Avec l’entrée en vigueur, le 1er mai prochain, de la durée maximale de remboursement pour les crédits renouvelables, Christine Lagarde a dû résoudre une difficile équation : tenir sa promesse de mettre fin aux "crédits qui ne se remboursent jamais", sans remettre en cause l’existence d’un produit jugé indispensable pour soutenir la consommation.

C’était le premier des « points noirs du crédit à la consommation », présentés par la ministre de l’économie à la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale en décembre 2009. C’est aussi devenu son principal slogan, au moment de faire la promotion de la réforme : il faut mettre un terme aux « crédits qui ne se remboursent jamais ».

En cause bien sûr, le crédit renouvelable. Un produit utile, notamment pour financer des achats de petit montant ou gérer des aléas de trésorerie, mais qui, mal utilisé, peut devenir un véritable « piège », pour reprendre l’expression du député UMP François Loos, rapporteur de la loi à l’Assemblée. Certains ménages, ne pouvant assumer des mensualités importantes, n'ont aujourd'hui pas d'autres choix que de contracter ce type d'emprunt. Le risque, en cas de réutilisations trop fréquentes : ne parvenir à rembourser, mois après mois, que les intérêts, souvent élevés, de leur crédit, sans s’attaquer au capital dû.

Plusieurs leviers

C’est ainsi que Christine Lagarde, au moment de la conception de la loi qui porte désormais son nom, s’est retrouvé face à un équation complexe à résoudre : comment mettre effectivement fin à ces crédits qui ne se remboursent jamais, sans modifier fondamentalement la nature d’un produit utilisé pour financer, par exemple, 40% des achats par correspondance ?

Pour y parvenir, la loi Lagarde, promulguée le 1er juillet 2010, pose un principe : chaque mensualité d’un crédit renouvelable devra désormais comporter une part de remboursement du capital emprunté, de telle manière que la durée totale de remboursement soit limitée à 36 mois pour les crédits jusqu’à 3000 euros et à 60 mois au-delà. Le montant de chaque échéance sera par ailleurs de 15 euros au minimum. L’ensemble fait l’objet d’un décret d’application, daté du 22 mars dernier. Ces mesures, quant à elles, s’appliqueront pleinement pour les crédits contractés à compter du 1er mai, et progressivement pour les crédits déjà existants.

D'autres leviers s'attaquent également au problème : la réforme du taux de l'usure qui, à terme, supprimera la distinction par type de prêt au profit d'une distinction par montant ; l'obligation de proposer une alternative amortissable au crédit renouvelable pour les achats supérieurs à 1.000 euros ; l'obligation, enfin, pour le prêteur sur le lieu de vente de mieux s'informer sur la situation de l'emprunteur.

L’intérêt des prêteurs

Reste désormais à savoir si ces mesures auront l’impact attendu. Pour Nicolas Pecourt, directeur de la prospective chez Crédit Agricole Consumer Finance (plus connu pour ses marques Finaref et Sofinco), la réponse est oui. « Cela va recentrer l'usage du crédit renouvelable sur ses deux vocations premières, qui sont les achats de petit montant et la gestion des à-coups de trésorerie des ménages », explique-t-il, tout en défendant les pratiques actuelles des banques : « La distribution responsable du crédit existe déjà en France. J’en veux pour preuve le taux de refus, qui est de 45% pour le crédit renouvelable. »

Autre point de vue, celui de Denis Cotte, qui conteste l’idée que le décret mette un terme aux crédits qui ne se remboursent jamais. Cet ancien cadre supérieur d’un établissement de crédit français, reconverti dans la lutte contre le surendettement, reconnaît de nombreuses vertus à la loi Lagarde. Mais il est très critique sur la mise en œuvre de certaines mesures qui, selon lui, font passer les intérêts des prêteurs avant ceux des emprunteurs.

La spirale toujours possible

C’est le cas, notamment, du décret du 22 mars. « François Loos avait clairement expliqué en commission des affaires économiques que le crédit renouvelable devait être composé de lignes de crédits, et que la durée maximum devait s’appliquer indépendamment sur chacun des tirages effectués sur le compte » explique Denis Cotte. « Au final, le décret autorise pourtant que chaque nouveau tirage allonge la durée de remboursement des tirages précédents. Or, c’est cet allongement qui provoque l’explosion du coût du crédit, et crée le malendettement. »

Pour lui, c’est clair : le gouvernement a changé son fusil d’épaule, pour préserver le modèle économique des banques. « Si la réforme avait été appliquée comme prévu, c’est le cœur même du modèle économique du crédit revolving qui était touché. C’était une mesure effrayante pour elles. » Au final, si l’arsenal de mesures entrant en vigueur début mai apporte un plus indéniable par rapport à la situation actuelle et semble en mesure d’éviter certaines dérives dans la distribution et l’utilisation du crédit renouvelable, la spirale du crédit qui s’étire indéfiniment, et du montant des intérêts qui s’envole, reste toujours possible. Mais la balle est aussi dans le camp des consommateurs, qui doivent apprendre à éviter le piège des « crédits qui ne se remboursent jamais ».

A lire : le rapport rédigé par François Loos au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblé nationale, daté de décembre 2009