Un lecteur de MoneyVox se demande si l'Etat peut piocher dans l'épargne des Français pour soutenir l'Ukraine.

Question de Manel, le 8 mars

« Livret A : est-ce qu'il y a un risque que l'Etat prenne sur nos comptes pour financer l'Ukraine ? »

Bonjour Manel, et merci pour votre question.

Ce jeudi, une proposition de loi sera débattue ce jeudi à l'Assemblée nationale. Son objet : imposer aux banques d'utiliser une partie de l'argent du Livret A pour financer l'industrie de la défense. Soutenue par le groupe Horizons, ce texte fait écho à la proposition similaire votée par le Sénat la semaine dernière.

Flécher une partie de l'argent du Livret A vers la Défense ?

Le texte qui sera débattu à l'Assemblée vise à ajouter les « entreprises, notamment petites et moyennes, de l'industrie de défense française » aux secteurs déjà financés par les banques via les Livrets A, LDDS et LEP. En effet, aujourd'hui, près de 60% des 568,1 milliards d'euros placés fin janvier sur ces deux livrets sont dédiés en priorité au logement social, via la Caisse des dépôts (CDC).

Le reste – l'épargne non centralisée - est utilisé par les établissements bancaires pour prêter aux PME (dont potentiellement celles de la défense), à de projets en lien avec la transition énergétique ou l'économie sociale et solidaire. Cette proposition de loi vise à permettre que cet argent puisse aussi servir à prêter de l'argent aux entreprises françaises du secteur de la Défense.

Livret A : où va votre argent ?

« L'outil militaire et industriel doit être en mesure de faire face à toute menace sur la paix et la stabilité. Ce n'est pas vraiment le cas aujourd'hui », explique le sénateur Les Républicains Pascal Allizard.

Mais ce fléchage d'une petite partie de l'épargne réglementée vers l'armement n'a pas du tout les faveurs du gouvernement. La ministre déléguée aux Entreprises, Olivia Grégoire, a encore redit que « l'instrument (n'était) pas le plus approprié. « Le Livret A, pour moi, c'est le logement social et ça doit le rester. Je me suis battu pour que le LDDS serve exclusivement les investissements verts et je souhaite que ce soit le cas », expliquait le ministre de l'Economie Bruno Le Maire début décembre.

Selon un sondage réalisé par l'institut YouGov pour MoneyVox, 54% des personnes interrogées ne sont pas favorables à ce que l'épargne placée sur le Livret A, le livret de développement durable et solidaire (LDDS) et le livret d'épargne populaire (LEP) puisse également être fléchée vers les PME de l'industrie de défense.

Cette semaine, plusieurs syndicats et associations ont fait connaître également leur opposition à cette mesure. Dans ce contexte, il est peu probable que cette proposition de loi voit le jour, et dans tous les cas Manel, même si c'était le cas, l'Etat ne viendrait pas prendre d'argent sur vos comptes pour financer l'Ukraine. Une petite partie des dépôts sur les livrets d'épargne réglementée pourrait seulement être prêtée à des PME françaises du secteur de la défense.

« L'Etat n'a pas annoncé qu'il allait prélever 500 euros sur l'épargne d'un Français sur dix pour l'Ukraine »

Manel, votre question fait aussi peut-être référence à des messages postés sur les réseaux sociaux affirmant que l'Etat serait sur le point de retirer « 500 euros » des comptes épargne « d'un Français sur dix » pour aider l'Ukraine. Mais comme l'analyse l'AFP dans un article très complet, « ces propos extrapolent de façon trompeuse le message d'une tribune publiée dans Le Monde fin janvier, qui proposait la création d'un “livret d'épargne pour l'Ukraine “. Non seulement, l'Etat n'a rien annoncé de tel mais ce serait de toute façon illégal en l'état actuel des lois ».

« A aucun moment l'Etat ne peut venir ponctionner une somme d'argent sur les comptes épargne des Français. Il ne pourrait pas non plus sur les comptes courants. Les personnes qui véhiculent, partagent ce type de propos, diffusent de la désinformation », fait ainsi savoir la Fédération bancaire française (FBF).

« Si un tel prélèvement arbitraire par l'Etat sur des comptes d'épargne ne serait donc pas légal, le gouvernement pourrait néanmoins en théorie demander au Parlement de mettre en place un impôt dédié, visant les personnes possédant de l'épargne et dont les recettes seraient utilisées pour l'armement ou l'aide à l'Ukraine. Une idée qui serait théoriquement possible, mais complexe et hautement improbable en réalité », d'après plusieurs spécialistes interrogés par l'AFP.