L'évolution du taux du Livret A au 1er août fait polémique. Si le ministre de l'Economie n'est pas opposé à une hausse du produit d'épargne préféré des particuliers, le gouverneur de la Banque de France alerte sur les conséquences d'une forte hausse de la rémunération du Livret A sur le crédit immobilier.

« Le taux du Livret A, toujours une affaire d'État ». Voici le titre du dernier billet de l'économiste Philippe Crevel. En effet, alors que le niveau actuel de l'inflation devrait se traduire par une hausse de la rémunération du produit d'épargne préféré des Français à compter du 1er août, une intense campagne de lobbying a été lancée, notamment de la part des banques pour la bloquer, et éviter que les ménages y déposent encore plus d'argent.

En se basant sur la formule de calcul du Livret A, son taux devrait passer de 3% aujourd'hui à 4,3% cet été. « Tout le monde a intérêt à maintenir un taux à 3% », commente un expert aux Echos : « Les banques bien sûr, mais aussi la Caisse des dépôts, qui finance le logement social, et tout l'écosystème économique français en réalité. »

Les banques poussent pour le statu quo

En effet, la Caisse des dépôts qui centralise environ 60% de la collecte du Livret A, est chargée de prêter cette ressource, notamment, au secteur du logement social. Ce dernier milite pour un statu quo du taux du Livret A car les taux des prêts accordés par la Caisse des dépôts pour la construction de logements sociaux sont indexés sur l'évolution de la rémunération du Livret A.

Quant aux banques qui gèrent 40% des encours du Livret A, elles ne veulent pas non plus entendre parler d'une hausse du taux du Livret A qui est déjà passé de 0,5% à 3% entre janvier 2022 et février 2023.

D'après Les Echos, « chez BPCE [dont Caisse d'Epargne, distributeur historique du Livret A, NDLR], les hausses successives de taux ont déjà coûté 700 millions d'euros en 2022, souligne le quotidien économique. Et la facture pourrait passer à 1,3 milliard cette année, selon les calculs du groupe, en restant sur une base de 3%. »

« Protéger l'épargne des Français »

Mercredi dernier, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances, s'est pourtant montré ouvert à l'idée d'une nouvelle hausse : « Ma première responsabilité, c'est de protéger l'épargne des Français, surtout dans cette période de crise, c'est extrêmement important ».

« Si jamais la conclusion de la formule et du gouverneur de la Banque de France, c'est que comme l'inflation est très élevée, il faut continuer à augmenter la rémunération du Livret A, [alors] je suivrai la recommandation du gouverneur », a ajouté le locataire de Bercy.

C'est en effet le gouverneur de la Banque de France qui recommande au ministre, tous les 6 mois, une évolution du taux du Livret A en fonction de l'évolution des deux indicateurs : la hausse des prix et l'évolution des taux interbancaires.

Interrogé sur Radio Classique vendredi, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a indiqué qu'il ferait une recommandation au ministre à la mi-juillet, soulignent Les Echos. Tout en prenant le soin de préciser qu'elle « devra tenir compte de l'intérêt des épargnants... et aussi de l'intérêt des emprunteurs ».

« Le taux du Livret A est très important pour le logement social et plus largement pour les crédits immobiliers »

Menace sur le crédit immobilier

« Le taux du Livret A, c'est comme une pièce de monnaie avec ses deux côtés : le côté épargnants et le côté emprunteurs, a-t-il précisé. Le taux du Livret A est très important pour le logement social et plus largement pour les crédits immobiliers [...] puisque le Livret A est une des ressources de financement du crédit immobilier. »

En clair : mieux vaut éviter une hausse trop importante du taux du Livret A pour limiter la flambée des taux d'intérêts immobiliers qui freine l'accession au crédit. « Après l'adoption de la réforme des retraites, le gouvernement est invité à réaliser quelques concessions en faveur des ménages, développe Philippe Crevel. La revalorisation du taux du Livret A pourrait faire partie de celles-ci. Ce dernier, comme l'a indiqué Bruno Le Maire, sera donc revalorisé le 1er août prochain mais certainement moins que ce que la simple application de la formule permettrait. Un taux autour de 3,5% est sans nul doute probable ».

Le nombre de prêts immobiliers accordés est en chute libre