Au cours des dernières années, un pan du secteur de la banque privée, traditionnellement dédiée aux grandes fortunes, s’est ouvert à une clientèle plus large. Quels sont les tickets d’entrée ? Et qui a intérêt à faire le grand saut ?

Les lignes bougent dans le petit monde de la banque privée. Confrontés, comme l’ensemble du secteur bancaire, à une conjoncture économique adverse et une double révolution technologique et réglementaire, les acteurs de ce marché - filiales de grands réseaux d’un côté, enseignes spécialisées de l’autre - sont en plein bouleversement. Certains font ainsi le choix de se recentrer sur le très haut de gamme, à destination de multi-millionnaires. D’autres entrouvrent la porte et s’intéressent de plus en plus à une clientèle moins fortunée mais prometteuse et souvent plus jeune.

Quels sont les avantages de la banque privée ?

« L’accompagnement dans la durée d’un client, dans la gestion de son patrimoine au sens large, c’est-à-dire pas seulement de ses finances, de la naissance à la succession. » Voici la définition que donne Philippe Vayssettes, directeur général de Milleis Banque (ex Barclays France) et ancien de Neuflize OBC, de la banque privée. Des missions finalement assez proches de celles de la banque de détail traditionnelle, mais avec certains avantages supplémentaires.

« Un accompagnement dans la durée, de la naissance à la succession »

Premier d’entre eux : la relation avec le conseiller. Là où le turn-over tous les 2 à 3 ans est devenue la norme dans les agences bancaires, notamment dans les grandes villes, le client banque privée peut espérer de la continuité et de la disponibilité. Et quand les conseillers grand public ont parfois plus de 1 200 clients à suivre, le portefeuille des banquiers privés est généralement beaucoup moins dense : entre 450 et 600 pour ceux qui s’occupent de clients dits mass affluent, c’est-à-dire possédant entre 100 000 et un million d’euros d’actifs financiers ; 150 en moyenne pour les banquiers privés s’adressant à une clientèle millionnaire ; quelques dizaines pour ceux dont les clients ont plusieurs dizaines de millions d’euros à placer.

L’autre grand avantage, c’est le savoir-faire. « La gestion financière fait partie de l’ADN des banques privées », explique Annabelle Rocat, associée en charge du sujet au sein du cabinet de conseil Alpha FMC. Un ADN qui va permettre aux clients privés, en théorie, d’accéder à des produits financiers plus sélectifs et performants. « L’expertise des banques privées leur permet de proposer à leurs clients des supports - titres vifs, fonds spécialisés, etc. - auxquels les acteurs plus grand public n’ont généralement pas accès », poursuit-elle.

Comment savoir si on a besoin d’une banque privée ?

« Ce sont les clients qui s’en rendent compte les premiers, avant même leurs banquiers », constate la patron de Milleis Banque. Le déclencheur est souvent la confrontation plus ou moins soudaine à une problématique patrimoniale. « Elle se découpe généralement en trois temps », analyse Annabelle Rocat. « Un : accéder au crédit pour se constituer un patrimoine. Deux : gérer et faire fructifier le patrimoine existant. Trois : transmettre ce patrimoine dans les meilleures conditions ».

Toutes les personnes confrontées à ce type de problématiques peuvent donc potentiellement être intéressées par un transfert vers la banque privée. « A condition bien sûr », précise Philippe Vayssettes, « que ce patrimoine soit suffisamment large pour justifier le coût de l’ensemble des compétences qui vont être mises en place ».

Combien ça coûte ?

L’accès à ce service haut de gamme a évidemment un coût, plus important que celui de la banque traditionnelle. Il est toutefois très variable selon le type de client et de besoins. Pour la tenue de compte et les moyens de paiements, il faut compter « de 300 à 600 euros par an », estime Philippe Vayssettes. La facture s’alourdit ensuite en fonction de l’équipement du client, jusqu’à atteindre plusieurs milliers d’euros par an pour un client qui par exemple cherche à diversifier son patrimoine vers la pierre-papier ou la bourse.

