Des prix trop chers, une maison individuelle exclue du PTZ, des acheteurs moins nombreux... Les difficultés s'accumulent pour le secteur de l'immobilier neuf. Et le pire pourrait être à venir.

2023, année de crise pour le secteur de l'immobilier. Alors que les taux de crédit se sont stabilisés entre 4% et 4,5% en fonction des durées, le nombre de crédit a chuté de 41% sur un an. Et la baisse des ventes devrait être d'au moins 20%, pour environ 885 000 ventes sur un an.

Dans ce marasme ambiant, l'immobilier neuf est particulièrement impacté. Selon le ministère de la Transition écologique, le nombre des réservations s'est effondré de près de 40% au deuxième trimestre sur un an. Le nombre de réservations, qui s'est établi à 16 201 entre juillet et septembre, baisse sans discontinuer depuis six trimestres. Le nombre de nouveaux logements mis en vente par les promoteurs suit la même tendance, avec une chute annuelle de 34,9%, à 19 371.

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Pourtant, les prix dans le neuf continuent de grimper : +20% à Rennes, +16% à Marseille, pour une hausse moyenne de 8,9% sur un an au niveau national, avec un prix moyen au mètre carré de 5 980 euros en novembre. Un phénomène qui s'explique par la hausse du coût de construction, de l'ordre de 20% depuis début 2020 (indice ICC publié par l'Insee), mais également par les nouvelles normes mises en place.

« L'offre actuelle d'appartements neufs a radicalement changé ; en novembre 2022, nous avions encore une large majorité de logements répondant à la norme RT2012. Désormais, l'essentiel des programmes respectent la RE2020 », explique Franck Vignaud, directeur du Laboratoire de l'immobilier et responsable d'une étude sur le sujet. Ainsi, les professionnels estiment que ces normes supplémentaires augmentent encore leurs coûts de 5%.

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Des prix dans le neuf qui ne peuvent pas baisser

Difficile, dans ces conditions, de faire baisser les prix pour faire coïncider l'offre et la demande. « Les prix ne baisseront pas, confirmait Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers, sur Franceinfo en septembre dernier. Le prix du logement neuf reflète un cumul de choses techniques : le prix d'un terrain, les coûts de construction, des honoraires d'architecte, de maître d'œuvre, et cetera. L'ancien, c'est un prix de marché. Le neuf, c'est un prix technique, donc ça ne peut pas vraiment baisser. Si ça baisse, ce sera à la marge. » Où si les promoteurs acceptent de rogner sur leurs marges.

Les difficultés s'accumulent donc pour les professionnels, notamment les constructeurs de maisons individuelles. Car aux prix hauts s'ajoute l'annonce faite par le gouvernement de supprimer le prêt à taux zéro (PTZ) pour les maisons individuelles.

« Les carnets de commande pour les constructions individuelles ne se remplissent plus. Il y a déjà eu des problèmes à terminer les chantiers à cause de l'explosion du prix des matériaux, et maintenant le PTZ qui va exclure la maison individuelle. Sans aide, les primo-accédants ne pourront plus se tourner vers ce type de bien. Le présent est donc difficile à supporter et l'avenir est bouché. Il y a de nombreuses entreprises qui déposent le bilan, la profession est en grave difficulté », confirme Henry Buzy-Cazaux, membre du Conseil national de l'habitat et spécialiste de l'immobilier.

Une crise qui pourrait se poursuivre dans les prochaines années

De leur côté, les promoteurs rivalisent eux d'ingéniosité pour séduire les acheteurs, en proposant par exemple la gratuité des frais de courtage, une cuisine équipée offerte ou encore la gratuité des droits de mutation. Mais là encore, la situation est tendue et pourrait bien s'empirer dans les prochaines années.

« Un promoteur achète le terrain, dépose un permis de construire, engage les travaux... Tout cela prend plusieurs années. On sait donc aujourd'hui quelle sera la situation sous deux à trois ans. Or, on voit bien que le nombre de permis de construire est en baisse et que les promoteurs attendent avant de relancer des projets », développe Henry Buzy-Cazaux.

Un point de vue confirmé par Pascal Boulanger, qui expliquait à Franceinfo que « comme nous vendons moins, nous ne mettons pas d'autres produits en vente. On attend d'avoir écoulé déjà ce que nous avons à commercialiser, plutôt que mettre d'autres produits. »

La crise de l'immobilier neuf pourrait donc se poursuivre en 2024 voire 2025, à moins que des mesures ne soient prises rapidement. Une dizaine d'amendements de tous bords ont été déposés, dans le cadre du projet de loi de finances 2024, pour rétablir le PTZ pour les maisons individuelles. L'un de ces amendements demande en outre « deux mesures complémentaires importantes, à savoir le retour à une quotité de 40% pour toutes les zones, en neuf comme dans l'ancien avec travaux et la réactualisation des barèmes pour tenir compte des évolutions de salaires et de prix de l'immobilier intervenues depuis 2016. »