Un juge parisien a été saisi sur des soupçons de discriminations rapportés par plusieurs dizaines de Français nés aux Etats-Unis, auxquels certaines banques en ligne ont refusé d'ouvrir des comptes par peur de représailles du fisc américain, a-t-on appris mercredi de sources concordantes.

S'estimant victimes de discrimination, les plaignants, surnommés « Américains accidentels », avaient déposé plainte contre X, avec constitution de partie civile, devant le doyen des juges d'instruction au tribunal de Paris en juillet 2020. A la suite de cette plainte, une information judiciaire a été ouverte en août 2021 pour discrimination, a confirmé à l'AFP une source judiciaire.

D'après une source proche du dossier, l'enquête vise des soupçons de discrimination fondée sur l'origine, l'ethnie ou la nationalité, pour des faits commis entre octobre 2018 et mars 2019.

La double nationalité de ces Français nés aux Etats-Unis, même s'ils n'ont ensuite quasiment jamais vécu dans ce pays, empoisonne leur existence car l'administration fiscale américaine se prévaut de la loi Fatca (Foreign account tax compliance act) appliquée en France depuis 2013 pour exiger qu'ils déclarent leurs revenus aux Etats-Unis.

En juillet 2019, les banques hexagonales avaient alerté concernant l'absence d'accord sur l'application du Fatca qui permet aux Etats-Unis de demander aux banques étrangères des informations sur leurs clients considérés comme Américains en exposant les banques à d'éventuelles sanctions en cas de refus.

Pratiques discriminatoires

« Il y a des pratiques discriminatoires qui découlent de ce régime », a souligné Me Antoine Vey, l'avocat d'environ 70 personnes parties civiles, déplorant que des banques subissent la « pression des Etats-unis » pour transmettre des informations. Ses clients ont eu des « déconvenues », que ce soit pour ouvrir des comptes ou obtenir des prêts et espèrent, avec cette enquête, que « les banques modifient leurs pratiques ».

Par peur de représailles de la justice américaine en cas de refus de communication d'informations et de procédures potentiellement coûteuses, certains établissements bancaires préfèrent ainsi empêcher ces particuliers français d'avoir accès à leurs services.

Une plainte simple avait été déposée en 2019 par quelque 300 « Américains accidentels » mais elle n'avait pas permis de déboucher sur l'ouverture d'une enquête par le procureur.

En juillet 2019, le Conseil d'État avait rejeté le recours engagé par l'Association des « Américains accidentels », qui contestaient le Fatca, estimant que l'accord de collaboration fiscale entre Paris et Washington était respectueux du droit.