« Une bonne affaire, et pour le client, et pour la banque »

La problématique du coût est de toute façon très relative pour des clients capables d’apporter plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d’euros d’actifs. « L’idée est que l’affaire soit bonne, et pour le client, et pour nous », résume Philippe Vayssettes.

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Quel est le ticket d’entrée ?

A partir de quel niveau de patrimoine peut-on espérer être éligible à la banque privée ? Tout d’abord, il faut savoir de quoi l’on parle. « Posséder un bel appartement ne suffit pas », rappelle Philippe Vayssettes. « Ce qui intéresse les banques privées, c’est l’argent que vous pouvez leur confier à court terme », poursuit Annabelle Rocat. Les enseignes calibrent ainsi leur ticket d’entrée selon un critère : les actifs financiers mobilisables plus ou moins immédiatement. Et les montants sont très variables, comme le montre le tableau ci-dessous. « Les banques privées sont comme les voitures, il y a différentes gammes et une montée en luxe possible », explique Philippe Vayssettes.

Les seuils annoncés vont ainsi de 150 000 euros pour certaines banques privées, notamment celles adossées à de grands réseaux (Caisse d’Epargne banque privée, Banque Populaire banque privée, etc.) à plusieurs millions d’euros pour d’autres. Les banques privées dites pure players, c’est-à-dire indépendantes des grandes banques et adossées à des gestionnaires d’actifs (Neuflize OBC, Rothschild Martin Maurel, etc.), commencent elles à travailler à partir de 300 000 ou 500 000 euros.

Seuils d'entrée banque privéeActifs sous gestion (1)(2)Nombre de clients (2)
Banques privées des grands réseaux
Caisse d'Epargne Banque Privée150 000 €122440 000 clients / 270 000 familles
BNP Paribas Banque Privée250 000 €102NC
Banque Populaire Gestion Privée150 000 €76386 000 clients / 206 000 familles
Société Générale Private Banking France500 000 €57NC
LCL Banque Privée300 000 €44,5192 900 clients / 99 200 familles
Indosuez Wealth Management (Crédit Agricole)NC31,8NC
Banque Transatlantique (CIC)300 000 €29NC
Banques privées pure-players
Neuflize OBC500 000 €47,632 000 clients / 13 000 familles
Rothschild Martin Maurel500 000 €22NC
UBS France1 000 000 €1713 500 clients
Edmond de Rothschild France1 000 000 €15,3NC
Groupe Pictet2 000 000 €9,3NC
Oddo BHF Private Wealth Management300 0007,125 000 clients / 18 000 familles
Swiss Life Banque Privée250 0005,15 888 clients
(1) en milliards d'euros
(2) au 30 juin 2018
Source : L'Opinion

Y a-t-il une démocratisation de la banque privée ?

« Les seuils d’entrée dans les grandes banques privées n’ont pas baissé au cours des dernières années », estime Philippe Vayssette. Ils ont même parfois tendance à se relever, à mesure que certaines enseignes font le choix de se concentrer sur la clientèle fortunée (dite High Net Worth), voire très fortunée (Ultra High Net Worth).

Dans le même temps, un pan de la banque privée a eu tendance à se démocratiser, surtout du côté des filiales des grands réseaux . « Ces acteurs ont réorganisé le métier en trois grandes catégories : la gestion privée ; la banque privée ; la gestion de fortune », constate Annabelle Rocat. « Et depuis 5 ans environ, il y a une démocratisation de la gestion privée. » « Certaines banques se sont rendues compte qu’il y avait un vivier de clients confrontés à des problématiques patrimoniales mais qui n’avaient pas forcément le ticket d’entrée », confirme Philippe Vayssettes.

« Une clientèle du milieu »

Une « clientèle du milieu », composée d’entrepreneurs, de cadres supérieurs, de jeunes héritiers, historiquement assez mal servie malgré de nombreux atouts. Le nombre d’abord : 1,3 million de personnes, selon l’estimation de Philippe Vayssettes, qui vise clairement cette cible avec Milleis. Une (relative) jeunesse ensuite, alors que, selon Annabelle Rocat, le « client banque privée moyen a aujourd’hui autour de 65 ans ». La volonté, enfin, de faire fructifier leur patrimoine en déléguant sa gestion, et qui est prête à payer pour cela.