rembourser. Tout dépend donc du type de clientèle. Plus une banque a une clientèle « premium », qui dispose de moyens significatifs, plus on peut imaginer que les taux seront bas car il y a un risque plus faible et un potentiel d'apport plus important. »

Le crédit immobilier reste un produit d'appel

Les banques en ligne seraient alors obligées de remonter plus vite les taux, sous peine de perdre trop d'argent. Une hypothèse corroborée par Xavier Prin : « On est là pour offrir à nos clients les meilleurs tarifs quelles que soient les conditions de marché, mais on est là avant tout pour durer, pas pour vendre à perte en faisant du dumping. »

Alors, est-ce la fin du crédit immobilier dans les banques en ligne ? Certainement pas. Il est d'ailleurs à noter que Boursorama, bien qu'à 1,75%, n'a pas modifié son taux du mois de mars sur le mois d'avril. Selon Xavier Prin, le crédit immobilier reste « un produit fidélisant, qui intéresse tous les établissements bancaires. » Du côté de Fortuneo, le son de cloche est le même : « Le crédit immobilier en ligne ne fait que démarrer, j'ai la conviction que nous ne sommes qu'au début de notre proposition de crédit en ligne », assure Gregory Guermonprez.

Guillaume Réveillard ne dit pas autre chose : « Je n'imagine pas les banques en ligne ne plus proposer ce produit. Aujourd'hui, les banques en ligne veulent proposer une offre la plus complète possible pour garder les clients. Je ne vois donc pas les banques en ligne changer leur stratégie qui consiste actuellement à élargir leur gamme. »

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D'autant plus que si le crédit immobilier n'est pas un produit permettant de faire de la marge, il n'est pas sans avantage : « Cela permet d'orienter le client vers d'autres produits plus rentables, puisque toutes les banques qui octroient un crédit immobilier demandent la domiciliation du salaire dans leurs comptes, explique Guillaume Réveillard. C'est alors la collecte du comportement client déclenchant la vente d'assurances, moyens de paiements, ou la télé-surveillance par exemple, qui génère les revenus. »

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