Depuis la crise sanitaire, beaucoup de Français ont épargné plus que d’accoutumée. Ce surplus d’épargne, couplé à la récente réforme des APL, peut être à l’origine d’une baisse de vos aides au logement.

Empêchés de consommer ou préférant mettre de côté par peur du lendemain, de nombreux particuliers se sont constitués une épargne additionnelle depuis le déclenchement de la crise sanitaire. D’après les hypothèses de la Banque de France, le surplus d’épargne serait de l’ordre de 200 milliards d’euros à la fin de cette année. Concrètement, un récent sondage commandé par le courtier en ligne Meilleurplacement.com estimait, en moyenne, à 276 euros l’épargne mise de côté chaque mois par les Français en 2020.

Si, dans un contexte économique plus qu’incertain, ce bas de laine peut permettre de passer plus sereinement la crise ou de financer les projets reportés à cause des restrictions sanitaires, il risque aussi de faire des perdants parmi ceux qui reçoivent des aides au logement. Car, cette épargne forcée peut entrainer la diminution voire la suppression des APL. Comme expliqué par l’association de consommateurs Que Choisir, cette baisse potentielle est le résultat combiné de 2 réformes du calcul des aides au logement : celle de 2016 qui vise à prendre en compte l’épargne des allocataires et celle en vigueur depuis début 2021.

L’épargne du confinement prise en compte dès maintenant

Depuis cette année, les APL sont calculées à chaque trimestre, sur la base des revenus des 12 derniers mois. Précédemment, elles étaient ajustées chaque année en fonction des revenus perçus 2 ans avant. Pour les personnes qui ont vu leurs revenus chuter en 2020, la réforme s’avère donc positive. En revanche, pour ceux qui ont plus épargné que d’habitude, l’équation peut être perdante.

En effet, depuis octobre 2016, le patrimoine d’un bénéficiaire des APL, apprécié à l’échelle du foyer, dès lors qu’il dépasse 30 000 euros, est pris en compte dans les revenus ce qui tire donc le montant de l’aide au logement à la baisse. « Ce patrimoine peut être constitué de biens immobiliers, non mis en location, situés en France ou à l’étranger. Il comprend aussi l’argent investi dans des biens mobiliers, c’est-à-dire les placements », détaille Que Choisir. Donc les sommes placées sur un livret d’épargne comme une Livret A, une assurance vie, un PEL entrent dans ce périmètre.

Un taux d'intérêt déconnecté de la réalité

Si recevoir moins d’APL lorsqu’un ménage épargne plus peut paraître logique, ce qui l’est moins, c’est la manière dont est transformé le patrimoine en revenus. « La Caf ne s’appuie pas sur le rendement réel que produisent ces biens [et ces produits d’épargne, ndlr], mais sur une évaluation forfaitaire. Et elle n’est pas du tout favorable aux allocataires concernés ! », critique Que Choisir.

Par exemple, s’agissant de l’épargne, « ce patrimoine est considéré comme procurant un revenu annuel égal […] à 3% du montant des capitaux », dispose l’article R822-22 du code de la consommation qui encadre la prise en compte du patrimoine. Ce montant semble décorrélé de la réalité des taux d’épargne : le Livret A rapporte 0,50%, le PEL est à 1%, le CEL à 0,25% et les fonds euros, supports phares de l’assurance vie, ont été rémunérés autour de 1% en 2020.

Converti en euros, ce décalage est plus éloquent encore. Un foyer détenant 30 000 euros sur un Livret A et un LDDS perçoit 150 euros d’intérêts par an (au taux en vigueur actuellement). Avec ces 3%, c’est comme si la Caf considérait que ce ménage avait gagné 900 euros avec son épargne réglementée. Autre effet pervers lié : si, à l’inverse, le ménage dégage un rendement supérieur à 3%, ce surplus réel de ressources n’est pas pris en compte.