A trois mois de la prochaine échéance de révision, le Livret A fait un retour dans l'actualité, après que la Caisse des Dépôts, les bailleurs sociaux et le ministre délégué au Logement ont appelé à un gel du taux le 1er août prochain. Claude, un lecteur de MoneyVox, s'en inquiète. Le scénario d'une hausse, pourtant, reste d'actualité.

Question de Claude, reçue le 2 mai 2023

« Bonjour. Je voudrais savoir pourquoi il n'est pas possible d'augmenter le taux du Livret A le 1er août ? »

Bonjour Claude, et merci pour votre question. J'imagine qu'elle vous est venue en lisant les articles de presse qui, ces derniers jours, ont relayé le lobbying des banques, du patron de la Caisse des Dépôts, de l'Union sociale de l'Habitat (USH) et du ministre délégué au Logement, Olivier Klein, en faveur d'un gel du taux du Livret A à son niveau actuel, soit 3%.

Commençons par une précision, qui vous rassurera peut-être : aucun de ces intervenants n'a le pouvoir de s'opposer à une telle hausse. A ce stade, il ne s'agit donc que de points de vue, et non d'une décision. Cette dernière appartient à la Banque de France. C'est son gouverneur, François Villeroy de Galhau, qui tranchera, sans doute pas avant la mi-juillet. Dans l'immédiat, il ne s'est pas exprimé sur le sujet. Tous les espoirs sont encore permis.

Deux voies possibles

Voici comment cela va se passer. En juillet, au moment de faire son choix, deux voies s'ouvriront au gouverneur de la Banque de France :

  • la voie normale, celle prévue par défaut, qui est la révision automatique du taux en fonction du résultat d'une formule de calcul inscrite dans la réglementation ;
  • la voie dérogatoire, prévue en cas de « circonstances exceptionnelles ». Elle autorise le gouverneur à faire une recommandation de taux au ministre de l'Economie qui, dans ce cas de figure, a le dernier mot. L'actuel occupant du poste, Bruno Le Maire, a toutefois d'ores et déjà annoncé qu'il suivrait à la lettre la recommandation qui lui serait transmise.

Taux du Livret A : la petite phrase qui relance l'espoir d'une hausse le 1er août

Examinons ces deux scénarios. Si le gouverneur de la Banque de France choisit la voie normale, il ne fait aucun doute que le taux du Livret A augmentera le 1er août. Et de façon très nette. Selon les calculs de l'économiste Eric Dor, directeur des études économiques de l'IESEG School of Management, « le taux du Livret A et du LDDS [serait] augmenté à 4,3%, sous des hypothèses plausibles sur le taux €STR et l'inflation », les deux variables considérées dans sa formule de calcul. Une bonne nouvelle pour les plus de 50 millions d'épargnants qui misent sur l'épargne réglementée : à 4,30%, un livret nanti de 10 000 euros rapporte près de 36 euros d'intérêts par mois, contre 25 euros à 3%.

Si, en revanche, François Villeroy de Galhau choisit la voie dérogatoire, tout est possible. Il devra faire un choix : donner la priorité à l'intérêt des petits épargnants ou à celui des bailleurs sociaux et des banques.

Trois scénarios en cas de dérogation

Au nom de la défense du pouvoir d'achat de l'épargne populaire, il pourrait ainsi recommander d'aller au-delà de 4,30% pour rapprocher le rendement du Livret A de l'inflation, attendue à près de 6% au 1er trimestre 2023. Il faut, en effet, le rappeler : malgré la succession des hausses depuis le début de l'année 2022, le rendement réel du Livret A, corrigé de la hausse des prix, reste largement négatif : de l'ordre de -3% actuellement.

Ce scénario, malheureusement pour les épargnants, est très improbable. Par le passé, François Villeroy de Galhau a maintes fois rappelé sa volonté de lisser les évolutions du taux du Livret A, surtout à la hausse, au nom de la stabilité financière. En clair, il veut limiter l'effet taux qui, à chaque hausse, attire vers le Livret A des milliards d'euros supplémentaires, aux dépens de placements jugés plus utiles à l'économie, comme l'assurance vie, et de la consommation des ménages.

A l'inverse, le gouverneur de la Banque de France pourrait écouter les opinions exprimées ces derniers jours et geler le taux du Livret A. Pour justifier ce choix, il pourrait invoquer, au moins, deux arguments : le caractère transitoire de l'inflation et de la hausse des taux et l'intérêt des bailleurs sociaux. Une partie de l'argent du Livret A (un tiers environ), en effet, est destinée à financer la construction de nouveaux logements sociaux, grâce à des prêts à très long terme dont les taux sont indexés sur la rémunération du Livret A. Le gel, en passant, préserverait également les banques qui distribuent le Livret A. Elles conservent environ 40% de l'argent collecté, qu'elles prêtent à des entreprises, dont elles doivent payer les intérêts aux épargnants. En clair, plus le taux est élevé, plus l'argent du Livret A leur coûte cher.

Reste une troisième voie : celle d'une revalorisation du taux limitée, par exemple, à un demi-point, soit 3,50%. Cette solution aurait l'avantage de préserver la chèvre et le chou, en offrant un petit coup de pouce aux épargnants tout en réduisant les surcoûts pour les bailleurs sociaux et les banques. C'est d'ailleurs l'option qu'avait prise, en février dernier, le gouverneur de la Banque de France : le taux du Livret A avait alors été augmenté d'un point, de 2 à 3%. Un joli bond, mais inférieur à ce qu'il aurait pu être en cas de révision automatique : la formule de calcul, en effet, donnait un taux de 3,30%.

Livret A : ces « circonstances exceptionnelles » qui vous privent d'un taux à 3,3% au 1er février

En résumé, Claude, rien n'est fait. Une hausse du taux du Livret A le 1er août reste possible, et serait logique étant donné le niveau de l'inflation et des taux interbancaires. Mais la tendance oscille plutôt entre une hausse très limitée et un gel.