Le minimum forfaitaire d’agios permet aux banques de se rémunérer sur les petits découverts, avec une marge dépassant largement le taux de l’usure. Comment est-ce possible ? Et comment l’éviter ?

Au mois de janvier, votre compte en banque passe très légèrement dans le rouge avec un découvert de 50 € pendant 3 jours. Pas de quoi s’affoler, le virement de votre salaire, qui est arrivé tardivement, comble ce « trou » passager.

Votre banque va néanmoins calculer des agios pour ce petit découvert. Pour cela, elle ne doit pas appliquer un taux débiteur supérieur au taux de l’usure. Pour le premier trimestre 2018, ce taux maximum pour les prêts à la consommation de moins de 3 000 € est de 20,88%. Ce qui représente des agios de 8 centimes, au maximum.

Mais voilà, à la fin mars, lors de son arrêté trimestriel, votre banque vous facture des frais intitulés « minimum forfaitaire d’agios » d’un montant de 7 €. Un montant sans commune mesure avec celui attendu. Et qui représente un TAEG très largement usuraire, équivalent à un taux débiteur de plus de 1 000% !

Cette pratique est-elle illégale ?

La facturation d’un minimum forfaitaire d’agios n’est pas illégale. La pratique est autorisée par l’article R.314-9 du code de la consommation qui dispose qu’« il peut être perçu pour chaque opération un minimum forfaitaire qui n'est pas pris en compte pour déterminer le taux effectif global ; ce minimum doit être porté à la connaissance de l'emprunteur ».

Il est donc tout à fait possible pour une banque de facturer un montant forfaitaire, sans avoir à respecter les limitations du TAEG par rapport aux seuils de l’usure.

Une limitation a cependant été prévue dans un arrêté qui date de 1986 et qui est toujours en vigueur aujourd’hui : ce minimum est applicable seulement aux découverts de moins de 400 € (2 500 francs à l’origine) en moyenne journalière calculée entre deux arrêtés de compte.

Une pratique pouvant être considérée comme abusive

On se souvient, il y a quelques années, de la bataille de plusieurs associations de consommateurs sur la pratique des commissions d’intervention. Elles souhaitaient voir ces frais pris en compte dans la détermination du TAEG des découverts. Du côté des banques, l’argument était que ces commissions étaient déconnectées du découvert et qu’elles correspondaient à l’étude des opérations irrégulières, qu’elles devaient autoriser ou non. En 2014, le montant de la commission d’intervention a été plafonné par la réglementation à 8 € par opération et à 80 € par mois, mais n’a pas été intégrée à l’assiette de calcul du TAEG.

Pour le minimum forfaitaire d’agios, l’analyse est différente. Ce montant rémunère directement la banque pour le crédit qu’elle a implicitement accordé. Mais surtout la limite actuelle ne porte pas sur le montant du minimum de perception mais sur le montant du découvert moyen pour lequel il est possible d’appliquer ce minimum de perception. Ainsi, à notre connaissance, rien n’empêche aujourd’hui une banque de fixer un minimum forfaitaire de 50 € quand bien même un découvert de 400 € pendant un trimestre ne représente qu’une vingtaine d’euros de frais au maximum. Cette tarification apparaît particulièrement contestable quand le découvert ne nécessite pas de traitement spécifique de la part du banquier et qu’il ne présente pas non plus de risque pour elle, compte tenu de votre épargne ou des rentrées régulières d’argent sur le compte.

Sur les tarifs pratiqués par les banques, c’est le grand écart, ce qui démontre s’il y était besoin que le montant forfaitaire n’a que peu de liens avec le coût réel du service. Ce minimum est ainsi de 1 € au Crédit coopératif, 1,50 € à la Banque Postale, 7 € chez BNP Paribas et à la Société Générale, ou encore de 15 € à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne. Cette facturation suscite, par ailleurs, la surprise des clients concernés, qui n'ont pas eu la sensation d’avoir été à découvert, même brièvement, et expriment leur mécontentement sur les espaces communautaires de leur banque.

Comment éviter cette facturation ?

Il n’est donc pas possible de contester la légalité de ces frais mais vous disposez de plusieurs moyens pour contourner la facturation de ce minimum forfaitaire d’agios.

Tout d’abord, vous pouvez négocier avec votre banquier pour obtenir un remboursement des frais. Tentez de le persuader du caractère illégal et usuraire de cette pratique ou, plus sérieusement, argumentez sur le niveau important des frais par rapport au découvert réellement utilisé. Comme toujours, plus votre profil sera intéressant à ses yeux, plus vous aurez des chances de réussir.

Vous pouvez également souscrire un contrat de découvert autorisé. Quand ce service est payant, le plus souvent et selon les banques, vous pourrez bénéficier d’une franchise d’agios (ou seuil de non-perception d’intérêts débiteurs) de quelques euros par mois ou par trimestre. Par exemple, avec une franchise d’agios de 3 €, les agios inférieurs à ce seuil ne seront pas facturés, alors qu'ils le seront en totalité au-delà du seuil. Dans certaines banques, le découvert autorisé est compris dans le forfait de compte (l’offre groupée de service) et permet de ne plus avoir de minimum de perception d’agios.

Quitte à subir ce minimum forfaitaire, vous pouvez en profiter plus longuement, et sans surcoût. En théorie, pour les mêmes 7 € d'agios, vous pourriez profiter d’un découvert de 400 € pendant 20 jours, au lieu de 50 € pendant 3 jours de l'exemple introductif. Attention, évidemment à la limite de cet exercice : il ne faut pas aller trop loin en montant de découvert ou en durée, sous peine de se voir appliquer, en plus, des commissions d’intervention sur les nouvelles opérations.

Enfin, vous pouvez faire jouer la concurrence. Les principales banques en ligne, par exemple, ne facturent pas ce minimum d’agios. Vous auriez eu chez elles, avec un taux débiteur typique de 16% pour un découvert non autorisé des agios de seulement 7 centimes pour les 3 jours de découvert à 50 €.