Deux témoins se sont présentés coup sur coup à la barre du procès en appel de Jérôme Kerviel aujourd’hui. Le premier, un des responsables du trading de la Société Générale, a nié toute « machination » à l'encontre du prévenu. Le second, désigné comme un témoin-clé par la défense, a estimé que Kerviel est victime d’une « injustice ».

Maxime Kahn, 41 ans, a expliqué comment il avait « débouclé » (soldé) en janvier 2008 les positions prises par Jérôme Kerviel pour un montant « surréaliste », selon lui, de 50 milliards d'euros. Le dimanche 20 janvier au soir, a-t-il raconté, sa hiérarchie lui a demandé de venir le lendemain à 8 heures à la Société Générale pour mener « une opération client » qui devait rester « confidentielle », du fait de sa taille notamment. « Si le marché avait su que la Société Générale était en train de déboucler une position surnaturelle », la banque n'était « plus solvable », elle aurait été confrontée à une « crise de liquidités » fatale, selon lui.

Pendant trois jours, il a effectué des opérations de trading sans même savoir qu'il était en train de déboucler les positions de Jérôme Kerviel. Les montants étaient tels qu'il a cru à des opérations liées aux subprimes (crédits hypothécaires américains). « La Société Générale avait une exposition assez significative à l'immobilier américain », a-t-il expliqué, c'était donc « l'hypothèse la moins improbable, compte tenu des volumes ». Il n'a été au courant de « l'affaire Kerviel » que lorsque la banque a officiellement annoncé, le 24 janvier 2008, la « fraude » qui lui avait coûté 4,9 milliards.

Maxime Kahn a affirmé avoir débouclé ni plus, ni moins, que les 50 milliards de positions de Jérôme Kerviel. Il a en outre qualifié de « complètement délirante » la théorie d'un complot ourdi dès 2007 par la Société Générale, accusée par la défense d'avoir utilisé Jérôme Kerviel comme « fusible » dans la crise des subprimes.

Précédent « débouclement » en 1997

Maxime Kahn est également revenu sur un autre « débouclement » (désengagement) d'une position frauduleuse prise par un trader, qu’il a conduit en 1997. Le trader incriminé, licencié depuis après un rapport de l'inspection interne selon M. Kahn, avait pris une position directionnelle (sans couverture) qui atteignait « quelques centaines de millions de francs ». Selon lui, à l’époque, il ne s'est écoulé que « quelques semaines entre les premières positions frauduleuses et le débouclement ».

Il a également affirmé que la position du trader avait été masquée « de façon beaucoup moins ingénieuse » que ne l'a fait plus tard Jérôme Kerviel : « Ce qu'il a fait (Kerviel), je n'ai jamais rien vu d'aussi ingénieux pour masquer des opérations aussi grosses et aussi longtemps. »

« Un cas de conscience »

Après Maxime Kahn, c’était au tour de Philippe Houbé, salarié d'une filiale de la Société Générale, de témoigner. Désigné par la défense de Jérôme Kerviel comme un témoin-clé, il a expliqué qu'il se présentait à la cour d'appel parce qu'il ne supporte pas « l'injustice ».

« C'est un cas de conscience... J'ai connu l'injustice, je sais ce que c'est », a déclaré au début de son témoignage le chargé de compte à la société de courtage Newedge (ex-Fimat), filiale de la Société Générale. Pour lui, la manière dont la Société Générale a présenté l'affaire Kerviel - une fraude imputée à un seul trader, Jérôme Kerviel, qui lui a coûté 4,9 milliards d'euros - « insulte la profession, le bon sens et la justice ». « C'est ce qui m'a déterminé » à contacter l'avocat de l'ancien trader, David Koubbi, et à venir témoigner, a-t-il dit.

Dans cette affaire, « les représentants de la direction n'ont pas assumé leurs responsabilités ». Ils ont selon lui « sali » l'entreprise et son personnel « pour garder leurs postes et les avantages qui vont avec ». Pour lui, il est « impossible » que sa hiérarchie n'ait rien vu des prises de positions massives de Jérôme Kerviel. « Des choses énormes soi-disant dissimulées par des petites bidouilles ? », c'est impossible, a-t-il insisté.