Les gouvernements et les banques centrales de la planète doivent faire barrage au projet de monnaie virtuelle avec laquelle Facebook entend bouleverser le système financier mondial sous peine de voire émerger « un monde de monopoles totalitaires », s'indigne le président du Crédit Mutuel Nicolas Théry.

« Qu'une monnaie Facebook recueille l'accord, même implicite, des banques centrales et des gouvernements dépasse l'entendement », écrit Nicolas Théry dans une tribune cosignée avec l'économiste Daniel Cohen et publiée dans le Figaro de jeudi. Dès que les consommateurs accorderont leur confiance à cette nouvelle monnaie, « le drame pourra surgir », pointent les deux auteurs, estimant que les banques centrales sont « les seules à même d'éviter les crises monétaires et de protéger les épargnants ».

Selon eux, « en Europe, l'euro a été l'étape la plus marquante d'une réponse politique aux désordre monétaires. Le fait de brader cette souveraineté sur l'autel de la construction d'un monde de monopoles totalitaires serait inacceptable », poursuivent les deux auteurs. Et pour eux, « les premières victimes seraient d'ailleurs les pays en développement : à leurs concitoyens, Facebook vendrait la perspective illusoire d'une réduction du risque de change alors qu'il s'agirait en fait de privatiser une partie de leur masse monétaire et d'organiser une fuite des capitaux vers une pseudo-banque centrale installée en Suisse ».

« Un test de crédibilité des banques centrales »

De façon plus générale, derrière ce type de projet « se niche une remise en cause irréversible de nos libertés publiques et de nos structures sociales. (...) Le monde de la simplicité technologique ne doit pas nous abuser sur les vraies intentions de ces multinationales (Google, Amazon, Facebook, Apple, ndrl) : c'est la maîtrise de notre intimité numérique qui se joue », affirment Nicolas Théry et Daniel Cohen. « Le projet de monnaie de Facebook est un test de crédibilité des gouvernements et des banques centrales », concluent-ils.

Facebook a dévoilé cette semaine sa monnaie virtuelle, confiant la gouvernance de Libra à une entité indépendante, l'association Libra, basée à Genève (Suisse) et composée d'entreprises comme Mastercard et Visa (cartes bancaires) ou PayPal (système de paiement). Libra doit offrir à partir de courant 2020 un nouveau mode de paiement en dehors des circuits bancaires traditionnels : elle se veut la pierre angulaire d'un nouvel écosystème, affranchi de la barrière des différentes devises, un outil susceptible d'intéresser notamment les exclus du système bancaire, dans les pays émergents par exemple.