INFO MONEYVOX. Revolut compte désormais plus de 3 millions de comptes ouverts en France, mais a encore de l'appétit. Dans sa ligne de mire désormais, les 6 millions de clients du leader du marché de la banque en ligne, BoursoBank et, pourquoi pas, les 20 millions du Crédit Agricole. Comment compte-t-elle y parvenir ? Les réponses d'Antoine Le Nel, VP Croissance Globale et Partenaire associé chez Revolut.

Antoine Le Nel, VP Croissance Globale et Partenaire associé chez Revolut
Antoine Le Nel
VP Croissance Globale et Partenaire associé chez Revolut
Antoine Le Nel, Revolut vient de passer deux caps importants, 40 millions de clients dans le monde et 3 millions en France, le tout sans primes de bienvenue ou campagnes publicitaires massives. Quelle est votre recette pour attirer l'attention ?

Antoine Le Nel : « Nous avons une approche assez différente d'autres acteurs du marché français. Dans un premier temps, notre croissance a été portée par le bouche-à-oreille, notamment parmi ceux qui utilisaient Revolut pour payer pendant leurs voyages. À partir de 2021, nous avons commencé d'investir un peu plus dans le marketing, mais de manière graduelle et réfléchie. Nous ne nous sommes pas lancés la fleur au fusil, en nous disant : “mettons en place un gros plan marketing et on verra ce que ça donne“... »

Vous parvenez à grossir rapidement tout en étant profitable, au niveau global, alors que la majorité de vos concurrents perd de l'argent...

Antoine Le Nel : « Nous avons réussi à mettre en place un cercle vertueux : plus on investit dans le marketing, plus nos clients nous utilisent ; plus ils nous utilisent, plus ils génèrent de la valeur que nous pouvons réinvestir. Nous avons un autre atout : nous sommes un acteur global, présent sur 40 marchés. Cela nous permet de tester des choses dans de plus petits pays, en Europe ou ailleurs, et de ne lancer en France, l'un des 3 marchés les plus importants pour Revolut, que des produits dont nous sommes certains qu'ils sont les bons. »

« En France, notre Étoile polaire, c'est le Crédit Agricole et ses 20 millions de clients »

Quel est aujourd'hui l'objectif à atteindre pour Revolut en France, en termes de nombre de clients ?

Antoine Le Nel : « La vision de Revolut est de proposer tous les produits financiers, et plus encore, au sein d'une même plateforme. L'aboutissement de cette vision est de devenir la plus grosse banque dans chaque marché dans lesquels nous opérons. En France, notre Étoile polaire, c'est le Crédit Agricole et ses 20 millions de clients. Evidemment, cela va nous prendre un peu de temps, mais c'est un objectif qui nous paraît atteignable si l'on s'en donne les moyens. À plus court-terme, dans les 12 à 18 prochains moins, l'objectif est de dépasser le rythme de croissance de BoursoBank. Nous accueillons actuellement plus de 100 000 nouveaux clients par mois et nous devrions rapidement doubler ce chiffre pour atteindre un niveau d'acquisition proche des 2 millions de clients par an. »

Néobanque : Revolut dépasse les 3 millions de comptes en France

Ces chiffres donnent le tournis. Qu'est-ce qui vous permet aujourd'hui d'être aussi confiants dans votre potentiel en France ?

Antoine Le Nel : « Les exemples existent. Aujourd'hui, 50% des Irlandais sont des utilisateurs actifs de Revolut. En Roumanie, nous sommes à 20% ; au Royaume-Uni à 12% ; au Portugal à 10%... Cela confirme que nous sommes capables d'atteindre des taux de pénétration très élevés. En France, atteindre les 20 millions de clients signifie, grosso modo, que 30% de la population vous utilise. Ce n'est pas complètement hors de propos. »

« La France va se “digitaliser“ à très grande vitesse »

Les Français ont tout de même la réputation d'être assez conservateurs en matière d'argent et assez méfiants sur les propositions 100% numériques. Cela ne risque-t-il pas d'être un frein pour Revolut ?

Antoine Le Nel : « Je pense que vous êtes un peu durs avec les Français, il y a largement pire (rires) ! L'Allemagne est le marché le plus difficile. En France, des acteurs numériques comme BoursoBank ou Fortuneo sont là depuis plusieurs décennies, c'est assez remarquable. Prenons l'exemple de l'Espagne. Dans ce pays, il n'y a pas eu d'équivalent à BoursoBank, les usages numériques se sont développés plus tard qu'en France. Mais aujourd'hui, la bascule est massive. Revolut est l'acteur qui y ouvre le plus de comptes, à un rythme deux fois plus élevé que BBVA, qui arrive en 2e place. La France, je pense, va également se digitaliser à très grande vitesse, l'accélération est déjà en cours. »

Aujourd'hui, le marché français de la banque numérique est largement dominé par BoursoBank, qui compte déjà plus de 6 millions de clients. Y a-t-il vraiment la place pour un autre acteur de cette envergure ?

