Prix des parts qui baissent, encore et encore, blocage des reventes, incertitudes pour certaines familles de SCPI, rendements en baisse pour les deux autres grandes familles de fonds immobiliers, autour des -7% en 2023 pour les OPCI et SCI, dont sont friands les épargnants en assurance vie... Qu'est-ce qui cloche au pays jadis si serein et fructueux des fonds immobiliers ? Entretien avec Jean-Marc Coly, le président de l'Aspim, l'association regroupant tous les gestionnaires de SCPI et autres fonds immobiliers.

Jean-Marc Coly, Président de l'Aspim
Jean-Marc Coly
Président de l'Aspim
Association française des sociétés de placement immobilier
Jean-Marc Coly, en mars, de nouvelles baisses de prix de parts de SCPI ont été annoncées, chez BNP Paribas Real Estate, Primonial ou encore Amundi Immobilier. Cela fait suite à des corrections déjà opérées en 2023. Faut-il s'attendre à de nouvelles baisses ?

Jean-Marc Coly : « Nous pensons que nous sommes plutôt à la fin de ces ajustements de valeur. C'est la force des gérants que de tirer les conséquences de la situation économique. Au cours des deux dernières années, les sociétés de gestion ont surtout fait acte de transparence et de réactivité. Il était impossible de connaître dès le départ le bon niveau d'ajustement, car cela nécessite de connaître le niveau des prix de l'immobilier à la fin de la crise. Cependant, il est important d'aller vite car l'immobilier, à la différence de la bourse, souffre d'un problème de temporalité : nous ne sommes pas dans l'instantané. Or pendant cette période, étalée sur 2 ans, les gens sont inquiets. L'ajustement des valeurs a été assez rapide, assez brutal. Nous touchons probablement à la fin de l'évolution des taux, avec une redescente en perspective. Théoriquement, maintenant que nous avons dépassé le point haut pour les taux, l'ajustement des valeurs immobilières va s'achever. »

Quand cet ajustement des prix des SCPI devrait-il s'achever ?

J-M.C. : « A priori entre le début de cette année et le 30 juin. Ensuite [au second semestre 2024, NDLR] les éventuelles corrections restantes devraient être moins significatives. Et il faut souligner la grande disparité des ajustements observés ! Par exemple, des SCPI spécialisées dans des secteurs tels que la santé, la vieillesse ou la logistique résistent mieux. »

« L'ajustement des valeurs a été assez rapide, assez brutal »

Touche-t-on vraiment à la fin de cette baisse ? Certaines SCPI n'ont pas encore publié leurs valeurs de reconstitution - le témoin de la valeur réelle des actifs de la SCPI - à fin 2023...

J-M.C. : « Oui. Nous sommes à la fin de ce cycle. Ensuite, nous serons au plus proche des valeurs réalistes. En revanche, n'oublions pas que ce qui tient bien, pour les SCPI, ce sont les rendements. Avec l'inflation et grâce au travail des gérants, les taux d'occupation et de distribution sont à la hauteur de ce qui avait été annoncé, voire un petit peu mieux. »

« Quand on fait si peu face à des crises, on s'y habitue »

Malgré les discours rassurants des gestionnaires, que vous représentez, comprenez-vous que les investisseurs soient inquiets ? Cette succession de baisses de prix questionne...

J-M.C. : « On a fini par s'habituer. Quand on fait si peu face à des crises, on s'y habitue. On voit petit à petit l'immobilier comme un marché qui ne peut pas baisser. On a un peu oublié de se dire qu'il peut y avoir des cycles. Une vraie crise, dans l'immobilier, cela arrive finalement une fois tous les 30 ans. Nous avons fait face à d'autres soubresauts plus récemment mais pas de cette ampleur. Quand la crise survient, c'est vrai que ce n'est pas agréable mais ce n'est pas si fréquent. Après, bien que l'inquiétude soit légitime, la réalité est que seule une petite minorité d'investisseurs demande à sortir. »

« Ne tuons pas le bureau »

Cette crise est due à l'envolée des taux d'intérêt, comme vous le dites. Mais, concernant les SCPI, OPCI et SCI, la crise sanitaire Covid-19 et le développement du télétravail n'ont-ils pas en outre eu un impact important sur l'immobilier de bureaux ?

