La pandémie du Covid-19 bouscule toutes les familles de placement. Y compris les fonds immobiliers, placement « star » des dernières années. Est-ce encore opportun d'investir en SCPI ? Et comment les choisir face à la crise ?

4,40% : tel est le rendement moyen, ou plus précisément le TDVM (1), des SCPI en 2019. Ces fonds immobiliers si prisées depuis 3 ans ont ainsi vu leur performance rebondir en 2019, après avoir servi une rémunération moyenne de 4,34% en 2018 selon les statistiques de l’association professionnelle du secteur, l’Aspim. Plus dure sera la chute ? A court terme, la performance 2020 devrait baisser, sans s’écrouler, autour de 4% : 4,01% selon une projection de France SCPI, 3,98% selon l’observatoire des SCPI du courtier Linxea. Le passage sous la barre des 4% serait un coup dur pour les SCPI mais les investisseurs auraient pu craindre pire. Mais qu'en sera-t-il à plus long terme ?

La SCPI, un modèle en danger ?

La SCPI est un investissement locatif délégué : vous investissez dans un fonds qui loue des bureaux, des locaux de commerces, des entrepôts, des résidences… Le confinement ayant plongé l’économie en mode « pause », de nombreuses entreprises ont demandé des reports de loyers, ou voient leur activité menacée.

« Ça fait 4 ans qu’on distribue 4,50%, c’est ce que l’on vise à l’avenir, à condition que le Covid-19 s’arrête… »

Les SCPI sont-elles menacées par effet ricochet ? Deux piliers de la SCPI sont fragilisés : les bureaux – avec le recours au télétravail – et les commerces – fortement touchés par la crise. Lors d’une visioconférence organisée par le courtier en ligne Grisbee, Jean-Christophe Antoine, président de la société de gestion Atland Voisin, reconnaît que de nombreux commerçants « n’ont pas eu de chiffre d’affaires », mais il estime que 85% de leurs loyers seront encaissés sur le 2e trimestre 2020.

Ce gestionnaire négocie directement avec les locataires pour aménager les paiements, et estime que les impayés seront limités (autour de « 1% ») sur l’année 2020. Il se veut rassurant pour les performances de la SCPI Epargne Pierre, poids lourd (capitalisation de 1 milliard d’euros) fortement investi dans les commerces (35%) : « Nous anticipons pour 2020, malgré le contexte Covid-19, un rendement annuel supérieur au rendement moyen des SCPI en 2019 [soit plus de 4,40%, contre 5,85% en 2019, NDLR] », avance Jean-Christophe Antoine. Même optimisme du côté de Jean-François Chaury, directeur général d’Advenis REIM et gestionnaire de la SCPI Eurovalys, investie principalement en Allemagne : « Ça fait 4 ans qu’on distribue un coupon à 4,50%, c’est ce que l’on vise à l’avenir, à condition que le Covid-19 s’arrête… A ce jour, nous sommes assez sereins. »

Quant à la menace, à terme, pour le marché des bureaux, le président d’Atland Voisin ne croit pas à un mouvement massif : « Le télétravail sera un élément à prendre en compte dans le futur », mais il pointe tous les enjeux collatéraux pour les entreprises : esprit d’équipe, équipement du domicile, prise en charge des frais… « Ce n’est pas la mort des bureaux, il va y avoir une cohabitation qui va s’installer. »

Quelles sont les familles de SCPI les plus résistantes ?

Les particuliers investisseurs doivent-ils tout de même se montrer plus attentifs sur la sélection de leurs investissements ? Oui, répond Maxime Marcon, directeur immobilier chez Meilleurplacement.com. Il estime que la crise va marquer le retour de la « prime de risque », alors que les SCPI affichaient toutes ou presque des rendements très flatteurs ces dernières années. Lesquelles seront les plus résistantes, ou les mieux armées face à la crise ? « La taille de la SCPI peut jouer un rôle : les SCPI de plusieurs milliards d’euros vont suivre l’évolution de leur marché, quand de plus petites structures vont plus aisément saisir des opportunités. » Quant aux thématiques d’investissement les plus robustes, à ce stade de la crise du Covid-19, Maxime Marcon cite le secteur de la santé, qui ressort « nettement », et l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Irlande pour les pays à privilégier.

Le secteur de la santé « ressort nettement »

Le directeur du développement de Primonial REIM, Antoine Depigny, illustre la bonne tenue actuelle d’une SCPI « santé », en prenant l’exemple de Primovie : « Le secteur de la santé est un secteur particulier dans l’immobilier », ne réagissant pas au même rythme que le reste du marché immobilier, explique-t-il à l’occasion de la visioconférence de Grisbee. « D’un strict point de vue financier, nos locataires [cliniques, résidences services senior…, NDLR] n’ont pas eu de souci financier pendant la crise. » Antoine Depigny maintient ainsi son « objectif » de 4,50% de rendement « à long terme ».

