Alors que les banques cherchent de nouvelles sources de revenus, quelques enseignes espèrent bientôt vous facturer l’accès à un conseiller bancaire personnel. Quelles sont-elles ? Ce modèle peut-il devenir la norme ?

Payer pour un suivi personnalisé et être mieux accompagné dans ses projets bancaires : loin d’être farfelue, cette idée germe dans la tête de plusieurs patrons de banques françaises. Dernièrement, Frédéric Oudéa, le directeur général de la Société Générale, a d’ailleurs pris position dans ce sens. « Le cœur de la relation avec son banquier est l’épargne. Il faudra payer pour ce service et cette expertise », a-t-il déclaré le 20 octobre lors d’une conférence sur le thème de la banque du futur.

Plus généralement, le patron de la Société Générale explique que seule l'épargne requiert l’expertise humaine (payante donc). En revanche, les particuliers, de plus en plus habitués aux outils à distance, peuvent se débrouiller seul pour leur compte bancaire et leur demande de crédit. Une opinion discutable s'agissant notamment du prêt immobilier. « Si les premières simulations ou l'envoi des pièces justificatives peuvent être dématérialisés, la construction du montage adapté nécessite à l'heure actuelle une intervention humaine », souligne Baudoin Choppin de Janvry, associé conseil industrie financière chez Deloitte France.

La gestion de patrimoine façon banque de détail

Si, à ce stade, la Société Générale a simplement évoqué le conseil payant, BNP Paribas est bien plus en avance sur ce sujet. En effet, comme MoneyVox le révélait fin août, BNP teste depuis plusieurs mois dans quelques agences son « service Affinité ». Facturé 12 euros par mois, il consiste à garantir aux clients un conseiller bancaire personnel et disponible qui peut gérer leur compte (comme passer des virements), les aider à choisir les assurances adaptées ou encore les guider pour placer leur épargne. « Ce projet a pour objectif de répondre aux attentes d’une partie des clients du réseau BNP Paribas à la recherche d’un accompagnement renforcé pour leurs projets qui, sans relever des services d’une banque privée, nécessitent des expertises spécifiques plus sophistiquées, plus particulièrement pour la gestion et l’optimisation de leur épargne bancaire ou financière, la protection de leurs proches et de leurs biens, leurs projets immobiliers (résidence principale, secondaire ou investissement locatif), la préparation de leur retraite, ou encore la préparation de la transmission de leur patrimoine », détaille à MoneyVox BNP Paribas.

Pour assurer sa disponibilité, le conseiller Affinité dispose d’un portefeuille de clients resserré. Rappelons que, en fonction des banques et des agences, un chargé de clientèle généraliste peut avoir à gérer entre 1 000 et 1 200 particuliers. Cette charge de travail peut expliquer le turnover important en agence bancaire. D’autres avantages, comme la réduction de frais sur l’assurance vie, sont également inclus dans cette « offre Affinité », nous rapporte un client ayant eu connaissance de ce service.

L’offre de BNP Paribas n’est, en elle-même, pas inédite. « Payer un forfait pour un conseiller dédié qui va principalement s'occuper de l'épargne de ses clients est un concept qui existe déjà dans les cabinets de gestion de patrimoine et les banques privées », fait remarquer à MoneyVox Baudoin Choppin de Janvry. En revanche, la nouveauté est sa possible introduction dans la banque de détail, à destination d’une clientèle plus grand public.

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Seuls 4 Français sur 10 favorables, sous conditions, au conseil payant

La généralisation du conseiller bancaire personnel payant doit toutefois passer l’épreuve du terrain, ce qui n’est pas gagné. « Ce modèle n'intéresse qu'une minorité de Français, en atteste notre étude annuelle, constate l’associé de chez Deloitte. Cette année, à la question êtes-vous prêt en échange d'un compte gratuit à payer le rendez-vous avec un conseiller bancaire, 41% des sondés disent oui, dont 11% certainement, contre respectivement 43% et 13% en 2019 ». Contactée, BNP Paribas reste muette quant aux résultats de la phase de test de son service Affinité et à son éventuel élargissement. Dans sa brochure tarifaire en vigueur au 1er janvier 2021, la banque ne mentionne pas cette offre.

