Des taux de crédit qui ne cessent de grimper, des prix qui entament tout juste leur baisse et un contexte fiscal difficile... Face à tous ces facteurs, est-il encore intéressant d'investir dans l'immobilier locatif ? Oui, répondent certains professionnels, à condition de trouver la bonne affaire.

En ce début octobre, les taux de crédit affichés par les établissements bancaires vont de 4% sur 20 ans à 4,44% sur 25 ans, contre 1% début 2022. En face, les prix de l'immobilier sur un an commencent enfin à reculer selon le réseau Century 21 : -4,1% pour les appartements et -2% pour les maisons. Si la baisse se fait plus franche au troisième trimestre 2023, elle reste pour le moment insuffisante pour les emprunteurs qui ont parfois perdu plus de 20% de capacité d'emprunt.

Malgré tout, l'achat immobilier reste un but pour de nombreux Français. Néanmoins, si la volonté d'acquérir sa résidence principale reste bien présente, l'immobilier semble ne plus faire rêver les épargnants qui cherchent à investir. Selon un baromètre OpinionWay réalisé pour Laforêt Immobilier en date du 28 septembre, 69% des personnes interrogées assurent que la situation économique actuelle les dissuade de réaliser un investissement locatif. Et seulement un peu plus d'un répondant sur deux (51%) pense que l'immobilier locatif est un placement financier sécurisant en période de crise économique.

Des charges de plus en plus importantes et une fiscalité difficile

« L'environnement est compliqué, confirme Yves Gambart de Lignières, conseil financier et gestion de patrimoine. Les taux d'emprunt sont élevés, les prix sont plutôt à la baisse sans avoir connu de véritable correction, et la réglementation est lourde en termes de contraintes de location, notamment sur le DPE. Enfin, la fiscalité n'est pas forcément propice à l'immobilier, même si c'est un peu mieux en meublé. Tout ça me fait dire que j'aurais du mal à aller sur un investissement locatif aujourd'hui. »

Une vision partagée par Charly Tournayre, conseil en ingénierie fiscale et patrimoniale, pour qui « les propriétaires ont de nombreuses obligations, autour du DPE mais également la nouvelle obligation déclarative des biens immobilier. De plus, le contexte fiscal n'est pas non plus idéal pour un investisseur qui voudrait mettre son bien en location. »

En effet, le régime de la location meublée, privilégié par de nombreux propriétaires pour ses avantages, est aujourd'hui très critiqué. Un rapport d'information relatif à la fiscalité du patrimoine en date du 27 septembre préconise ainsi d'harmoniser le traitement fiscal des revenus immobiliers autour d'un régime foncier unique. « Il y a une incertitude sur le traitement fiscal du meublé à l'avenir, détaille Charly Tournayre. Il ne devrait pas y avoir de modification substantielle dans le projet de loi de Finances 2024, mais le débat est posé, et on pourrait voir arriver quelque chose l'année prochaine. Dans les mois à venir, il pourrait donc y avoir donc une forme d'attentisme de la part des investisseurs immobiliers ou un report de l'investissement sur d'autres actifs. »

Une rentabilité qui diminue

La hausse des taxes, notamment de la taxe foncière, est également un argument en défaveur de l'investissement locatif. « Avec la suppression de la taxe d'habitation, le propriétaire se retrouve aujourd'hui seul à supporter les charges. Or, dans quelques années, la taxe foncière pourrait avoisiner l'équivalent du cumul entre la taxe foncière et la taxe d'habitation supprimée, développe Charly Tournayre. Aujourd'hui, sauf à réaliser une bonne affaire, la rentabilité classique d'un bien immobilier acquis oscille autour des 2,5% ou 3%. Derrière, avec toutes les charges de l'immeuble, les taxes plus votre fiscalité. Les taux de rentabilité nets peuvent donc relativement faibles. Une étude précise doit en conséquence être effectuée par l'investisseur avant de faire le pas. »

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Tous ces élements font qu'aujourd'hui, il est difficile de se projeter dans un investissement immobilier. Mais d'autres veulent encore croire à son intérêt, à l'image de Bastien Peyriguere. Si le fondateur de Pépite urbaine, start-up spécialisée dans l'investissement locatif clé en main, concède que la hausse des taux de crédit a induit « un changement de paradigme assez fort ces derniers mois », lui conseille encore de considérer l'investissement locatif : « La seule question, c'est de savoir si il faut attendre pour acheter. Mais il est très difficile de savoir de quoi l'avenir sera fait. Ce qui est sûr, c'est que si vous attendez cinq ans, vous perdez cinq ans pour capitaliser. Tous les ans, vous perdez une année de capitalisation. »

Il estime que dans ce marché baissier, les vendeurs sont en train de perdre le pouvoir, au profit des acheteurs qui peuvent encore se positionner, soit parce qu'ils sont finançables, soit parce qu'ils ont les liquidités nécessaires pour le faire.

« Il vaut mieux acheter aujourd'hui si on a une bonne opportunité »

Pour Manuel Ravier, co-fondateur du groupe Investissement-locatif.com, la période peut également être synonyme d'opportunité. « Le but, ce n'est pas d'acheter 50 biens, il suffit de trouver le bon. Or, les vendeurs pressés sont enclin à baisser leur prix. Si vous réussissez à acheter à un bon prix, même avec des taux à 4%, vous êtes gagnants ».

Il conseille ainsi à ses clients de regarder au-delà du taux, d'autant plus qu'un investisseur pourra de toute façon renégocier son crédit si les taux venaient à fléchir dans les prochains mois. « Si les taux baissent demain, il est possible que les prix repartent à la hausse. Il vaut donc mieux acheter aujourd'hui si on a une bonne opportunité, face à des vendeurs pressés par exemple, et renégocier son crédit quand il baissera, plutôt que d'attendre. Sur les mois à venir, pour ceux qui auront le courage de se positionner, il y aura de bonnes opportunités. Il vaut mieux en revanche éviter d'acheter au prix du marché actuel. Si on achète bien, on a de fortes chances de bien vendre dans quelques années. »

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