La proposition de loi sur les comptes bancaires inactifs, votée la semaine passée par l’Assemblée nationale, n’oblige pas les banques à rechercher les ayants droit des comptes bancaires déclarés inactifs à la suite du décès de leur titulaire. Une « lacune », critiquée par l’Association française des usagers de banque et l’opposition, dont s’est expliqué Christian Eckert, le député PS à l’origine du texte.

Dans un communiqué du 22 février, l’AFUB a dénoncé, avec sa véhémence habituelle, le « hold-up de l’Etat sur 1,5 milliard d’euros… au prix du sacrifice des usagers ». Objet du courroux de l’association de consommateurs : la proposition de loi sur les comptes bancaires inactifs et les contrats d’assurance-vie en déshérence, qui vient d’être adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. Etrange, lorsqu’on sait que cette proposition de loi, votée à l’unanimité mercredi dernier, se donne justement pour objet de protéger les droits des épargnants.

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Que reproche l’association à la « proposition Eckert », du nom du député PS, rapporteur général de la commission des finances, à l’origine du texte ? D’avoir fait l’impasse sur une mesure : l’obligation pour les banques de rechercher d’éventuels héritiers, comme c’est le cas pour les assureurs. Dans l’état actuel du texte, elles auront pour seule obligation de s’informer du décès éventuel d’un client, en consultant le RNIPP (1). Ainsi, en l’absence de manifestation des héritiers ou de leurs ayants droit, les sommes en déshérence seront d’abord confiées à la CDC au bout de dix ans, puis dans le cadre de la déchéance trentenaire deviendront la propriété de l’Etat au bout de 30 ans.

Notaires et FICOBA

L’AFUB n’est pas la seule à mettre le doigt sur cette absence. Au cours de la discussion en séance publique du texte, des amendements en ce sens des députés d’opposition Charles de Courson (UDI) et Dominique Tian (UMP) ont été discutés, ce qui a permis à Christian Eckert de s’expliquer sur le sujet. « C’est le métier des assureurs-vie de rechercher les bénéficiaires d’un contrat dont le souscripteur est décédé ; les assureurs y sont d’ailleurs tenus contractuellement », a déclaré le député PS au cours des débats. « En revanche, la mission de la banque est de conserver les fonds, non de rechercher les ayants droit si le titulaire du compte est décédé. »

Dans son communiqué, l’AFUB explique « que l’absence de toute disposition à ce sujet laisse les légitimes propriétaires des fonds dans l’incapacité de découvrir l’existence de compte dormant dont ils seraient les bénéficiaires. » Ce n’est pas l’avis de Christian Eckert. « (…) On sait résoudre le problème », a-t-il expliqué. « Comment ? Vous le savez : par l’obligation, pour les notaires, de consulter FICOBA (2). Lors du traitement d’une succession, les notaires vont avoir connaissance de l’existence d’un compte. » Objection de l’opposition : 20% des décès n’entraînent pas l’ouverture d’une succession.

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L’information des ayants droit, après le décès des titulaires des comptes, est un des enjeux de la proposition de loi. Outre l’obligation pour les notaires chargés des successions de consulter le FICOBA, elle oblige les banques à rendre public chaque année le nombre de comptes inactifs qu’elles détiennent, et leur encours. Elle prévoit également de plafonner les frais de tenue de compte.

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Enfin, la Caisse des dépôts et consignations, qui doit récupérer la gestion des comptes en déshérence au bout de 10 ans d’inactivité, devra organiser, si le texte est voté en l’état, la « publicité appropriée de l’identité des titulaires de comptes dont les avoirs ont fait l’objet [d’un] dépôt (…) afin de permettre à ces personnes ou à leurs ayants droit de percevoir les sommes (…) qui leur sont dues » explique le texte de la loi voté par l’Assemblée nationale.

La proposition de loi Eckert doit être discutée en séance publique les 16 et 17 avril prochains par le Sénat. Le texte ne fera qu’une navette, le gouvernement ayant demandé l’urgence à son sujet.

(1) Registre national d’identification des personnes physiques, fichier détenu par l’Insee, qui centralise les informations des registres d’état-civil, et notamment les décès.

(2) Fichier national des comptes bancaires et assimilés, détenu par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), qui recense les comptes bancaires ouverts sur le territoire national.