Le fondateur de la plateforme spécialisée MeilleureSCPI.com, Jonathan Dhiver, confirme la bonne tenue actuelle des SCPI orientées sur la santé, mais il nuance : « Il faut voir comment sont investies ces SCPI ». Si jamais le marché de la santé venait à évoluer défavorablement dans quelques années, des SCPI positionnées, par exemple, sur des Ehpad, [établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, NDLR], pourraient connaître davantage de difficultés. Selon lui, « il faut être conscient que ces actifs immobiliers sont difficilement transformables en bureau, en commerce ou en résidence. »

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Face à la crise, il parie surtout sur la souplesse et la réactivité des gestionnaires : « Ces SCPI qui ont internalisé leur gestion locative. Où le gérant va trouver une solution directement avec le locataire faisant face à des difficultés ponctuelles. Ce choix, opéré de longue date, est aujourd’hui une vraie prime de réussite pour les sociétés de gestion indépendantes. » Comment un investisseur particulier peut-il connaître ces SCPI à la gestion « internalisée » ? « Nous l’écrivons dans nos comparatifs », répond malicieusement Jonathan Dhiver, avant d'appuyer : « Les gérants qui ont l’habitude d’échanger directement avec leurs locataires sortiront grandit. » Selon nos informations, Corum ou Atland Voisin, entre autres, font partie des gérants ayant cette habitude.

Quels indicateurs faut-il regarder pour limiter les risques ?

Au-delà du secteur ou de la zone géographique, les SCPI ont un avantage : de très nombreuses informations sont disponibles, en ligne, pour comparer leur solidité financière, même si l’analyse de ces données n’est pas toujours évidente… Un élément revient avec insistance depuis le début de la crise : « Les gestionnaires de SCPI disposent de réserves financières souvent considérables, appelées les reports à nouveau, qui permettront de compenser les défauts de paiement ou même la perte d’un preneur de bail », comme l’expliquait Olivier Grenon-Andrieu, président d’Equance, dès la fin mars sur MoneyVox. Des réserves permettant de combler une mauvaise passe mais « si la crise dure plus d’un trimestre ou deux, oui, il y aura un impact sur le rendement ».

Viser une valeur de reconstitution « supérieure au prix de la part »

Maxime Marcon, de MeilleurPlacement, cite lui aussi le report à nouveau parmi les indicateurs à scruter sur les fiches des SCPI face à la crise, et il incite les investisseurs à s’intéresser à la « valeur de reconstitution ». Jonathan Dhiver, de MeilleureSCPI, appuie l’intérêt de cette comparaison, qui permet de savoir si vous risquez une « décote » ou non à la revente : « Il faut veiller à ce que la valeur de reconstitution affichée soit supérieure au prix de la part à la souscription. » En clair, cette valeur permet d’estimer combien vous toucheriez à l’instant T si tous les biens de la SCPI devaient être vendus, en prenant les frais en compte.

Lire aussi : Comment décrypter les notices de SCPI

Diversifier ou échelonner : quelle stratégie face à la crise ?

Limiter les risques passe aussi, comme dans toutes familles de placement, par la diversification. Maxime Marcon, de MeilleurPlacement, conseille de sélectionner « 3, 4 ou 5 SCPI », pas plus, « car une SCPI est elle-même diversifiée, avec généralement du commerce, du bureau, de la santé… »

Pour convaincre les investisseurs frileux, Jonathan Dhiver, de MeilleureSCPI, conseille d’échelonner sa mise, à l’image d’un placement en bourse : « Vous pouvez mettre en place des versements programmés, que ce soit via une assurance vie ou en direct. De cette manière vous lissez les points d’entrée et vous vous positionnez sur différents cycles de marché. » Tous les acteurs de la SCPI répètent à l’envi que cet investissement s’envisage sur le long terme, avec un horizon de 10-15 ans. Et qu’elles ont résisté à la crise précédente, celle des subprimes... Suffisant pour relancer le cycle des collectes record, stoppé subitement par l’épidémie ?

Deux sélections de SCPI armées face à la crise

Le courtier MeilleurPlacement.com a revu et corrigé son palmarès en intégrant les difficultés liées au Covid-19. Son top 6 :

  • Pierval Santé (Euryale AM) : 5,05% (TDVM) en 2019
  • PF Grand Paris (Perial) : 4,38% en 2019
  • Epargne Foncière (La Française REM) : 4,40% en 2019
  • Novapierre Allemagne (Paref Gestion) : 4,45% en 2019
  • Eurovalys (Advenis REIM) : 4,50% en 2019
  • Atream Hôtels : 4,75% en 2019

La plateforme spécialisée MeilleureSCPI.com nous a fourni une sélection de SCPI jugées intéressantes dans le contexte actuel :

  • ActivImmo (Alderan) : lancée en juillet 2019, spécialisée dans la logistique
  • CAP Foncières et Territoires : 5,34% (TDVM) en 2019
  • Cœur de Régions (Sogenial) : 6,25% en 2019
  • Efimmo 1 (Sofidy) : 4,97% en 2019
  • Epargne Pierre (Atland Voisin) : 5,85% en 2019
  • Eurion (Corum AM) : lancée en janvier 2020

Plus d'infos sur l'investissement en SCPI

(1) Taux de distribution sur valeur de marché : il s’agit du rendement brut, le dividende hors fiscalité versé aux investisseurs, rapporté au prix de la part.