Antoine Le Nel : « Une dizaine de marques se partage le marché de la banque traditionnelle, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas la même chose pour la banque numérique. Revolut a une carte supplémentaire à jouer : nous sommes un groupe indépendant, à la différence des banques en ligne, qui appartiennent toutes à des groupes bancaires. Nous sommes donc beaucoup plus agiles que ces autres acteurs numériques qui, en réalité, n'en sont pas réellement puisqu'ils viennent de l'ancien monde. »

« Revolut est un groupe indépendant, à la différence des banques en ligne »

Le rythme des mises à jour et des nouveautés dans l'application Revolut est, en effet, sans équivalent chez vos principaux concurrents. En grossissant, allez-vous réussir à maintenir ce rythme ?

Antoine Le Nel : « Revolut compte aujourd'hui plus de 9 000 employés, nous sommes une grosse entreprise, pas une petite start-up qui bricole dans son garage. Malgré cela, nous avons réussi à conserver cette agilité. C'est avant tout une question de culture d'entreprise. Notre approche est la suivante : nous partons du client et de ses besoins. Cela nous est égal qu'un produit soit considéré comme de la banque ou non, ce qui importe, c'est qu'il ait du sens pour nos utilisateurs. Un exemple récent est le lancement de l'e-SIM au Royaume-Uni [Les usagers britanniques peuvent désormais installer, depuis leur application Revolut, une carte SIM dématérialisée et bénéficier d'un quota de data dans plus de 100 pays, NDLR]. Aucune banque ne l'avait jamais fait, alors que ça paraît une évidence, quand on y pense. Nous avons un département, baptisé New Bets [nouveaux paris, NDLR], chargé uniquement de trouver et de tester des innovations. »

Un des enjeux pour convaincre les Français est de mieux “localiser“ votre offre, en proposant, par exemple, un incontournable comme le Livret A. C'est pour quand ?

Antoine Le Nel : « Le Livret A va arriver, mais probablement un peu plus tard que d'autres produits qui nous semblent plus importants, aujourd'hui, pour que les Français nous choisissent comme banque principale : le découvert, qui arrivera cette année, les cartes à débit différé ou encore le crédit immobilier. »

« Le découvert arrivera cette année »

Revolut compte encore beaucoup de clients qui n'utilisent l'application qu'occasionnellement, par exemple lorsqu'ils voyagent, ou pour des usages précis : investir en cryptos ou en actions, partager des dépenses, etc. Comment les convaincre d'en faire plus ?

Antoine Le Nel : « 30% des usagers français, tout de même, nous utilisent comme banque de paiement principale, celle avec laquelle ils effectuent la majorité de leurs paiements. Ceux qui y font virer leurs revenus sont beaucoup moins nombreux. En clair, Revolut est utilisé aujourd'hui plus comme un compte de flux que comme un compte de dépôt. Pour parvenir à les convaincre de domicilier leur salaire, nous avons encore des choses à mettre en place, et l'autorisation de découvert en fait partie. Il faut aussi se souvenir qu'il y a encore quelques mois [jusqu'en mai 2022, NDLR], nous n'avions pas de succursale française et que les IBAN de nos comptes étaient lituaniens [Revolut opère dans l'Union européenne avec une licence bancaire obtenue en Lituanie, NDLR]. Certains de nos clients avaient sans doute des réticences à domicilier leur salaire sur un IBAN étranger. L'IBAN français apporte de la confiance, on constate d'ailleurs que les domiciliations de salaire augmentent. »

Il vous reste aussi, pour toucher un plus large public, à installer la marque Revolut dans l'espace public français. On imagine que c'est l'objectif de votre nouvelle campagne de pub TV, la deuxième seulement depuis votre arrivée en France...

Antoine Le Nel : « Notre approche en termes de communication évolue, en effet. Avec 3 millions de clients, vous n'êtes plus un nouvel entrant, plus un challenger, vous êtes un acteur établi dans le paysage bancaire. C'est pour cela, aussi, que nous avons choisi d'être le partenaire de la NBA pour un événement de l'ampleur du NBA Paris Game 2024, en janvier. L'enjeu pour nous est d'être reconnu comme une banque sans être vu comme une banque, de montrer que nous avons une approche de la banque très différente des autres, que nous voulons redéfinir le secteur dans son ensemble. »

Cartes, fonctionnalités... L'offre de Revolut décryptée