25 euros par mois : depuis 2019, c’est le montant maximum des frais d’incidents de paiement qui peuvent être facturés à un client fragile financièrement. Toutes les banques, toutefois, n’utilisent pas les mêmes critères pour apprécier cette fragilité. Où placent-elles le curseur ? Nous avons fait le tour des enseignes.

25 euros par mois et 300 euros par an maxi. Et même 20 euros par mois et 200 euros par an si vous acceptez de renoncer au chéquier et à l’autorisation de découvert… Le plafonnement des frais d’incidents de paiement fait partie des quelques avancées concrètes obtenues en 2019 par le mouvement des Gilets jaunes. Un soulagement pour certains clients, en difficultés financières, pour qui chaque opération en découvert non autorisé donne lieu à des frais en cascade - intérêts débiteurs, mais surtout commissions d’intervention, frais de rejet, lettres d’information, etc. - dont le montant cumulé peut atteindre des centaines d’euros en quelques jours.

Lire sur le sujet : Comment les banques mettent en place le plafond « Macron » pour les clients fragiles

Ce progrès, toutefois, ne bénéficie pas à tout le monde, au grand dam des associations de consommateurs. Pour être couvert, il faut que votre banque vous ait identifié comme étant « en situation de fragilité financière ». Problème : les critères d’identification de ces clients fragiles ne sont pas les mêmes dans toutes les banques. A difficultés égales, on peut donc bénéficier de frais plafonnés ou non, selon la banque où l’on possède ses comptes.

Les banques ont une large marge de manœuvre

La raison de cette rupture d’égalité est simple : la détection de la fragilité financière a beau être encadrée par la réglementation, cette dernière laisse une large marge de manœuvre aux banques. Seules deux catégories de clients, en effet, sont éligibles sans conditions : les clients inscrits « pendant 3 mois consécutifs au Fichier central des chèques » - ceux qu’on appelle couramment les « interdits bancaires » - et ceux dont le dossier de surendettement a été déclaré recevable par la Banque de France.

Pour les autres, les banques s’appuient sur deux critères : l’existence d’incidents de paiements répétés pendant trois mois consécutifs, et le « montant des ressources portées au crédit du compte ». Mais combien d’incidents, quel montant de ressources ? Le code monétaire et financier ne le précise pas. Les banques sont libres de placer le curseur où elles le veulent. Et elles ne s’en privent pas.

Nombre d’incidents de paiement : des références variables

A l’invitation du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, les banques - en tout cas celles, nombreuses, qui ne l’avaient pas déjà fait - ont récemment rendu public leurs critères d’éligibilité. Nous en avons donc profité pour faire le tour de leurs sites web. Ce qui nous a permis de confirmer l’hétérogénéité des pratiques.

Premier critère d’éligibilité imposé par la réglementation : la récurrence des incidents de paiements. De ce point de vue, on peut distinguer les banques en 2 groupes :

  • celles qui prennent une référence en nombre d’incidents de paiement : souvent 5 incidents par mois pendant 3 mois consécutifs, mais pas toujours ;
  • celles qui optent pour une référence en montant de frais facturés : de 25 à 40 euros par mois, au moins, pendant 3 mois consécutifs.
Les seuils d'incidents à atteindre
BNP Paribas / Hello BankAu moins 25 euros de frais par mois
pendant 2 mois
BoursoramaFrais supérieurs ou égaux
à 50 euros par mois
BPCE (Banque Populaire, Caisse d'épargne)Au moins 5 incidents par mois
pendant 3 mois
Crédit Agricole / BforBankAu moins 25 euros de frais par mois pendant 3 mois
Crédit Mutuel (Alliance Fédérale) / CICPlus de 120 euros de frais
sur 3 mois consécutifs
Crédit Mutuel de Bretagne (Arkéa)Au moins 12 incidents
sur 3 mois consécutifs
FortuneoAu moins 15 incidents sur 3 mois
INGAu moins 25 euros de frais par mois pendant 3 mois ou 200 euros cumulés sur 3 mois
La Banque Postale5 incidents par mois
pendant 3 mois
LCLUne irrégularité de compte (par exemple, plus de 90 jours en dépassement de découvert autorisé)
MonabanqNon communiqué
Société GénéraleAu moins 40 euros de frais par mois
en moyenne sur 3 mois

Un seuils d’incidents unique à venir

Aucune banque, en revanche, n’applique à l’heure actuelle le seuil que les pouvoirs publics comptent prochainement imposer. Le sujet de la lourdeur des frais d’incidents a, en effet, refait surface à l’occasion de la pandémie de Covid-19, dont les conséquences sur l’économie font craindre un catastrophe sociale et le basculement de centaines de milliers de Français dans la fragilité financière.