De plus, « à écouter la Société Générale et BNP Paribas, le conseil payant cible plutôt une clientèle âgée et patrimoniale. Or, notre étude montre que ce modèle de tarification plaît davantage aux jeunes. Ces derniers ayant l'habitude de ces nouveaux modes de paiement à l'utilisation », poursuit le consultant. D’après cette étude, en effet, 54% des 15-24 ans et 51% des 25-34 ans seraient prêts à payer un rendez-vous avec leur banquier, à condition toujours d’avoir une carte gratuite.

Un modèle économique à trouver

Outre l’acceptation du client, se pose aussi la question de la viabilité économique de ces conseillers bancaires haut de gamme qui suivent un nombre restreint de clients. « En 2020, les personnes sondées disent être prêtes à payer 26 euros le rendez-vous avec le conseiller, contre 24 euros l'an dernier. Le problème est qu'une heure avec un banquier coûte environ 100 euros à la banque », fait remarquer l’associé de chez Deloitte. D’où, probablement, le choix de BNP Paribas de facturer 144 euros par an son service Affinité (12 euros par mois).

Mais, est-ce suffisant pour que BNP Paribas rentre dans ses frais ? Pas sûr nous répond Baudoin Choppin de Janvry : « La rentabilité de ce modèle économique n'est pas certaine. Elle nécessite que le conseiller soit pertinent, que le client souscrive rapidement et qu'il ne multiplie pas les rendez-vous et les appels. Or, paradoxe, en payant le conseiller, le client risque d'augmenter sa consommation de produits et services bancaires ». D’autant plus que, sur les opérations cibles de ce service (l'épargne, l'investissement voire éventuellement, pour BNP Paribas, le crédit), les particuliers sont loin d’être autonomes, en atteste une étude du cabinet de conseil CGI sortie en 2019. Celle-ci mettait ainsi en evidence que 61% des personnes achetant ou vendant des parts de SICAV et autres unités de compte font appel à leur conseiller en agence ou par téléphone. Pour la souscription d’un crédit immobilier, cette proportion dépasse 80% mais tombe à 33% s’agissant de l’achat ou de la vente d’actions.

Payer pour un conseiller expert ou pour l'expertise d'un robot ?

Enfin, pour que ce modèle s’impose, tenir la promesse de disponibilité et d’expertise est évidemment primordial. A ce propos, il est surprenant de constater que la question de la formation du conseiller est souvent éludée. Par exemple, lors de la conférence sur la banque du futur organisée par la Société Générale, cette problématique n’a d’ailleurs pas été évoquée… Le groupe bancaire mettant davantage en avant la technologie pour améliorer le service client. S'agissant de son service Affinité, BNP Paribas nous évoque « un parcours de formation créé spécifiquement ».

Selon Baudoin Choppin de Janvry, l'usage de la technologie sera un rouage important du modèle économique du conseiller bancaire payant. « Puisque la promesse est un conseil affûté, précis et personnalisé, le conseiller bancaire sera augmenté par des outils d'intelligence artificielle. Les robots-conseillers, c'est-à-dire des algorithmes, prendront en charge le volet technique et proposeront les produits adaptés en fonction du profil de risque et du projet de l'épargnant. Le conseiller, lui, s'occupera de la connaissance client et du relationnel », anticipe cet associé du cabinet de conseil Deloitte.

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Pas à l’étude au Crédit Agricole et au Crédit Mutuel

Société Générale, BNP Paribas… et les banques mutualistes alors ? Pour l’heure, ce sont en effet uniquement des enseignes nationales qui ont mis sur le devant de la scène l’idée du conseiller payant dans la banque de détail. Cela n’étonne pas Baudoin Choppin de Janvry : « quand on montre notre étude aux enseignes mutualistes, elles réfutent cette idée en disant que pour elles un client est un client. Ils doivent être traités de la même manière ».

Effectivement, le Crédit Agricole nous a indiqué ne pas envisager de facturer le conseiller personnel. « La relation bancaire doit répondre à la fois aux meilleurs standards du digital et permettre à chacun des clients, quels que soient les sujets, l’accès à une vraie responsabilité humaine […] Nous faisons le pari du tout digital vraiment rehaussé par l’humain et non pas du contraire, et le prix cette relation globale est inclue dans le prix des services », souligne le Crédit Agricole.

Championne de la relation client et de l’image de marque, le Crédit Mutuel, également, ne souhaite pas s'orienter vers ce modèle. « Nous ne sommes pas du tout dans cette logique, explique à MoneyVox Claude Bailer, délégué syndical SNB du groupe Crédit Mutuel. Le conseiller au service du client, oui, mais pas commissionné et payant ».

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