A la lecture des données compilées par la Fédération bancaire française, l’Hexagone a connu ces dernières années une baisse moins prononcée du nombre d’agences que la moyenne des pays européens. Toutefois, nous ne sommes qu’aux prémices de la restructuration du réseau bancaire. Plus 4 500 agences fermeront leurs portes d'ici 2020.

Ouverture de compte en ligne, chat avec son conseiller, besoin d’espèces plus faible, ou encore souscription d’un crédit à distance, les raisons de pousser la porte de son agence sont de moins en moins nombreuses. Selon une récente étude du cabinet Deloitte sur la relation entre les banques et leurs clients, 27% des Français ne font aucune utilisation des services de leur agence, contre 18% en 2014. « Les clients viennent en agence quand ils ont besoin d’un vrai service, pour des étapes importantes de leur vie comme une épargne à constituer pour la retraite, un héritage à placer ou un prêt à réaliser », illustre Régis Dos Santos, porte-parole du syndicat salariés SNB (Syndicat national de la banque). Dans ce contexte, qui n’est pas propre à la France, les fermetures d’agences s’avèrent pour les groupes la conséquence logique du changement des habitudes de leurs usagers.

Des fermetures moins marquées en France qu’en Europe

Mais, à la différence de nos voisins européens, la restructuration du réseau français est progressive. A fin 2017, l’Hexagone comptait 37 209 agences, un chiffre en repli de 3% depuis 2009, d’après les données de la Banque centrale européenne, reprises par la Fédération bancaire française (FBF). Par rapport au reste de l’Europe, la baisse est faible. Sur la même période, les banques de la zone euro ont en effet fermé 21% de leur réseau en moyenne. L’Espagne et les Pays-Bas ayant respectivement perdu 38% et 48% de leurs points de vente.

Pour ces pays, la dématérialisation de la relation bancaire n’explique pas la totalité des fermetures. « Suite à la crise financière, ils ont eu des politiques plus radicales », rappelle Régis Dos Santos. « En France, il y a eu une sorte de pacte social qui a permis de mieux préserver l’emploi. Les banques françaises ont davantage joué sur le non remplacement des départs à la retraite pour abaisser leurs effectifs et retrouver leur rentabilité d’avant crise », poursuit le porte-parole syndical.

13% des guichets vont fermer entre 2016 et 2020

Pour autant, la volonté des groupes bancaires est bel et bien, à terme, de se rapprocher de la moyenne européenne. Selon le SNB, syndicat majoritaire dans le secteur bancaire, la restructuration va s’accélérer dans les prochains mois. « Selon les établissements, entre 15% et 20% de fermetures sont prévues », souligne-t-il. Plus précisément, le dernier plan stratégique de LCL comprend la suppression de 13% de son réseau, soit 250 agences, d’ici 2020. Le sort de 200 guichets BNP Paribas est également scellé. Entre 2017 et fin 2020, la « banque d’un monde qui change » va ainsi se séparer de 10% de son réseau. Du côté de la Société Générale, ce sont 300 agences qui sont menacées. Plus généralement, d’après une étude du cabinet Sia Partners, près de 13% du réseau français va fermer entre 2016 et 2020. A cette date, l’Hexagone devrait comptabiliser quelques 32 500 agences.

« Il y a 2 ou 3 ans, on pensait que le monde mutualiste resterait à l’écart. Ce n’est plus vrai ! »

Les banques mutualistes ne s'étaient pas engagées jusqu’à présent dans cette vague de restructuration. Si entre 2012 et 2016, BNP Paribas et la Société Générale ont cédé respectivement 11% et 6% de leurs agences, le Crédit Mutuel et le Crédit Agricole se sont, eux, séparés de 2% et 0,2% de leurs points de vente, selon Sia Partners. Ce constat vaut aussi pour les deux autres réseaux mutualistes. La Banque Populaire et la Caisse d’Epargne ont fermé seulement 1% et 0,5% de leur réseau sur cette période. Toutefois, il semble que cette exception mutualiste touche à sa fin.

« Il y a encore deux ou trois ans, on pensait que le monde mutualiste resterait à l’écart, mais ce n’est plus vrai aujourd’hui », estime ainsi Régis Dos Santos. « BPCE [le groupe né de la fusion de Banque Populaire et Caisse d’Epargne] a changé d’optique. Il est désormais dans une politique de fermetures et de regroupement d’agences d’ampleur », souligne le porte-parole du SNB. Pour rappel, début 2017, le groupe a annoncé vouloir se séparer de 400 guichets en 3 ans. Une rationalisation qui se concrétise également par l’accélération des fusions des caisses. Début 2017, le réseau Caisse d’Epargne comptait 16 enseignes régionales. Ces dernières ne seront plus que 14, au maximum, d’ici 2020, prévoit le plan stratégique du groupe.

Réorganisation des agences restantes

La rationalisation des réseaux passe par des fusions au niveau régional, mais aussi localement. « Pendant des années, les banques ont éclaté les agences en petites unités de deux, trois voire une personne parfois. Maintenant, nous allons connaître le processus inverse », observe Régis Dos Santos. Pour les banques, la fermeture des agences nécessite en effet de revoir l’organisation des guichets restants. « Les agences de demain, surtout dans les villes moyennes, seront des agences de tailles conséquentes et segmentées par domaine d’expertise : un secteur crédit, un secteur épargne, un secteur retraite… » Et dans les campagnes isolées, des camionnettes-agences pourraient prendre le relais, envisage le représentant syndical. Il s’appuie notamment sur des initiatives menées par le Crédit Agricole dans certaines régions. « Nous allons revenir à des formules qui existaient il y a 30 ou 40 ans. A la Caisse d’Epargne et au Crédit Agricole, des camions faisaient, à l’époque, des tournées dans les villages », rappelle-t-il.