Le Denormandie, un dispositif de défiscalisation dans l'immobilier ancien créé en 2019 n'enthousiasme pas les foules. Loin de là. Moins de 250 ménages devraient en profiter en 2022. Autopsie d'un échec.

Pourtant connu par près de la moitié des Français (47%), selon une récente étude Se Loger (1), le Denormandie lancé en 2019 ne semble pas décoller depuis sa création. Alors pourquoi ce dispositif mis en place pour avantager ceux qui souhaitent rénover des logements, afin de les mettre en location, est autant un flop ?

Sur le papier, la promesse est pourtant alléchante : à l'image du Pinel pour le neuf, il permet une réduction fiscale jusqu'à 21% du prix du bien pour une durée de location de 6 à 12 ans avec des loyers plafonnés. Ce dispositif qui tient son nom de l'ancien ministre chargé de la Ville et du Logement, et désormais ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, a été mis en place pour les logements anciens nécessitant des travaux. Ceux-ci doivent représenter au moins 25% du coût total de l'opération (frais de notaire inclus). L'objectif du Denormandie est double : encourager la rénovation dans l'ancien et mettre sur le marché des logements abordables.

245 bénéficiaires seulement en 2022

Mais face au succès du Pinel, le Denormandie peine à s'imposer. Selon la simulation publiée dans les annexes de la loi de finances 2022, seuls 245 ménages vont en bénéficier cette année. Une prévision basse pour un dispositif censé inciter à la réhabilitation du patrimoine immobilier. La réduction d'impôt aura donc un coût estimé à 2 millions d'euros pour les finances publiques. C'est encore moins que les 15 millions d'euros budgétisés en 2021 et les 6 millions d'euros pour 2020. A l'inverse, le manque à gagner pour l'Etat avec le Pinel s'élève à près de 1,4 milliard d'euros pour 257 000 ménages bénéficiaires en 2022.

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« Les prévisions de montée en puissance du projet de loi de finances pour 2021 étaient basées sur une analyse a priori, sans aucun élément sur la réalité du démarrage opérationnel du dispositif. Pour la préparation du projet de loi de finances 2022, on a mobilisé des données fiscales définitives pour l'année 2020 et quasi-définitives pour l'année 2021. La prévision initiale sous-évaluait clairement la durée de montée en charge du dispositif et la complexité du montage de ces opérations », explique le ministère du Logement à MoneyVox.

Les villes visées peu attractives

En effet, profiter des avantages du Denormandie, n'est pas si simple. D'abord, il n'est pas accessible partout. En effet, il ne concerne que les biens situés dans certaines communes, celles en zone labellisée « Cœur de ville » et celles qui ont passé une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT). « Le Denormandie est « adossé à des périmètres d'intervention ORT dont l'éclosion est également soumise à une certaine temporalité. Ces conventions sont le support de projets de territoire partenariaux pouvant nécessiter du temps pour se formaliser. On note toutefois un développement régulier du dispositif, qui représente aujourd'hui : 278 ORT signées par 484 villes dont 223 sont membres du programme Action cœur de ville (ACV) et 127 du programme Petites Ville de demain (PVD) et 609 communes en projet », explique le ministère.

Il s'agit donc de villes de taille souvent intermédiaire, avec des centres urbains qui cherchent à se dynamiser, et avec un bassin d'emploi limité qui attire donc moins les locataires potentiels : étudiants ou jeunes actifs notamment. Dans ce contexte, avant d'investir, il faut avoir une connaissance fine du marché local. En effet, l'avantage fiscal du dispositif Denormandie dépend de la location effective du bien. Il est donc très important de bien choisir la localisation pour ne pas se retrouver sans locataire et donc perdre cette réduction d'impôts.

Attention aux coûts des travaux

Avant de se lancer dans une opération Denormandie, il faut aussi bien prendre en compte le coût des travaux qui doivent permettre une consommation énergétique annuelle en-dessous de 331 kilowattheures (kWh) par mètre carré, soit la catégorie E au minimum sur le diagnostic de performance énergétique.

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Par exemple, comptez entre 80 et 120 euros par mètre carré pour l'isolation par l'extérieur, entre 35 et 70 euros pour l'isolation des combles perdus. Par ailleurs, l'installation d'une chaudière performante, en intégrant le remplacement de l'ancienne par un modèle neuf à condensation gaz ou fioul, s'élèvera entre 4 000 et 8 000 euros ! Un budget travaux qui s'envole ces derniers mois avec le bond des prix de plus de 60% des matériaux comme les aciers et les produits PVC.

Selon un expert du secteur interrogé par Moneyvox, « les contraintes liées au dispositif Denormandie le rendent contre-productif ». En additionnant le prix d'acquisition du bien et celui des travaux, le coût global d'une opération peut rapidement atteindre un niveau similaire à celui d'un bien de défiscalisation dans le neuf comme le Pinel. Pas étonnant que le Denormandie est du mal à décoller.

Un sentiment partagé par Maël Bernier, directrice de la communication et porte-parole du courtier Meilleurtaux : « Même si je n'ai pas eu connaissance de montage de dossier pour ce dispositif ; le manque de pédagogie, les contraintes liées aux travaux, à l'obtention des devis et au déblocage des fonds pour un prêt, font que le Denormandie est une niche dans la niche de la défiscalisation immobilière ».

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(1) Étude réalisée par SeLoger en collaboration avec Opinion way en février 2021 auprès de 271 futurs acquéreurs ayant un projet d'investissement locatif.