Avec la mise en place du nouveau DPE en juillet 2021, 800 000 logements vont voir l'évaluation de leurs performances énergétiques baisser. Le risque, pour les propriétaires qui hésitent à engager des travaux coûteux, est de dévaluer leur bien de près de 20%. Pour les bailleurs, un calendrier de sanctions a déjà été voté.

Avoir un jardin mais pas de vis-à-vis, une maison plutôt qu'un appartement et, si possible, à la campagne plutôt qu'en centre-ville. Les Français ont un avis tranché sur le bien de leurs rêves selon une étude du groupe Notariat Service (1). En revanche, il n'est à aucun moment question des performances énergétiques dudit logement. La donne pourrait bientôt changer sous l'impulsion du nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE). Obligatoire et établi par un professionnel certifié depuis 2006, il donne une idée des factures énergétiques à prévoir dans les charges annuelles selon un classement de 7 étiquettes qui va de A à G : A correspondant à la meilleure performance, G à la plus mauvaise. Quinze ans plus tard, la méthode de calcul a été modifiée au point d'inquiéter éventuels vendeurs et propriétaires bailleurs.

Désormais, le nouveau DPE tiendra compte « à la fois de la consommation d'énergie primaire et des émissions de gaz à effet de serre », précise le ministère du Logement. Cette modification apportera « plus de fiabilité » et évitera des « DPE vierges » en l'absence de facture disponible, comme c'est le cas pour près de 20% des DPE réalisés.

Le marché immobilier va suivre le calendrier des sanctions

Selon les termes de la récente loi Climat et Résilience, pour inciter à effectuer des travaux dans les logements mal notés, un audit sera obligatoire (F et G en 2022, E en 2025 et D en 2034) et listera les aménagements à entreprendre, lors d'une vente ou d'une mise en location. Le fioul comme le gaz pour leurs émissions à effet de serre n'y ont pas la cote, à l'inverse du chauffage électrique ou des cheminées à bois. Pour les biens mis en location, la hausse des loyers sera interdite dès 2022 pour les logements classés F et G. Ces biens ne pourront plus être proposés à la location si les travaux ne sont pas réalisés à partir de 2025 (G), 2028 (F) et 2034 (E).

« De nombreux biens immobiliers vont être déclassés »

« L'impact à moyen terme est inévitable. Le marché immobilier va s'adapter au calendrier des sanctions pour moduler ses prix », juge Thomas Abinal de Monetivia, une société spécialisée dans l'immobilier et l'ingénierie patrimoniale. « La prise de conscience viendra lorsque les propriétaires recevront leur nouveau DPE et réaliseront l'ampleur des travaux à engager », confirme à MoneyVox Arnaud Groussac de Patrimoine Store, un groupe qui accompagne les acheteurs immobiliers. Si aucun expert interrogé par MoneyVox ne critique la volonté d'améliorer les performances énergétiques des logements, tous s'interrogent sur les moyens des ménages modestes à réaliser, malgré la hausse régulière des factures énergétiques, des travaux coûteux.

Pour « des opérations de rénovation globale le montant dépasse régulièrement 50 000 euros, voire s'approche de 70 000 euros », souligne Olivier Salleron, le président de la Fédération française du bâtiment. On estime aussi entre 800 et 1 000 euros du mètre carré des travaux d'isolation, surtout s'il faut changer les huisseries.

Gaz et électricité : comment baisser vos factures

Des aides à la rénovation existent et trouvent leur public mais elles plafonnent à un peu plus de 20 000 euros dans le meilleur des cas en cumulant le dispositif MaPrimeRenov' et les certificats d'énergies (CEE). Un crédit conso dédié à la rénovation énergétique vient d'être relancé par le gouvernement. Ces travaux sont aussi sujets à la TVA à 5,5% ce qui allège la facture. Une maigre consolation quand les matières premières sont de plus en plus chères en sortie de crise sanitaire, tirant elles, les prix des travaux vers le haut.

4 logements sur 10 vont voir leur note changer

Selon les estimations du gouvernement, 40% des logements vont voir leur note évoluer du fait de la réforme. 800 000 logements pourraient basculer de E à F. « De nombreux biens immobiliers vont être déclassés » dans les prochains mois, insiste Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux. Et leurs propriétaires vont devoir envisager des travaux. C'est comme pour la vente d'une voiture après le contrôle technique : soit vous faites les travaux, soit vous baissez le prix. Une étude des notaires de France publiée en 2020 montre d'ailleurs qu'une étiquette F ou G baisse le prix de 3 à 9% pour les appartements et de 3 à 18% pour les maisons. Sur un bien à 250 000 euros, la chute maximale peut donc être comprise entre 22 500 et 45 000 euros...

Une forte décote du prix à envisager

« La décote se fera au cas par cas, prévient Arnaud Groussac. Elle va aussi dépendre de la date et du lieu d'achat. » L'impact est plus marginal dans les zones tendues où les prix de la pierre ont explosé. Par exemple, depuis 2000, la valeur du m2 dans chaque arrondissement de Paris a été en moyenne multipliée par quatre.

Sanction ou effet d'aubaine ?

« Je vois deux cas de figure, poursuit Arnaud Groussac. Soit le propriétaire habite son bien, se projette dans le temps et s'engage dans des travaux qui le valorisent et abaissent ses factures du quotidien, soit le propriétaire est bailleur et dans ce cas il doit mesurer le ratio 'bénéfice - gain'. Dans les deux cas, le nouveau DPE est une alerte. Nos clients âgés voient ça comme une sanction supplémentaire car ça s'ajoute à la taxe foncière qui augmente. J'y vois aussi un effet d'aubaine pour de plus jeunes investisseurs malgré des conditions de prêt immobilier de plus en plus drastiques. »

Le DPE peut-il vous priver d'un prêt immo ?

Travaux ou vente, il n'est pas non plus nécessaire de se précipiter car il reste une inconnue de taille. « Les seuils seront revus en janvier 2022 », rappelle Thomas Abinal. En effet, la méthode de calcul des nouveaux DPE est en phase de test. Dès mi-juillet, la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (Fidi) faisait état d'une surévaluation des estimations de consommation dans 80% des diagnostics effectués depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle formule. Un constat que la Fidi maintient mi-septembre et qui incite à la prudence. D'ailleurs, rien ne dit que ces récents diagnostics, facturés en moyenne 110 euros pour un studio et 225 euros pour une maison de 5 pièces selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), pourront être révisés gratuitement si les règles changent.

Autre élément crucial : le nouveau DPE est opposable, c'est-à-dire qu'on peut le contester en justice et obtenir une éventuelle réparation qu couvrira a minima le montant estimé des travaux. Le vendeur doit donc jouer carte sur table avec son acquéreur. « La pression sur les clients, particuliers comme agence immobilière », est plus forte, confie un acteur du marché. La moindre incertitude sera au désavantage du propriétaire et abaissera le prix de vente. Le casse-tête des propriétaires ne fait que commencer entre rentabilité et environnement.

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(1) Enquête immonot.com réalisée en août 2021 auprès de 1 494 personnes.