Sous la pression des associations, Bruno Le Maire a donc annoncé son intention d’imposer un seuil d’incidents unique, par l’intermédiaire d’un décret à paraître, dont le contenu a déjà été dévoilé : dès 5 incidents de paiement sur un mois, le client en difficultés bénéficiera immédiatement du plafond de 25 euros, et pour 3 mois. Ce seuil unique ne devrait toutefois entrer en vigueur, au mieux, dans quatre mois.

Lire aussi : Plafonnement des frais bancaires : ce qui va changer pour les clients des banques

Des plafonds de revenus relativement bas

Selon le projet de décret, les banques pourraient toutefois maintenir d’autres critères, eux non encadrés. Notamment un seuil de rentrées d’argent sur le compte courant (salaires, allocations, revenus du capital, etc.), au-dessus duquel les clients ne seront pas éligibles au plafond de 25 euros, quel que soit le nombre d’incidents de paiement subis. Une perspective qui a fait bondir deux associations de consommateurs. Avant même la publication du décret, elles ont affiché leur hostilité au projet gouvernemental.

De fait, ces plafonds de revenus existent dans la plupart des banques et sont parfois très bas, limitant de fait la portée du plafonnement, et son efficacité pour lutter contre la spirale des frais d’incidents.

Les rentrées d'argent à ne pas dépasser
BNP Paribas / Hello BankFlux créditeurs mensuels inférieurs à 1900 €
BoursoramaFlux créditeurs mensuels inférieurs à 1500 €
BPCE (Banque Populaire, Caisse d'épargne)Flux créditeurs mensuels inférieurs au SMIC net (1219 € au 1er janvier 2020)
Crédit Agricole / BforBankFlux créditeurs mensuels inférieurs à 10 fois le montant des frais d'incident (ex. 2000 € si 200 € de frais)
Crédit Mutuel (Alliance Fédérale) / CICRessources inférieures à 2,5 fois le RSA (1497 € au 1er avril 2020)
Crédit Mutuel de Bretagne (Arkéa)Revenus inférieurs à 1500 € par mois et épargne inférieure à 3 000 €
FortuneoFlux créditeurs mensuels inférieurs à 1000 €
INGPas de seuil de revenus
La Banque PostalePas de seuil de revenus
LCLSolde moyen sur un an inférieur à 1500 €
MonabanqNon communiqué
Société GénéraleFlux créditeurs mensuels inférieurs à 1500 €

Deux « bons élèves » se distinguent en la matière : La Banque Postale et ING, qui ne prennent pas en compte ce critère. Les autres enseignes observées le retiennent toutes, à des degrés divers. BNP Paribas est la plus « généreuse », puisqu’on peut bénéficier du statut de client fragile jusqu’à 1 900 euros de flux créditeurs mensuels. A l’inverse, Fortuneo est celle qui sert le plus franchement la vis, avec un seuil placé à « 1 000 euros pour les foyers composés d'une seule personne majeure capable ». La filiale d’Arkéa, toutefois, annonce que « des travaux de révision [de ses critères] sont en cours et devraient aboutir très prochainement. »

La plupart des autres banques situent le curseur de la fragilité financière autour de 1 500 euros par mois. Au-dessus du SMIC mensuel net donc (environ 1 200 euros), mais bien en-dessous du salaire moyen : 2 238 euros par mois en 2019. Pourtant, disposer de revenus confortables n’empêche pas de connaître des difficultés financières : selon des données de la Banque de France, plus de 11% des ménages surendettées disposaient en 2018 de revenus supérieurs à 2 500 euros par mois.

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