Alors que la crise économique provoquée par l'épidémie de coronavirus n'épargne pas les banques, comment évolue la rémunération des dirigeants du secteur ? Vont-ils vraiment faire un effort conséquent ?

Tout comme les actionnaires, les patrons des banques sont appelés à faire preuve de modération face à la crise. Ainsi, ces dernières semaines, les équipes dirigeantes de plusieurs établissements bancaires ont annoncé qu’elles renonçaient à percevoir soit une partie de leur rémunération acquise au titre de 2019, soit une partie de leur rétribution de 2020.

« Que chacun fasse un effort, c’est très bien. Les actionnaires des banques, comme plus généralement des grandes entreprises, ont accepté une baisse voire le non versement des dividendes. Les salariés ont, pour certains, été mis au chômage partiel et donc ont vu leur rémunération baisser. De fait, que les dirigeants fassent aussi un effort, nous ne pouvons que nous en réjouir », commente Charles-Henri d’Auvigny, président de la Fédération des investisseurs individuels et des clubs d’investissement (F2IC).

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1 million d’euros en moins pour les dirigeants du Crédit Agricole

Le Crédit Agricole est la première banque à avoir lancé le mouvement. Dès le 8 avril, Philippe Brassac, le directeur général du Crédit Agricole SA (CASA), l’entité cotée du groupe, et Xavier Musca, son directeur général délégué, annonçaient faire une croix sur la moitié de leur rémunération variable due au titre de 2019. Concrètement, Philippe Brassac va ainsi toucher 628 650 euros de rémunération variable, au lieu des 1,26 million d’euros accordés par le conseil d’administration. Xavier Muscat va quant à lui percevoir 315 850 euros, contre 631 700 euros de variable prévus initialement. Ces sommes non versées vont être allouées au fonds de solidarité du groupe en faveur des personnes âgées, détaille le Crédit Agricole par communiqué. Le salaire fixe des deux dirigeants du groupe reste, en revanche, inchangé, à respectivement 1,1 million d’euros pour Philippe Brassac et 700 000 euros pour Xavier Musca. Leur salaire fixe est également reconduit tel quel pour 2020.

Baisse du salaire fixe au Crédit Mutuel

Traitement différent au Crédit Mutuel Alliance fédérale. En effet, Nicolas Théry, président du conseil d’administration, et Daniel Baal, directeur général, ont eux consenti à une baisse de 20% de leur rémunération fixe au deuxième trimestre 2020, soit une baisse de 5% sur l’année, comme le rapportent Les Echos. Ces derniers qui ne touchent pas de salaire variable - indexé sur leur performance individuelle et celle du groupe mutualiste – devraient donc voir leur rémunération annuelle passer de 880 000 euros à 836 000 euros.

Les patrons d’Arkéa renoncent à deux tiers de leur rémunération

Les dissidents bretons du Crédit Mutuel, Arkéa, ont également décidé de mettre la main à la poche. « Dans le contexte lié à l’épidémie de Covid-19, le président, le directeur général et le directeur général délégué ont fait le choix de renoncer par avance à percevoir la rémunération variable qui aurait pu leur être attribuée au titre de l’exercice 2020, c’est-à-dire la rémunération variable annuelle qui aurait pu leur être attribuée au titre de l’exercice 2020 mais également l’intéressement à long terme qui aurait pu leur être attribué au titre du plan triennal des exercices 2018, 2019, 2020 », détaille ainsi Arkéa dans son document d’enregistrement universel.

Cette partie variable n’est pas négligeable. Pour Jean-Pierre Denis, le président du conseil d’administration d’Arkéa, Hélène Bernicot, sa nouvelle directrice générale, et Anne Le Goff, directrice générale déléguée, celle-ci peut représenter 2 fois leur salaire fixe. Ainsi, à titre d’illustration, sur les 1,59 million d’euros touchés par Jean-Pierre Denis pour 2019, 1,06 million étaient du variable.

Des baisses en-deçà des attentes des actionnaires individuels

La Société Générale prévoit également que l’effort porte sur la rémunération variable pour 2020 de sa direction. Elle va ainsi baisser de moitié, selon son directeur général Frédéric Oudéa. Pour les autres groupes bancaires – BNP Paribas, Banque Populaire-Caisse d’Epargne (BPCE)… –, si aucune baisse de rétribution n’est pour l'instant annoncée, elle sera a priori de toute façon mécanique.

Presque systématiquement, une partie importante de la rémunération des patrons des banques est indexée sur les résultats financiers du groupe, à l’exception notamment des dirigeants de La Banque Postale ou du Crédit Mutuel Alliance Fédérale. C’est de là que provient généralement l'essentiel de la partie variable de leur rémunération. Pour les entités cotées (CASA, Société Générale, BNP Paribas, BPCE), leur rétribution est aussi souvent reliée à l’évolution de l’action du groupe, via notamment l'octroi de titres gratuits.

Or, les perspectives 2020 s’avèrent maussades. En atteste, par exemple, BNP Paribas qui table cette année sur une chute de 15% à 20% de son bénéfice par rapport à 2019. Résultat, selon Jean Lemierre, président de BNP Paribas, l’ensemble des rétributions variables des dirigeants « devrait baisser de 25%, y compris les différés des années antérieures », dont les propos sont rapportés par L’Agefi. Du côté de BPCE, son patron Laurent Mignon prévient également que le variable de 2020 sera « très significativement inférieur » à celui de 2019.

Pour les actionnaires individuels, ces contributions sont toutefois insuffisantes. « L’effort doit porter sur la partie fixe », explique Charles-Henri d’Auvigny de la F2IC. Celle-ci étant versée indépendamment de la situation financière de la banque. « Dans le contexte actuel, une baisse de 20% à 25% me parait justifiée. Au-dessus, c’est formidable. En dessous, c’est insuffisant ».