Les banques françaises ferment moins d’agences que leurs homologues européennes. Et pourtant, localement, certains élus se plaignent de difficultés croissantes d’accès au cash.

Ce 3 mars, dans le cadre d’une audition au Sénat sur la transformation des services bancaires et leurs conditions d’accès, s’est tenu un bras de fer singulier. Celui-ci opposait deux réalités : celle des chiffres et des statistiques, représentée par Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), à celle du vécu, incarnée par les sénateurs qui l’interrogeaient sur la désertification bancaire dans leur territoire.

Invitée à livrer la vision de la FBF sur ce sujet, sa porte-parole a d'abord dressé un tableau plutôt positif de la relation banque-clients, s’appuyant notamment sur un sondage que la Fédération bancaire et l’Ifop mènent tous les ans. « La solidité et la confiance envers les banques sont reconnues par les Français qui ont, à 89%, une bonne image de leur banque, et à 68% une bonne image des banques en général », explique Maya Atig. Pour elle, cette estime plus élevée pour sa propre banque est le signe que la promesse de proximité est tenue. Une proximité, pour poursuivre l’argumentaire de la porte-parole de la FBF, que confirme la densité du réseau bancaire français.

36 000 agences bancaires, « en baisse de 1,9% sur un an »

« La France est l’un des pays dans lequel le nombre d’agences diminue le moins. Aujourd’hui, il y a 36 000 agences. Il est en baisse de 1,9% sur 1 an. Mais rappelons qu’en Espagne, le nombre d’agences a chuté de 46% en 10 ans. Aux Pays-Bas, c’est -60%. En France le mouvement de fermetures est donc moins volontariste et tient compte de la fréquentation des agences ». D’autres chiffres sont également mobilisés pour étayer son propos et souligner le fait que le réseau et le digital sont complémentaires : 83% des clients des banques souhaitent bénéficier à la fois de services de proximité et en digital et même 8% uniquement du digital avec une part qui grimpe à 15% chez les plus jeunes, tout en soulignant aussi que 9% souhaitent uniquement des services en présentiel.

Mais cet argumentaire est loin de convaincre plusieurs sénateurs ayant suivi cette table ronde organisée par la commission des finances du Sénat, dont Jean-François Husson, sénateur Les Républicains de la Meurthe-et-Moselle, premier d’une longue série, à interpeller la représentante des banques sur l’accès aux agences bancaires. « On entend souvent dire que la France bénéficie de plus d’agences sur le territoire. Mais on voit souvent dans les centres urbains de agences disparaître, et ce, assez rapidement. Face à cette situation, comment agir pour garantir un égal accès aux services bancaires sur tout le territoire ? », interroge-t-il. Une problématique commentée aussi par Victorin Lurel, sénateur socialiste de la Guadeloupe : « J’aimerais mettre une touche d’Outre-mer, où, en termes d’accès aux distributeurs de billets, il y a essentiellement 2 réseaux bancaires présents : La Banque Postale et le Crédit Agricole. Il n’y a pas une coordination des banques pour qu’il y ait au moins un DAB ou une petite agence à proximité ».

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Crispation autour de l’accès aux distributeurs de billets

En effet, derrière la question du maillage bancaire, les sénateurs s’interrogent surtout sur la capacité de leurs administrés à retirer de l’argent aux distributeurs. « J’étais un peu étonné du tableau idyllique que nous a dressé la représentante de la FBF. J’ai noté une satisfaction générale des clients. Or, dans les territoires ruraux, on observe des choses différentes. Dans 80% des communes, il n’y a pas de distributeurs de billets. Cela pose des problèmes importants. On l’a vu durant le confinement où certains ne citoyens n’avaient plus accès à des moyens de paiement », explique ainsi Hervé Maurey, sénateur Union centriste de l’Eure. Ce dernier a vraisemblablement en tête une étude de la Banque de France remontant à juin 2019 qui relatait que 28 500 communes ne sont pas équipées d'un distributeur.

« Ce qui est curieux est que l’on a en même temps des entreprises de transport de fonds qui se positionnent sur les distributeurs de billets », ajoute le sénateur de l’Eure. En 2019, Brink’s a en effet lancé ses premiers distributeurs d’argent, appelés Point Cash, fonctionnant sans l’intermédiaire d’une banque, via un accord commercial avec la municipalité. Récemment, début février, le gestionnaire de DAB a fait savoir que 50 nouvelles communes allaient être équipées en Point Cash. Une expérience qu’Eric Bocquet, sénateur du Nord du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, rapporte avec une pointe d’amertume. « Une commune de mon département, Lecelles, voulait faire installer un DAB dans le cadre d’une politique de dynamisation de son commerce local. Les banques sollicitées ont refusé de l’installer. Et c’est le transporteur de fonds Brinks qui a accepté de mener cette opération avec des conditions financières et contraignantes. Il y a une convention de 5 années, 1 300 euros mensuels à la charge de la commune et un nombre de retraits minimum imposé par mois. Et, si ce nombre n’est pas atteint, le forfait de 1 300 euros augmente de 200 euros. Cela veut dire, encore une fois, qu’il y a un transfert progressif des charges sur la commune. C’est la collectivité qui supporte le coût alors que les banques ont refusé de jouer ce rôle ».

A 15 minutes en voiture d'un DAB

Réponses (chiffrées) de Maya Atig : « Les banques sont conscientes par les contacts qu’elles ont localement que ce n’est jamais simple d’être le dernier établissement à fermer. Mais je voudrais dire que 99% de la population métropolitaine réside soit dans une commune qui a un automate, soit se trouve à moins de 15 minutes en voiture d’une commune équipée. 15 minutes ce n’est pas rien. Mais c’est assez rare de faire un déplacement uniquement pour retirer du cash ». Elle évoque également la progression de l’utilisation de la carte en sans contact pour les paiements du quotidien, à la place des espèces, avant de conclure : « Bien entendu il restera toujours des retraits de petits montants, mais je crois qu’il y a une recherche d’équilibre entre un accès à un réseau, qui se maintient chaque fois que c’est possible, et les décisions qui sont prises [par les banques, ndlr]».

Entretenir et gérer les distributeurs automatiques est une charge que les banques veulent limiter. A chaque fois qu'un client utilise un DAB d’un établissement concurrent, sa banque paie 89 centimes d’euro à l’établissement qui possède le distributeur. En 2019, d'après les derniers chiffres de la Banque de France, plus de 2 000 distributeurs ont disparu. Il en reste 50 000 sur le territoire.