Debout la France, Rassemblement national, Génération.s, UDI… Plusieurs partis auraient essuyé des refus de crédits bancaires pour financer leur campagne européenne. Pourquoi ? Les banques ont publié une mise au point.

Un vrai serpent de mer ! La controverse de l’accès des partis politiques au financement bancaire revient régulièrement à la surface. Avant la polémique naissante pour la campagne européenne, le Front national (devenu Rassemblement national) a mis en lumière les relations parfois conflictuelles entre banques et partis en 2017 : le parti de Marine Le Pen avait vu ses comptes clôturés par la Société Générale, selon cette dernière pour des raisons « de nature exclusivement bancaire », « sans aucune considération politique ». Le FN avait alors dû lancer une procédure de « droit au compte », à l’image d’un client en situation d’interdit bancaire. Par le passé, le FN et d’autres partis ont déjà été confronté à des difficultés d’accès au crédit bancaire.

DLF, RN, UDI, PCF : ces partis sans crédits

En 2019, plusieurs partis peinent à obtenir un crédit bancaire pour financer leur campagne européenne : ce dimanche le JDD a pointé les difficultés de financement du Rassemblement national, une nouvelle fois, mais aussi de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), du PCF, de l’UDI voire de la France insoumise et même, à un degré moindre, des Républicains (LR) ! « On a l’impression d’un non de principe, que les banque ne veulent juste pas s’engager dans ce qu’elles voient comme un nid à problèmes », confie un porte-parole de l’UDI au JDD.

« Tous les partis d’opposition sont asphyxiés par les banques ! »

Nicolas Dupont-Aignan utilise même ces difficultés en argument politique, en dénonçant sur France 2 un « problème démocratique » : « Tous les partis d’opposition au gouvernement sont asphyxiés par les banques ! » Or, du côté bancaire, on répond que les banques ne font pas politique, qu’elles se basent uniquement sur l’analyse du risque pour l’octroi de crédits...

Le rôle du nouveau médiateur

Hasard du calendrier ? La Fédération bancaire française (FBF) a publié mardi un document informatif sur « la demande de crédit » des « candidats et partis politiques ». Ce document, dense, est publié au moment où la polémique repart de plus belle, mais il fait suite selon la FBF à de nombreux échanges sur le sujet avec Jean-Raphaël Alventosa, nommé médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques en juillet 2018. Ce poste de médiateur, rattaché au ministère de l'Intérieur, a été créé suite à la loi de septembre 2017 sur la confiance dans la vie politique. Son rôle ? Faciliter « le dialogue » entre banques, partis politiques et candidats « en vue de favoriser », selon le communiqué de l’Elysée, « l’égalité de tous devant le suffrage, les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».

« La régulation bancaire est devenue plus forte depuis » la crise

Selon 20 Minutes, trois partis, RN, DLF et Génération.s ont saisi ce nouveau médiateur : « Il y a eu une crise fin 2008 et on s’est aperçu que les banques, pas forcément en France, faisaient des prêts à n’importe qui n’importe comment », explique Jean-Raphaël Alventosa à 20 Minutes. « La régulation bancaire est devenue plus forte depuis. Le deuxième facteur, ce sont un certain nombres d’affaires qui ont défrayé la chronique en France et ailleurs ces dernières années. Tout le monde en a pâti et la réglementation a été renforcée. »

La mise au point de la fédération bancaire

C’est donc suite aux échanges avec ce médiateur que la FBF a décidé de rédiger un document informatif, qui fait surtout office de mise au point. Ce document, où la FBF s’adresse directement aux partis et candidats, liste les pièces réclamées aux emprunteurs et plus spécifiquement à la personne qui effectue la demande au nom du candidat ou du parti politique. La FBF affirme dans ce document que les banques basent leur analyse sur la capacité de remboursement du parti, sur les garanties apportées, ainsi que sur son historique financier (existence ou non d’incidents de paiement…). A l’image du médiateur, la FBF rappelle que la réglementation a été renforcée, notamment pour les « personnes politiquement exposées », pour lesquelles un contrôle renforcé est réclamé.

« Une banque est toujours libre d’entrer ou non en relation commerciale »

Problème, au-delà de l’analyse froide du dossier, comme pour n’importe quel client particulier, « une banque est toujours libre d’entrer ou non en relation commerciale avec un mandataire financier d’un candidat ». A défaut de banque acceptant d’ouvrir un compte de campagne, la FBF rappelle que « le droit au compte prévu par la loi assure l’effectivité de l’obligation légale d’ouvrir un compte de campagne », même si les services offerts par le dispositif de droit au compte sont restreints. Un droit au compte, donc, mais il n’existe en revanche pas de « droit au crédit » pour une campagne électorale…

Dans ce même document, la FBF pointe indirectement les risques que comportent le financement d’une campagne électorale : outre l’absence de remboursement des frais de campagne par l’Etat, pour les plus petits partis, les banques soulignent le risque d’« invalidation des comptes de campagne », « qui peut donc pour les candidats concernés remettre en cause le remboursement d’une partie des frais de campagne par l’Etat ».

Dans 20 Minutes, le médiateur Jean-Raphaël Alventosa promet « un diagnostic à froid » et un rapport après les élections européennes.