J-M.C. : « Il n'y a pas de réponse unique à cette question. Dans un portefeuille immobilier, ne tuons pas le bureau. Car le nombre d'utilisations potentielles de ces locaux est immense : cela va de la société du CAC au coworker. Il y aura toujours un usage aux locaux de bureaux ! Cela ne veut effectivement pas dire qu'il ne change pas et n'évolue pas. Un exemple : lors des années 1990, Roissy était un hub incroyable pour les bureaux. Puis la Seine-Saint-Denis a pris le pas en 1998 avec la Coupe du monde et la construction du Stade de France. Ensuite, Paris qui avait jadis perdu de la place a retrouvé de l'attrait. Tout cela pour dire que le marché des bureaux évolue... mais il existe toujours ! En effet, parfois, il faut parfois réadapter les immeubles : cela réclame des budgets de travaux mais cela fait partie de nos métiers. »

Prix des parts de SCPI en baisse, rachat plafonné... Avis de tempête sur les fonds immobiliers

Craignez-vous la décollecte, les reventes en masse ? Et comment expliquer que certains investisseurs se retrouvent bloqués, incapables de revendre leurs parts ?

J-M.C. : « Rappelons qu'il existe plusieurs manières d'investir en SCPI : en direct ou via l'assurance vie, principalement. Environ 20% des SCPI sont détenues via les fonds de l'assurance vie. Et ce mode d'investissement est très majoritaire voire exclusif pour les OPCI et SCI. Or, quand vous investissez via l'assurance vie, le problème de liquidité n'existe pas. Ce sont les assureurs qui assurent cette liquidité [Le code des assurances oblige l'assureur à restituer votre mise dans un délai maximum de 2 mois suite à votre demande, NDLR]. Mais attention, même dans l'assurance vie, une majorité d'investisseurs restent. Plutôt que de payer des frais, ils préfèrent maintenir leur investissement sur la durée et attendent que le marché remonte. Les seuls cas de blocages concernent la détention en direct : si la SCPI n'a pas la liquidité nécessaire pour permettre ce rachat de parts, alors cela passe par le marché secondaire [trouver un autre investisseur particulier prêt à racheter, en simplifiant, NDLR] soit le gérant se met à vendre des biens immobiliers et il faut alors 5 à 6 mois pour retrouver des fonds. Il est normal qu'il y ait une durée d'attente. »

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Vous évoquez une minorité...

J-M.C. : « Ce sont 2 à 3% des encours qui sont en attente de sortie : c'est beaucoup mais cela reste mesuré, ce n'est pas non plus un volume énorme. Et une fois que l'on aura ajusté les prix des parts au point bas, il n'y aura plus trop d'intérêt à sortir car la valeur de la part sera au niveau de la valeur des actifs. »

« Les seuls cas de blocages concernent la détention en direct »

Assurance vie : SCPI, SCI... Encore le bon moment pour mettre de l'immobilier dans votre contrat ?

Vous évoquiez des rendements qui se maintiennent. Mais les autres familles de placement voient eux leurs taux remonter. Les fonds immobiliers ne sont plus les seuls à promettre des performances élevées...

J-M.C. : « La SCPI et tous les produits immobiliers non cotés [les fonds du type OPCI et SCI, NDLR], leur prime de risque, c'est 200 à 300 points de base au-dessus des taux longs [donc 2 à 3% de rendement en plus que les taux des emprunts d'État, par exemple l'OAT 10 ans navigue en mars autour de 2,8%, NDLR] et ce de façon très linéaire, avec en outre un peu de la valorisation du prix. Ce rendement, c'est le grand atout des fonds immobiliers. Nous pensons qu'après l'ajustement des valeurs le rendement apparent des fonds sera à 5% ou 6%. La collecte repartira quand les particuliers auront la certitude que l'on a atteint le point bas. L'immobilier a une place dans un portefeuille, à côté des obligations et des actions, un peu comme le private equity [investissement au capital de sociétés non cotées en bourse, NDLR] : avoir 10% à 20% de son portefeuille en fonds immobilier, selon son âge, c'est forcément une bonne chose. »

« Faites une allocation d'actifs en jouant la mutualisation des risques ! »

Vous invitez donc les particuliers à attendre la fin 2024 pour investir en SCPI ?

J-M.C. : « Je dirais de se tenir prêt à réinvestir au second semestre quand ce sera le bon moment. Mais attention, il faudra garder en tête les bons réflexes : faire une allocation d'actifs avec plusieurs secteurs d'activité, éventuellement en choisissent différents gestionnaires, et ensuite selon votre appétence aller sur les SCPI créées plus récemment si vous le souhaitez. Mais faites une allocation d'actifs en jouant la mutualisation des risques ! Plus il y a d'allocataires dans un fonds, plus il y a de secteurs dans un fonds, plus vous aurez un rendement régulier, pas forcément le meilleur mais le plus régulier. Aller chercher un taux élevé, même sur des SCPI, c'est souvent la contrepartie d'un risque... »

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