Face à la hausse des prix, les banques françaises se sont engagées à revaloriser, d'ici à l'été, les seuils de revenus permettant de bénéficier du plafonnement des frais d'incidents à 25 euros par mois, en tant que client fragile. Certaines vont également utiliser des références indexées sur l'inflation, comme le SMIC ou le RSA.

C'est le nouvel épisode d'une longue saga. Voilà des années que les pouvoirs publics, les banques et les associations de consommateurs parlementent pour mettre en place un « parapluie » protégeant les clients bancaires à la situation financière dégradée, ceux qui subissent des avalanches de frais bancaires. Des années, aussi, que la pression est mise sur les banques pour qu'elles accueillent plus de monde sous ce « parapluie », qui prévoit notamment un plafonnement à 25 euros par mois des frais consécutifs à des incidents de paiement.

Fragilité financière : les offres bancaires pour les clients fragiles

L'enjeu, en particulier, est celui de leur détection : selon quels critères décide-t-on que la situation financière d'un client est suffisamment dégradée pour le rendre éligible à ce plafonnement ? Depuis la fin 2020, certains de ces critères sont entrés dans la réglementation, et les banques se doivent donc de les appliquer.

Mais le législateur a choisi de leur laisser la possibilité de fixer un seuil de flux créditeurs mensuels sur le compte, au-delà duquel un client n'est pas éligible, quel que soit le nombre d'incidents de paiement qu'il enregistre. Une marge de manœuvre combattue par les associations de consommateurs, qui demandent depuis longtemps qu'elle soit levée ou, au moins, encadrée et harmonisée entre les banques.

Des seuils variables

De fait, les seuils retenus par les banques sont loin d'être unifiés. La plupart ont choisi de retenir un montant fixe, allant de 700 euros chez N26 à 1 710 euros chez Ma French Bank, avec une forte concentration autour de 1 500 euros. Trois utilisent, quant à elle, des références variables et indexées sur l'inflation : le SMIC pour les enseignes du groupe BPCE (Banques Populaires et Caisses d'Epargne) et pour La Banque Postale, le RSA pour celles du Crédit Mutuel Alliance Fédérale (y compris CIC et Monabanq).

Voici le détail, au 3 avril 2024, de ces critères de revenus, exprimés en flux créditeurs mensuels sur le compte, parfois en moyenne sur plusieurs mois.

Les flux créditeurs mensuels à ne pas dépasser
Axa BanqueNon précisé
BNP Paribas / Hello Bank1 500€
BforBank1 535€
BoursoBank1 500€
BPCE (Banques Populaires, Caisses d'Epargne)SMIC net mensuel
(1 398,70€ au 1er janvier 2024)
CCFNon précisé
Crédit Agricole1 650€
Crédit Mutuel (Alliance Fédérale) / CIC / Monabanq2,65 fois le RSA
(1 684,60€ au 1er avril 2024)
Crédit Mutuel (Arkéa) / Fortuneo1 500€ / 2 500€ pour un couple
La Banque PostaleSMIC brut mensuel
(1 766,92€ au 1er janvier 2024)
LCL1 128€
Ma French Bank1 709,28€
N26700€
RevolutEntre 500 et 1 500€
Société Générale1 500€

Relevé au 3 avril 2024
Montant pour un compte bancaire

La plupart des banques devraient bouger

Le paysage, toutefois, devrait rapidement évoluer. La question des ressources à considérer était à l'ordre du jour de la dernière réunion en date de l'Observatoire de l'inclusion bancaire (OIB), le 25 mars dernier. En toile de fond, la forte inflation qui sévit depuis deux ans et son impact sur l'éligibilité au statut de client fragile.

Selon un communiqué publié le 3 avril par son président, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, les banques se sont engagées à faire un effort. Celles « qui appliquaient jusqu'ici un seuil fixe en euro pour l'appréciation du montant des ressources créditées en compte l'ont revalorisé ou s'engagent à le faire d'ici à l'été », détaille le communiqué. « La plupart de ces établissements ont par ailleurs décidé d'appliquer, à compter de cette échéance, une formule de calcul basée sur un indicateur lui-même indexé (tel que le SMIC, le RSA, le seuil de pauvreté, etc.). »

Ces promesses devraient engager toutes les banques de détail du marché, à l'exception des trois citées plus haut. Depuis notre dernier relevé, en juillet 2020, BNP Paribas a, au contraire, abaissé le seuil des flux créditeurs retenus. Trois autres n'y ont pas touché : le Crédit Mutuel Arkéa (1 500€), Société Générale (1 500€) et BoursoBank (1 500€). LCL, de son côté, est passée d'une condition de solde moyen de 1 500 euros à un flux créditeur de 1 063€ en novembre 2020, puis 1 128€ depuis la mi-2023. Quant au Crédit Agricole et à sa filiale BforBank, ils sont passés d'un seuil variable, en fonction du montant des incidents de paiement du client, à un seuil fixe, respectivement de 1 650€ et 1 535€.

Pas suffisant pour l'Unaf

Dans un communiqué, l'Union nationale des associations familiales a réagi aux annonces du gouverneur de la Banque de France. L'Unaf estime que les évolutions promises ne vont pas assez loin pour protéger tous les consommateurs. Elle souhaite notamment que les banques modulent les critères de ressources selon la situation familiale. Elle demande au législateur d'imposer une harmonisation de ce critère, au nom de l'égalité, voire d'envisager son interdiction, « afin que tous les consommateurs bénéficient d'un plafonnement des frais d'incidents bancaires ».

Mise à jour (4 avril, 18 :13) - Précision sur l'évolution du seuil utilisé par LCL.