La proposition de loi sur les comptes bancaires inactifs (1) va être discutée en séance publique à l’Assemblée nationale. Parmi les mesures envisagées, les députés PS, à l’origine du texte, souhaitent introduire un plafonnement des frais de tenue de compte, inactif ou non. Explication.

Après les commissions d’intervention, encadrées par la loi bancaire de juillet 2013, va-t-on assister au plafonnement réglementaire d’une autre ligne tarifaire ? Oui, selon toute probabilité. La proposition de loi sur les comptes bancaires inactifs, qui sera discutée en séance à l’Assemblée nationale mercredi prochain, prévoit en effet de plafonner les frais de tenue de compte (2). Le texte, soumis en amont au Conseil d’Etat, a le soutien du gouvernement, qui a engagé la procédure accélérée (3).

Lire par ailleurs : Comptes bancaires inactifs : qu’envisage la proposition de loi ?

53 euros par an en moyenne

En quoi consistent ces frais ? Ils sont facturés par la grande majorité des banques pour compenser le coût de gestion des comptes qu’elles détiennent dans leurs livres. Deux tarifs sont en général distingués : les frais de tenue de compte standards, prélevés sur tous les comptes, et les frais de tenue de compte inactifs, qui ne concernent que les comptes (courant, d’épargne, etc.) restant sans opération pendant un certain temps, généralement un an.

Selon notre comparatif des tarifs bancaires, au 1er février 2014, 87 banques, sur les 129 recensées, facturent les premiers, en moyenne 28 euros par an ; 119 enseignes font payer les seconds, pour une facture annuelle moyenne de 53 euros, en augmentation de 8,6% sur un an, avec un éventail de prix très large : de 10 euros au Crédit Agricole de la Réunion à 135 euros dans les banques du groupe Crédit du Nord.

Pour les rédacteurs de la proposition de loi, au premier rang desquels le député socialiste Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, ces frais présentent un caractère abusif dans le cas de comptes en situation de déshérence, le plus souvent à la suite du décès du titulaire. « Entre le moment où un compte devient inactif et l’application de [la déchéance trentenaire (4)], il s’écoule donc trente ans pendant lesquels les établissements bancaires bénéficient d’une totale liberté de gestion de ces comptes », écrit ainsi Christian Eckert dans son rapport. « Dans ces conditions, aucune règle n’interdit aux banques de prélever des frais de compte, d’un montant parfois abusif, alors que les coûts de gestion réellement imputables à ces comptes sont, par nature, généralement limités. » La Cour des comptes, qui a rédigé un rapport sur la question en juillet 2013, rapporte que le montant de ces frais de gestion pouvaient représenter entre la moitié et le tiers des avoirs présents sur certains comptes inactifs.

Les frais standards également plafonnés

Ces lacunes réglementaires ont une conséquence : tirant profit de ces comptes oubliés, les banques n’ont aujourd’hui intérêt ni à rechercher activement leurs titulaires (ou leurs descendants), ni à transférer la gestion des fonds à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). L’an passé, dans le même rapport, la Cour des comptes avait chiffré à 28,9 millions d’euros les avoirs et titres déposés par les banques à la CDC entre 2006 et 2012, alors même qu’elle estimait à au moins 1,2 milliards d’euros le montant des encours non réclamés.

Parmi les leviers envisagés pour remédier à cette situation figure donc le plafonnement des frais de tenue de compte. Dans son état actuel, le texte de la proposition de loi se contente de poser ce principe. Ses conditions d’application sont renvoyées à la publication d’un décret en Conseil d’Etat. On ne sait donc pas encore si le plafonnement se fera en valeur absolue, ou en proportion de l’encours. Le rapport précise bien, par contre, que dans l’esprit des rédacteurs du texte, la limitation ne touchera pas uniquement les frais de tenue de compte inactif, mais aussi les frais standards. Une raison à cela : les pratiques varient d’une banque à l’autre, certaines ne facturant que les frais standards, d’autres que les frais d’inactivité, d’autres distinguant les deux. L’idée est donc de couvrir tous les cas de figure.

Reste à savoir comment les banques réagiront à la perspective de ce plafonnement d’une nouvelle ligne tarifaire. La question est d’autant plus sensible que la facturation des frais standards tend à se généraliser et à augmenter, comme l’a montré le rapport 2013 de l’Observatoire des tarifs bancaires du CCSF. A tel point qu’elle vient d’être intégrée à l’extrait standard des tarifs qui recense, en entête des plaquettes tarifaires, les frais les plus couramment facturés.

(1) Proposition de loi n°1546 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence

(2) Le texte prévoit également un plafonnement des frais facturés sur les contrats d’assurances-vie après le décès de l’assuré, lorsqu’aucun bénéficiaire n’a pu être identifié.

(3) La procédure accélérée permet au gouvernement de demander la réunion de la commission mixte paritaire, dont le rôle est de trouver un texte de compromis en cas de désaccord entre Assemblée et Sénat, après une seule lecture dans chaque chambre au lieu de deux normalement.

(4) Actuellement, les banques ont pour seule obligation de transmettre les avoirs des comptes inactifs au bout de trente années sans mouvements.